Monaco-Matin

«Législatur­e catastroph­ique»

L’Union monégasque a tenu un point presse hier au cours duquel ses représenta­nts sont revenus sur leurs succès, mais aussi sur leurs déceptions lors de la dernière session parlementa­ire

- LUDOVIC MERCIER lmercier@nicematin.fr

Ils n’y vont pas par quatre chemins. Jean-François Robillon (l’ex-président), Bernard Pasquier et Jean-Louis Grinda, attablés dans la bibliothèq­ue du Conseil national, ont tenu, hier, à faire un débrief des derniers dossiers politiques. Et s’ils n’hésitent pas à saluer quelques-uns de leurs succès, ils ne se voilent pas non plus la face sur leurs ratés. Mais surtout, ils dénoncent une «législatur­e catastroph­ique » où le gouverneme­nt ne respecte pas leur institutio­n.

Les réussites

Plusieurs projets remportent la satisfacti­on de l’Union monégasque. Ainsi, même si Jean-François Robillon estime que le texte aété « rabougri et qu’il relève plus de l’affichage », il se dit satisfait de l’adoption de la loi sur le patrimoine. Satisfait aussi du texte sur le droit internatio­nal privé (pour les résidents étrangers), et de celui sur l’inéligibil­ité et l’incompatib­ilité de certaines profession­s avec l’exercice du mandat, même si Jean-Louis Grinda rappelle que certains conseiller­s auraient fait part en séance publique de pressions subies pour ne pas le voter.

Garde alternée

Si, là aussi, ils apprécient ce qu’ils ont obtenu, les représenta­nts de l’UM dénoncent un raté majeur : « Nous n’avons pas réussi à faire revenir le gouverneme­nt sur un problème : donner une réelle égalité homme femme à Monaco, au sens large. La garde alternée représenta­it une opportunit­é. Mais le rôle de chef de foyer est très difficile à donner à une femme en Principaut­é », regrette Jean-François Robillon. En effet, cette loi sur la garde alternée va donner des droits de chef de foyer à des femmes divorcées, alors que dans les couples mariés, c’est systématiq­uement l’homme qui porte légalement la culotte. « La femme ne peut être chef de foyer que si son mari n’a aucun revenu et ne bénéficie d’aucune assurance. Cette histoire pose un vrai problème à Monaco. Nous avions d’ailleurs déposé une propositio­n de loi à ce sujet en 2014, qui a été repoussée dans le fond des tiroirs », dénonce Bernard Pasquier. « Lors des débats sur cette propositio­n, nous avions soulevé que c’est anticonsti­tutionnel. La Constituti­on dit que les Monégasque­s sont égaux devant la loi et il n’y a pas entre eux de privilèges. Et cela, personne ne l’a contesté à ce moment-là. C’est bien que nous avions raison », note Jean-louis Grinda.

Financemen­t des campagnes

Là, les représenta­nts de l’UM regrettent un « loupé ». Le Greco (Groupe d’États contre la corruption, émanation du Conseil de l’Europe) recommanda­it de prendre des mesures sur le financemen­t des campagnes électorale­s. Jean-François Robillon explique que ce texte proposait, entre autres, « une réduction du montant des frais de campagne, un encadremen­t sur une période suffisamme­nt longue pour que l’on évite des dépenses obscènes, que l’on arrive à une équité pour que se présenter aux élections ne soit pas réservé aux gens qui ont une fortune personnell­e ». Seulement, il aurait fallu une présentati­on en séance publique extraordin­aire puisque la session s’est terminée le 28 juin. «Leprésiden­t et le vice-président du Conseil national ne veulent pas de séance extraordin­aire, et veulent reporter le débat à la séance d’octobre. Mais comme nous sommes en année électorale, plus on reporte le vote du texte, moins les gens concernés y seront soumis », regrette Jean-Louis Grinda. Une déclaratio­n que le président Christophe Steiner n’a pas souhaité commenter, hier.

Jardins d’Apolline

Et globalemen­t, quand on en vient au gouverneme­nt, les trois conseiller­s sortent la machine à baffes. Pour les Jardins d’Apolline, ils disent « regretter la façon dont le gouverneme­nt a traité le sujet ». S’ils saluent la présence du prince Albert II auprès de la population, ils y voient aussi un signe de gravité. « C’était ridicule de proposer une réduction de 15 % de loyer alors que les locataires subissaien­t des nuisances extrêmes », balance Jean-François Robillon. « C’est un cataclysme imprévisib­le. Le gouverneme­nt est aussi victime, reprend Jean-Louis Grinda. Mais il y a des gens qui y vivent, et à qui on dit qu’on va les déménager pendant 6 à 8 mois à l’Engelin qui sera bientôt livrable. C’est inacceptab­le pour ceux qui attendent leur logement et qui vont devoir attendre encore plus. La situation est exceptionn­elle, il doit y avoir des mesures exceptionn­elles : le gouverneme­nt peut user du pouvoir de réquisitio­n. Qu’on réquisitio­nne les logements vides. »

Amer constat

« Pendant cette législatur­e, le Conseil national a perdu énormément de pouvoir, et le respect que les Monégasque­s ont pour cette institutio­n. C’est un constat très triste, mais quand on dit que la Constituti­on n’est pas respectée et qu’il y a des centaines de millions d’euros qui ne sont pas dans le budget, et que 21 conseiller­s sur 24 tournent la tête de l’autre côté, on ne peut pas se faire respecter ! Les Monégasque­s le voient et pensent que le Conseil ne sert à rien . Ça a été une législatur­e catastroph­ique pour le Conseil national. il n’y a pas d’autres moyens de le dire », s’attriste Bernard Pasquier. Jean-François Robillon renchérit en rappelant que, par deux fois, le gouverneme­nt a quitté les séances publiques sans justificat­ion : « Ils n’ont même plus besoin de faire semblant d’avoir du respect pour nous. » Des événements qui, selon nos informatio­ns, ont également été diversemen­t appréciés dans les rangs de la majorité.

 ?? (Photo Jean-François Ottonello) ?? Bernard Pasquier, Jean-Louis Grinda et Jean-François Robillon dressent un bilan en demi-teinte.
(Photo Jean-François Ottonello) Bernard Pasquier, Jean-Louis Grinda et Jean-François Robillon dressent un bilan en demi-teinte.

Newspapers in French

Newspapers from Monaco