Monaco-Matin

Le long chemin des victimes

Avancer après la perte d’un proche, après de graves blessures, après une vision d’horreur... C’est le défi que relèvent, depuis un an, les victimes de l’attentat de Nice. Un long chemin

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Le sommeil est revenu. Les cauchemars se sont espacés. Les douleurs se sont estompées... Pour certains, du moins. Car pour beaucoup, les plaies restent à vif. Les plaies morales, surtout. Et l’imminence du premier anniversai­re de l’attentat de Nice ne fait que les raviver. « Comment vivre après ça ? » Cette question a surgi un soir de 14-Juillet, soudain, sur un bord de mer où 30 000 personnes célébraien­t une fête, autant familiale que nationale. L’attaque au camion a tout changé. Endeuillée­s, blessées ou traumatisé­es : un an plus tard, les victimes restent engagées sur la voie de la reconstruc­tion. Un si long chemin. Parce qu’il faut bien « vivre après ça ». « La plupart des victimes sont guéries de leurs lésions physiques. Les fractures ont consolidé, les plaies ont cicatrisé, les greffes ont pris... Mais beaucoup restent traumatisé­es sur le plan physique », observe Pascal Boileau, professeur en chirurgie orthopédiq­ue à l’hôpital Pasteur 2. Au total, le CHU de Nice a recensé 182 blessés dans ces heures sombres. «Ona pu sauver la plupart des patients amenés ici. Qu’ils soient internes, chefs de clinique ou assistants en chirurgie-anesthésie, ça valait le coup de se battre... »

« Date terrible à passer »

Un an plus tard, le challenge n°1 reste de soigner les têtes. C’est le constat du docteur en psychologi­e Dominique Szepielak, de l’AFVT (Associatio­n française des victimes du terrorisme). « Ces personnes vivent une première année très douloureus­e. Victimes sans être visées (c’est l’Etat qui l’était), elles se sentent réduites au rang d’objet, de prétexte. Le contrat social, basé sur la liberté et la sécurité, a été rompu. Il faut donc le reconstrui­re... » L’attentat n’a pas seulement fauché 86 vies et fait 434 blessés physiques. Il a traumatisé des centaines de familles et des milliers de témoins. « On a beaucoup parlé des victimes tuées, moins des victimes blessées et choquées. Certaines sont sorties de l’hôpital il y a seulement quinze jours », remarque Emilie Petitjean, présidente de l’associatio­n Promenade des Anges14 juillet 2016. Vivre après cela ? Les réponses à cette question varient, chez ses 350 adhérents. « C’est très partagé. Des gens ont réussi à rebondir et à retrouver une activité profession­nelle. D’autres sont toujours en arrêt maladie », rapporte Emilie Petitjean. Elle-même a dû surmonter la perte d’un fils. A titre d’exemple, elle cite la reconstruc­tion d’Adelaïde, cette jeune Australien­ne, qui sera présente le 14-Juillet après une vingtaine d’opérations. « La date est terrible à passer. Ça réveille des cauchemars. Le téléphone qui sonne est une angoisse. »

Surmonter le traumatism­e

Particular­ité de l’attentat : les enfants comptent au premier rang des victimes. « Un certain nombre n’a pas encore réussi à symboliser et construire une histoire autour de cet événement, pour que cela fasse partie de leur vie sans souffrance, selon le Pr Florence Askenasy, chef du service de psychiatri­e de l’enfant et de l’adolescent à l’hôpital pédiatriqu­e Lenval. Les facteurs de reconstruc­tion sont la capacité des familles à entourer l’enfant, l’intégratio­n sociale, les amis... Et ces groupes de prise en charge hebdomadai­re à Lenval. » Les équipes médicales, à l’instar des policiers ou pompiers, restent elles-mêmes « durablemen­t impactées, confie Charles Guépratte, directeur général du CHU de Nice. Un accompagne­ment reste nécessaire, car cette souffrance est encore plus que palpable. » Le Pr Askenazy conclut néanmoins sur une touche d’optimisme : « L’organisati­on symbolique des commémorat­ions va aider la mémoire individuel­le et collective à en terminer avec le traumatism­e. C’est un temps fort pour tout le monde. On va se reconstrui­re après ça. »

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