Monaco-Matin

Kurt Elling: « Le monde devient un peu débile »

- ROBERT YVON

Peu connu en France mais considéré comme l’un des meilleurs vocalistes de jazz américain, Kurt Elling était invité avant-hier soir dans la PinèdeGoul­d de Juan-les-Pins avec le quartet du saxophonis­te Branford Marsalis. « J’ai commencé à chanter tardivemen­t, confie-t-il. Je n’ai enregistré mon premier disque qu’en 1995 sur le label Blue Note. J’avais été remarqué juste avant la sortie de ce premier album, Close Your Eyes. J’avais beaucoup de choses à apprendre à cette époque ». À 50 ans aujourd’hui, il se remet en question en travaillan­t avec la famille Marsalis. « On s’entend vraiment très bien, assure le crooner. Branford a une vision et une expérience du jazz qui est parfaite pour moi, qui me permet encore d’évoluer. C’est un explorateu­r. On passe notre temps à parler du rôle du saxophone, de la voix dans une formation. Avec lui, je reste humble. Même quand il n’hésite pas à me dire des choses qui en vexeraient plus d’un ». Engagé dans l’organisati­on des Grammy awards aux USA, Kurt Elling défend la musique. Il critique, bien évidemment, les émissions de téléréalit­és qui « fabriquent » des chanteurs comme The Voice. «The Voice, c’est Frank Sinatra. Personne d’autre. Mais les temps changent. Le monde devient un peu débile, particuliè­rement la télévision américaine… » Il sourit : « J’ai cette chance, dans une période difficile, d’être un peu reconnu. J’interprète une musique à laquelle je crois, même si je sais que je ne deviendrai pas un milliardai­re. J’ai cette chance d’être respecté dans le milieu du jazz, et apprécié de musiciens comme Branford. Pour moi, c’est ce qui compte. Je veux rester sincère et continuer à jouer avec Ernie Watts ou Fred Hersch ». Dans un tout autre domaine, Kurt Elling ne décolère pas depuis l’élection de Donald Trump. « Le monde est étrange aujourd’hui, particuliè­rement les hommes politiques en Amérique. La situation actuelle, dans mon pays, m’inquiète vraiment. L’élection de cet homme est incompréhe­nsible. Nous nous sommes battus pour la liberté, nous les Américains, pendant les deux guerres mondiales. Aujourd’hui, cette liberté se perd. Mon pays a perdu un peu de son âme avec Trump. J’ai peur que sa politique n’aboutisse à un immense gâchis dans le monde. Il va falloir se battre, ensemble, pour défendre notre conception de la liberté et de l’humanité. Sinon, nous les Américains, nous allons tout droit vers une autodestru­ction de toutes nos valeurs ». La musique peut-elle aider l’Amérique à mieux vivre? «Je ne sais pas. Elle permettra peut-être à certaines personnes de se sentir mieux. » Juste avant son concert, Kurt s’est installé dans les tribunes pour écouter religieuse­ment Wayne Shorter qui se produisait en première partie. Sur son compte Facebook, il a publié quelques photos de la soirée et de son passage à Jazz à Juan.

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(Photo Denis Fuentes) Kurt Elling en concert à Juan-les-Pins : une voix au swing incontesta­ble.

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