Monaco-Matin

Une deuxième édition en 

Sur un nuage depuis l’énorme succès de la première F(ê)aites de la Danse, le directeur des Ballets de Monte-Carlo est prêt à rempiler et dévoile une démarche artistique et humaniste militante

- Propos recueillis par Thomas MICHEL tmichel@nicematin.fr Photo : Charly Gallo/Dir.Com.

Comme l’équilibre d’un danseur ou l’alchimie d’une chorégraph­ie, le succès d’une grande fête culturelle et populaire ne tient souvent qu’à un fil. Celui du partage, de l’émotion, de la simplicité et de l’exigence mêlés. Bref, celui d’un profession­nalisme dévoué dont les 250 danseurs et 600 membres du staff de F(ê)aites la danse ont fait montre, samedi dernier, pour monter de toutes pièces le plus grand événement culturel de Monaco en terme de fréquentat­ion et, pour beaucoup, de spectacle. À la baguette, le directeur et chorégraph­e des Ballets de Monte-Carlo, Jean-Christophe Maillot, ne cache pas sa fierté, sa joie et son émoi, tout en réfléchiss­ant déjà à l’après.

L’événement a manifestem­ent dépassé toutes vos attentes ? J’avais dit, avec un peu d’ambition, qu’on viserait entre   et   personnes. Ce dont on est certain, chiffres à l’appui, c’est qu’il y a eu un pic à minuit avec plus de   personnes sur la place du Casino [«près » de   personnes selon le Ministère de l’Intérieur, qui n’a pu donner jusqu’à présent de chiffres de la fréquentat­ion globale, ndlr]. On sait aussi qu’entre  heures et minuit, il n’y a jamais eu moins de   personnes sur la place. Et, ça n’engage que moi, mais je suis certain qu’entre  h et  h du matin, les mêmes personnes ne sont pas restées et donc qu’il y a eu plus de   personnes. J’ai toujours eu cette volonté d’imaginer qu’il faut, du plus pointu au plus populaire, respecter toutes les propositio­ns et n’exiger que la qualité. C’était le souhait de

Jean Vilar et je m’amuse d’avoir vu Marion Crampe faire de la pole dance à F(ê)aites de la Danse. Dans le milieu culturel, certains ont dû ricaner ou pouffer de rire, mais la qualité indiscutab­le de sa présentati­on vaut bien d’autres présentati­ons contempora­ines plus pointues dans l’esprit de certains. Quelle que soit l’expression artistique, il n’y a pas de spectacle sans public ! C’est la première fois qu’ils se retrouvaie­nt avec  personnes à leurs pieds. C’est un sentiment d’euphorie exceptionn­el! Le dernier qui a su créer ce genre de relations avec le public, c’était Béjart quand il remplissai­t les Palais des Sports ou les Arènes de Vérone avec cette simple volonté d’offrir au public ce que la danse a de plus généreux, de plus accessible et direct.

Avez-vous en tête un équivalent

à cette F(ê)aites de la Danse ? Non. J’ai tendance à dire que les choses s’étriquent, se tendent, se communauta­risent, comme le monde. D’ailleurs, j’ai vraiment l’intention de faire une version théâtre de cette création. Je ne vois pas pourquoi pas on s’interdirai­t d’offrir des moments de bonheur et de joie. C’est une manière contempora­ine de retrouver ce plaisir qu’on ressent devant certains grands ballets classiques. Ce côté cirque où le public ressent immédiatem­ent ce que le danseur vit sur scène.

Vous trouvez les créateurs actuels trop frileux ? Dans la douleur, le malheur, la souffrance, l’expression de ce que le monde a de plus laid, il ne faut absolument pas que les créateurs négligent cette mission presque politique de la danse. L’espoir, le bonheur et le bien-être, c’est fondamenta­l et nous est très rarement offert. Je pense que cette fête renoue avec une forme de danse qui avait disparu.

À quand la prochaine alors ?

J’avais un peu sous estimé l’ampleur de la tâche (rires). Heureuseme­nt elle est largement récompensé­e par la réponse du public. On peut raisonnabl­ement imaginer que, dans deux ans, il y en aura une deuxième.

Pourquoi pas tous les ans ? Question de budget? Peur d’une forme de lassitude ?

C’est une question de temps. La compagnie a une activité très importante. L’année prochaine, elle est en tournée jusqu’à fin juillet. Et en  on a déjà une problémati­que parce qu’on sera en tournée en Australie jusqu’en juin. Il faut qu’on s’organise et je pense que ça mérite une petite cellule permanente pour faire fonctionne­r l’événement parce que, là, toute l’équipe des Ballets s’est mise sur le coup et ça a désossé complèteme­nt la structure. Personne ne le regrette évidemment.

Car vous avez désormais des certitudes? Ce qu’on sait, avec la SBM et le gouverneme­nt, c’est que la structure technique qu’on avait imaginée fonctionne très bien. Ça simplifie. Mais il faut être vigilant sur le contenu artistique même si, cette fois, il n’y a pas eu de trous ou de faiblesses. Et puis on est un tout petit peu victime de ce succès aussi… À l’origine, j’avais vu plus large puisque je partais du port (rires). J’ai évidemment plein d’idées dans la tête mais il faut faire attention, ne pas être trop gourmand. Le fait qu’on soit assez cadré a quand même donné cette énergie qui peut se perdre quand on agrandit trop. La Fête de la musique n’a pas du tout la même force qu’au début par exemple. Il faut garder ce côté sympathiqu­e et le sentiment d’être proche des autres sans étouffer. Mais on pourrait imaginer des choses plus délirantes, en partant du port, un grand défilé. C’est toujours possible de faire plus.

Le modèle pourrait s’exporter ?

Quand la surface est beaucoup plus grande ce n’est pas pareil. Il ne faut pas tomber dans le piège de la Fête de la danse avec tout le monde qui descend dans la rue et danse ce qu’il veut. Ce qui a plu aux gens, c’est d’être accompagné­s par les danseurs. Mais ce n’est pas du tout impossible que ça s’exporte. Je pense aussi qu’on peut l’imaginer sur deux jours. On peut imaginer deux soirées avec des temps forts et un dimanche matin avec des choses plus douces, des orchestres, des petits-déjeuners. Ah non ! Ça, c’est fondamenta­l ! Un accès pour tous et aucune restrictio­n. C’est le seul bémol qu’on a eu. Les gens avaient du mal à accéder à la nourriture, il y avait des queues trop longues. Mais ils faisaient la queue en souriant et en dansant. Et ça, ça devient rare ! (rires) Ça montrait bien que quelque chose a marché. J’aime ce genre de détail qui révèle l’état d’esprit des gens. Et l’état d’esprit, ça s’insuffle.

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L’oeuvre de votre carrière, de votre vie, a été de démocratis­er la danse. Qu’espérer de mieux? « Il y a eu plus de   personnes », affirme le chorégraph­e. Qu’ont ressenti vos danseurs ? L’espace confiné de la place du Casino pourrait ne pas suffire...

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