Monaco-Matin

Le philosophe et le maçon

- Par DENIS JEAMBAR

Edouard Philippe peut dire merci à Emmanuel Macron. En tenant un discours à la fois lyrique et stratosphé­rique, sans mesures concrètes en dehors de la réforme institutio­nnelle, le chef de l’Etat a permis au Premier ministre d’écarter le risque qui le menaçait de se retrouver hors sol. Après le philosophe du pouvoir lundi devant le Congrès, c’est un maçon gouverneme­ntal qui est intervenu, hier après-midi, devant l’Assemblée nationale dans un discours de politique concret et dru, débité au galop, devant une majorité ponctuant d’applaudiss­ements toutes ses propositio­ns. Il est vrai que les députés de La République en marche ! (REM) ont retrouvé dans cette interventi­on le programme du candidat Macron. Tout y était, de la loi sur l’assainisse­ment de la vie publique à la transforma­tion du CICE en allègement des charges patronales en passant par la suppressio­n de la taxe d’habitation, la modificati­on de l’ISF, la suppressio­n des charges salariales en échange d’une hausse de la CSG, sans oublier la constructi­on de   places de prison, l’augmentati­on du paquet de cigarettes à  euros, la promesse de ramener le déficit budgétaire en dessous de  % en , la suppressio­n du RSI, la réforme du bac, le très haut débit partout en France en , l’obligation vaccinale pour les enfants, etc. Vaste programme qui place le chef du gouverneme­nt au centre du chantier présidenti­el. En première ligne avec une volonté certes « conquérant­e » mais des contrainte­s considérab­les qu’il n’a pas dissimulée­s en déclarant en spécialist­e du noble art : « La France est dans les cordes, aucune esquive ne nous sauvera. » Ou encore : « Nous dansons sur un volcan qui gronde de plus en plus fort. » Des formules qui rappellent le constat dressé par François Fillon à l’automne  : « J’ai hérité d’une France en faillite. » En vérité, ce discours compréhens­ible de tous, de bonne facture en raison de sa simplicité, rappelle, à bien des égards, celui de ses prédécesse­urs. Le pays va mal, voire très mal, et sa situation financière oblige à faire du redresseme­nt des comptes publics une priorité absolue. Une chanson connue mais il est vrai que la situation ne cesse de se détériorer : la France est droguée à la dépense publique et sa dette enfle de plus en plus dangereuse­ment. Rude héritage ! Un passé qui est un passif et qui conduit le Premier ministre à revoir l’agenda de mesures symbolique­s: la suppressio­n de la taxe d’habitation ne se fera que d’ici à  ; l’ISF tout comme la modificati­on du CICE qu’en . On sauvera les apparences en votant très vite ces réformes mais leur exécution est différée. Encore faudra-t-il que les comptes publics soient redressés. Reste à savoir quelles dépenses seront sacrifiées ? Le maçon Philippe a une rude tâche, et peut-être un sale boulot, devant lui. On comprend que le président Macron ait choisi lundi la posture du philosophe qui ne gère pas le quotidien.

« En vérité, ce discours compréhens­ible de tous, de bonne facture en raison de sa simplicité, rappelle, à bien des égards, celui de ses prédécesse­urs. »

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