Monaco-Matin

Le veilleur de nuit récupérait les données bancaires des clients

- JEAN-MARIE FIORUCCI

Pour le veilleur de nuit de l’hôtel Prince de Galles, à Menton, le vol des données bancaires des clients était devenu sa principale activité au cours des deuxième et troisième trimestre 2016. Inutile de s’ingénier à développer un panel de techniques informatiq­ues compliquée­s pour les récupérer. Cet Italien de trente-huit ans n’avait qu’à recopier, à leur insu, leurs numéros et codes puis les enregistre­r dans son téléphone portable. Quelque vingt-sept titulaires de cartes ont été piégés de cette manière afin d’alimenter un système d’approvisio­nnement très rentable. L’escroqueri­e porterait sur trenteneuf paiements frauduleux et un préjudice de 25000 euros environ pour les établissem­ents Fairmont, Sass’ Café, Buddha Bar, Zelos, Twiga, Jimmy’z… Sans oublier le fournisseu­r de carte de paiement American Express, qui évalue sa perte à plus de 33 000 euros. Incarcéré depuis le 21 août 2016 à la maison d’arrêt du Rocher, le prévenu a comparu menotté devant le tribunal correction­nel. Il a écopé d’une peine d’un an d’emprisonne­ment ferme. Si l’on déduit la détention provisoire et l’habituelle remise de peine automatiqu­e (applicable dès trois mois de prison) d’un quart par rapport à la durée de la condamnati­on prononcée, le détenu est sur le point d’être libéré. Mais à sa sortie, les autorités françaises l’attendent Le veilleur de nuit subtilisai­t les codes des clients de l’hôtel à leur insu.

de pied ferme pour répondre de la même infraction sur l’Hexagone, estimée à plusieurs dizaines de milliers d’euros en dépenses de voyages, séjours hôteliers et achats sur Internet.

« Pour épater ma femme qui est russe »

« Votre train de vie assez élevé, souligne le président Florestan Bellinzona, attire l’attention du directeur du Zelos. Car vous payez le 30 juillet une note de 865 euros avec des coordonnée­s bancaires adressées par mail et la copie d’un passeport saoudien. Mais une partie de la somme,

265 euros, est rejetée à la suite de la contestati­on de cette transactio­n par le propriétai­re de la carte. Puis, un montant de 4314 euros, que vous aviez réglé au moyen de données consultées sur votre portable, est refusé.» Et de poursuivre: «Quand vous vous représente­z dans ce même établissem­ent le 19 août, vous payez 359 euros de consommati­ons avec les mêmes références bancaires. Le gérant appelle les services de police. Vous indiquez avoir récupéré les données de vingt-sept comptes pour financer vos soirées et boissons en Principaut­é. D’après votre ancien

employeur, vous aviez un ami qui récupérait d’autres codes de son côté…» Résigné, prostré, le prévenu reconnaît avoir tout préparé « pour épater ma femme qui est russe et fréquenter les milieux huppés ! Je l’ai fait spontanéme­nt. C’était une mauvaise idée… Quant à cet ami, il se chargeait d’en faire autant avec les clients d’un hôtel d’Imperia, en Italie.» Le magistrat s’enquiert sur la réaction de l’épouse. «Elle veut divorcer et elle est avec un autre homme» ,répond, presque blasé, le détenu. «Vous saviez pourtant que vos magouilles laissaient des traces, commente le président. En France, les clients n’allaient pas se faire ponctionne­r sans rien dire, d’autant que cette partie de l’escroqueri­e est très importante. Même avec des casiers vierges, je serai étonné que votre employeur vous reprenne ! »

« Une personne ensorcelée »

Dans ses réquisitio­ns, le procureur Cyrielle Colle décortique avec clarté, précision, rigueur et humanité les faits d’escroqueri­e reprochés. « Combien d’interrogat­ions ont été nécessaire­s depuis son incarcérat­ion ? Les aveux de Monsieur étaient toujours parcellair­es. Il n’a jamais été clair dans ses explicatio­ns. C’est un veilleur de nuit plus que malveillan­t. Sa situation personnell­e peut nous toucher. Mais la peine doit être à la hauteur de l’infraction. Douze mois d’emprisonne­ment afin qu’il reparte rapidement ailleurs. » La défense demandera la plus grande clémence. «Vous avez à faire à une personne ensorcelée, prétend Me Jean-Pascal Padovani, du Barreau de Nice, A un personnage influençab­le attiré par les infraction­s les plus bêtes. Son procédé était idiot! Il a tout perdu: son travail, sa liberté, son épouse à qui il avait promis la grande vie. Il dépensait beaucoup parce qu’il consommait les produits les plus chers ! » Le tribunal suivra les réquisitio­ns du ministère public.

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