La prévention est-elle l’avenir de la médecine?
Depuis des mois ou des années, leur coeur peine en silence, faute d’être correctement nourries par les artères coronaires. On doit le soulager
Ill faut désobstruer les artères coronaires bouchées depuis des mois ou des années, si le territoire qu’elle nourrissent est encore vivant.» La position du Dr Alexandre Avran, cardiologue interventionnel à l’institut Arnault Tzanck, ne supporte pas les atermoiements. Les enjeux sont en effet trop importants. « Si les vaisseaux qui ont pris le relais se bouchent à leur tour, l’issue peut être fatale.» Jusqu’à récemment, beaucoup hésitaient encore à intervenir sur des artères bouchées parfois depuis des années par manque de technicité et par peur des complications. «L’intérieur des vaisseaux est calcifié, donc très dur; on doit passer méticuleusement des guides pour franchir ces obstacles.» Complexe, mais parfaitement réalisable si l’on est formé à la technique.
Bouchées depuis plus de trois mois
Le Dr Alexandre Avran, qui a déjà réalisé quelque 400 interventions de ce type cette année, dispense des formations à travers le monde et sur le territoire hexagonal Selon lui, la démocratisation de la technique est en marche, et tous les centres spécialisés dans la cardiologie interventionnelle pourront bientôt la proposer. «Les progrès techniques permettent d’obtenir d’ores et déjà d’excellents résultats. » à gauche)
Mais qui sont les patients concernés ? «Environ 10 à 15% des coronarographies réalisées à la suite d’un test d’efforts, une échographie de stress ou encore une scintigraphie cardiaque, mettent en évidence une ou plusieurs artères bouchées depuis plus de trois mois ; on parle d’occlusions coronaires chroniques.» Si ces patients présentent, pour la plupart, des facteurs de risque : tabac, diabète, hypertension artérielle, fort taux de cholestérol, c’est souvent à l’occasion de cet examen qu’ils vont découvrir leurs occlusions coronaires chroniques. «Quand une artère se bouche, deux types de situations peuvent se présenter. Soit le patient est victime d’un infarctus, et il va être pris en charge en urgence et bénéficier d’une dilatation de son artère avec la pose d’un stent (ressort). Soit la douleur sera plus anodine, voire absente, car de petits vaisseaux collatéraux coronaires vont assurer la fonction de pontage naturel.» Mais son coeur, lui, s’éreinte, les petits vaisseaux étant insuffisants pour assurer le travail de l’artère coronaire bouchée. D’où la nécessité de déboucher cette artère, pour permettre au coeur de « reprendre son souffle », et surtout se libérer de l’épée de Damoclès. « Parfois, il suffit de dilater le vaisseau. Mais lorsque l’occlusion est très ancienne, on doit utiliser des techniques plus complexes de désobstruction, après s’être assuré que le territoire du coeur correspondant au vaisseau bouché est toujours vivant, ce qui est le cas chez 80% des patients». Un travail minutieux, réalisé en binôme avec le chirurgien cardiaque. «L’intervention, sous anesthésie locale, dure de 1h30 à 3 h, selon que l’occlusion s’étend sur 1, 2 ou davantage de centimètres.» Et après ? « On enregistre plus de 90% de succès; après désobstruction, la fonction ventriculaire se normalise, la capacité d’éjection du sang est restaurée. » Les malades sont libérés du carcan dans lequel ils étaient enfermés. Parfois sans le savoir. «Lorsque l’on demande, avant l’intervention, au patient: “Vous avez des douleurs?”, il répond souvent: “Non”. Mais, quand 1 ou 2 mois après, on le revoit, il a souvent ces mots : “Je suis transformé; j’étais essoufflé, je m’arrêtais trois fois pour gravir un étage, dès le lendemain de l’intervention, je ne faisais plus de pause.” » Des études médico-économiques sont en cours concernant ces techniques de désobstruction. Elles devront intégrer ce paramètre fondamental: la qualité de vie. 1. Il animait des cours sur ce thème lors du Congrès de cardiologie sur les techniques de désobstruction coronaires chroniques, qui s’est tenu à Nice du 29 juin au 1er juillet ; 20 interventions filmées à l’Institut Arnault Tzanck, en salle de cathétérisme étaient retransmises en direct devant 450 cardiologues du monde entier.