NicolasVaude: « Je suis littéralement hanté par les textes »
Sur la place de la Castre au sommet du Suquet à Cannes, Nicolas Vaude avait le port altier et la chemise proprette d’un certain classicisme. Avec le col relevé, les cheveux ébouriffés et le jean troué dignes d’une rock star ! Tout Nicolas Vaude est là. Un romantique exalté, qui pourrait aussi interpréter du Gallagher (Oasis) ! « Je déteste l’expression bipolaire qui est galvaudée, mais j’ai une certaine versatilité en moi, reconnaît le comédien à courant alternatif. Vous savez, on est tous plusieurs en nous mêmes, mais l’art du comédien autorise à laisser entrer et sortir plusieurs personnes ». Attention, la folie du jeu n’est pas loin ! Une addiction que Nicolas a contractée tout jeune, quand les grands textes lui sont devenus aussi sacrés qu’une révélation. « J’ai découvert le théâtre à 12 ans avec le Concours interscolaire de Versailles, et depuis, je suis complètement investi. Je ne vis que pour ça, et mes enfants », s’emballe le quinquagénaire, qui a conservé l’allure et l’allant d’un jeune premier. «En fait, je suis hanté par les textes. Vraiment. J’en rêve la nuit, et je les récite en marchant. C’est ma vie, les textes… » Pour le Festival Notes et Plumes à Cannes, c’est à un autre fantôme qu’il a prêté sa voix. Le compositeur Robert Schumann. Fantasque, lui aussi. « C’est un musicien qui me bouleverse, un homme au bord de la folie, qui ne vivait que pour son art. Il avait des papillons noirs dans la tête (sic), mais c’est un génie. » Des mots pour lui rendre hommage, accompagnés d’Yves Henry au piano. Lui n’en joue pas, mais l’univers musical parle aussi à l’arrière petit-fils du violoniste Jacques Thibaud. « J’ai découvert Schumann avec mon arrière-grand-père, et le concerto pour piano est une de mes oeuvres préférées. Mais je ne suis pas doué pour en jouer. » À chacun sa partition. Et à défaut de cirer brillamment les bancs d’école, c’est sur les planches que le petit Nicolas a trouvé son salut. « Je travaillais très mal à l’école et pour me punir, mes parents m’ont privé de théâtre au lycée. J’en ai pleuré en voyant les copains sur scène, en me disant que je ne pouvais pas faire autre chose. Du coup, je suis subitement devenu un bon élève ! » Avec pour mentor dans cet âpre métier, un certain… Jean-Pierre Marielle. « Ah, je l’adore, au même titre que Robert Hirsch ou Claude Rich. Marielle, c’est mon papa de théâtre », s’attendrit un Vaude empli de reconnaissance. De l’or en barre pour jouer Octave dans Clérambard .« Il m’a choisi alors que j’avais eu un petit fou rire pendant l’audition. Il m’a dit qu’il s’y était reconnu ! » Une nomination au Molière de la révélation, et Nicolas Vaude n’a plus cessé de jouer, de pièces en pièces tel Le Passe-murailles. Une consécration publique et critique avec Le Neveu de Rameau : « Un texte magnifique, on l’a joué 600 fois ! ». Y compris devant des prisonniers à Fresnes et des jeunes de banlieue, où Nicolas a eu droit de cité : « C’était génial, un super public, beaucoup plus spontané et réceptif qu’un public bourgeois. Quand ça leur plaît, c’est une récompense majeure ». Classique, mais rock’n’roll !