François de Rugy: «J’ai été élu pour présider et réformer»
Le nouveau président de l’Assemblée nationale expose sa volonté de rapprocher l’institution des Français, par l’introduction de la proportionnelle, plus de transparence et de réactivité
Avec Emmanuel Macron, François de Rugy est l’autre grand gagnant inattendu de l’année électorale totalement cul par-dessus tête que nous venons de traverser. Crédité de moins de 4 % à la primaire de la gauche en janvier, il s’est retrouvé propulsé, à 43 ans, président de l’Assemblée nationale, après avoir dans l’intervalle rallié Emmanuel Macron. Le député de Loire-Atlantique, fondateur du Parti écologiste passé sous la bannière de La République en marche !, nous détaille sa vision de la refonte parlementaire.
Finalement, vous avez été le seul à qui la primaire de la gauche a porté chance. On vous a beaucoup reproché votre changement de pied… En politique, il faut faire des choix et ces choix doivent être validés par les électeurs. J’ai fait le choix de soutenir Emmanuel Macron parce que le projet que j’avais défendu à la primaire était beaucoup plus proche du sien que de celui de Benoît Hamon. Et mon choix a été doublement validé par les électeurs : d’abord parce qu’Emmanuel Macron a été élu président de la République, ensuite parce que j’ai moi-même été réélu député, en réalisant mon meilleur score depuis que j’ai été élu, en .
Quel genre de président entendez-vous être ? Je souhaite être un président réformateur. J’ai été élu pour présider l’Assemblée nationale et pour la réformer. Cela veut dire être le garant du bon déroulé des débats, que chacun puisse s’exprimer, que les droits des oppositions soient respectés et que nous puissions avoir des débats constructifs: l’Assemblée doit débattre et décider. On ne doit pas décider sans avoir débattu, mais il ne faut pas débattre sans décider, ce qui est souvent le ressenti des Français. Il convient donc de développer une procédure parlementaire qui permette d’être efficace. Et puis, par ailleurs, je pense qu’il faut réformer l’Assemblée sur un certain nombre de choses qui touchent à la fois au fond et aux sujets sur lesquels la politique suscite aujourd’hui de la défiance. Cela signifie plus de transparence, lutter contre les conflits d’intérêts et appliquer les règles communes à l’Assemblée, à la fois sur les frais de mandat, sur la retraite ou sur l’allocationchômage des députés. Voilà les propositions sur lesquelles j’ai été François de Rugy participera, vendredi à Nice, à l’hommage national du -Juillet.
élu, puisque j’ai présenté un projet avant d’être candidat à la présidence de l’Assemblée.
Quel regard portez-vous sur la nouvelle Assemblée après ces premières semaines ? C’est une Assemblée profondément renouvelée, on le voit tous les jours, quels que soient les débats. Grâce bien sûr aux nouveaux élus issus de La République en marche ! ou du Modem, mais aussi de la gauche radicale, du PC ou de La France insoumise. Même chez Les Républicains, beaucoup de nouveaux députés sont arrivés, parce que la loi sur le non-cumul des mandats a produit son effet. Cette nouvelle Assemblée laisse en tout cas apparaître beaucoup de dynamisme et de volonté, de volontarisme même. Les députés ont envie de faire bouger les choses et de faire avancer les débats. Les premiers que nous avons eus ont été très constructifs.
Certains pointent le risque d’une Assemblée godillot ou inexpérimentée. Votre ressenti ? Elle n’est ni l’une ni l’autre. Les députés sont au travail et déjà à % dans leur mandat. Je vois des députés de tous bords qui interviennent dans les débats, défendent des amendements ; des présidents de commission ou des rapporteurs qui sont déjà très affûtés, qui répondent précisément et maîtrisent la procédure parlementaire. On a donc une Assemblée vivante, qui débat et surtout qui vote, qui décide et qui avance.
Votre sentiment sur le projet de réforme institutionnelle ? Je suis très heureux que le président de la République, dès son premier discours devant le Parlement réuni en Congrès, ait rappelé qu’il voulait mettre en oeuvre son projet de réforme démocratique dès l’année qui vient. Avec une méthode, un groupe de travail coprésidé par les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat qui rendra des conclusions avant la fin de l’année, pour que l’on puisse ensuite voter des réformes institutionnelles, certaines touchant à la Constitution, d’autres étant du registre de la loi, au premier semestre . Il est important que dans ce domaine, comme dans les autres, on fasse des réformes rapides, parce qu’il existe une attente forte des Français. L’abstention très élevée, la défiance, les votes protestataires, tous ces éléments qui témoignent de la crise politique dans laquelle la France s’est enfoncée depuis des années, nous ont amenés à proposer des réformes démocratiques à mettre en oeuvre rapidement.
Comment la proportionnelle va-t-elle pouvoir se coupler au scrutin majoritaire ? L’idée est d’avoir un mode de scrutin mixte, pour combiner les avantages du scrutin majoritaire, qui assure une certaine stabilité et une clarté des choix, et ceux de la proportionnelle qui permet de mieux représenter la diversité du vote des Français. Comme on envisage de réduire d’un tiers le
nombre de députés, il faudra redécouper les circonscriptions. Dans cette hypothèse et parmi les solutions possibles, je propose de diviser par deux le nombre de circonscriptions et d’élire une centaine de députés à la proportionnelle. Chaque électeur aurait ainsi deux voix : l’une pour élire son député de circonscription, en gardant un lien territorial, et l’autre pour voter en faveur d’une liste porteuse d’une sensibilité politique. démocratique. Il faut donc réduire ces délais pour être plus efficace. Nous allons d’abord avoir à débattre et à enrichir la loi proposée par le gouvernement sur la lutte contre les conflits d’intérêts et le cumul d’activités parlementaires et privées, notamment. Et puis nous avons à prendre des mesures qui ne relèvent que du pouvoir de l’Assemblée. Pour contrôler les dépenses de frais de mandat, je propose par exemple de tirer au sort tous les mois des députés qui seraient soumis au contrôle du déontologue. De plus, la retraite et le système d’allocations chômage des députés devraient être alignés sur les règles du régime général.
A peine installés, un tiers des députés sont déjà menacés de disparition. Cela ne va-t-il pas fragiliser l’Assemblée au profit des grands barons locaux ? Je suis tout à fait favorable à ce que la décentralisation aille plus loin et que l’on donne davantage de pouvoir aux assemblées locales, aux Régions ou aux Métropoles. Tant mieux si les élus locaux ont plus de pouvoirs. Les députés élus dans des circonscriptions conserveront un lien territorial. Mais on ne peut pas tout avoir, réduire le nombre de députés et disposer d’autant de proximité qu’auparavant. Nous avons toutefois la possibilité de maintenir ce lien en ayant des députés à % qui auront davantage de moyens et de capacité d’intervention sur la politique du gouvernement, en amont par le vote des lois mais aussi en aval par le contrôle de leur application, de l’Etat et des services publics.
Vous êtes vous-même susceptible d’être remplacé durant le quinquennat… Je me situe dans le cadre d’un engagement individuel et collectif qui a été pris, à savoir de remettre nos mandats à disposition du groupe La République en marche ! à mi-mandat. Ce n’est pas l’habitude en France. Nous verrons la discussion que nous aurons à mi-mandat, en considérant si l’on a bien permis à de nouveaux députés d’accéder à des responsabilités et si elles ont été correctement exercées.