Jazz à Juan : Archie Shepp au finish
Bon, alors, comment dire… Les esthètes de l’art jazzistique, assis hier soir dans la PinèdeGould, jureront que la musique de Shabaka & The Ancestors exhale une spiritualité post-coltranienne seventies de bon aloi. Les autres résumeront le set en une formule prosaïque : ça partait vraiment dans tous les sens. Ça commence sur un rythme tribal, ça dérive vers le rap, ça bifurque vers le reggae avant d’échouer sur les rives du free-jazz. Les six musiciens donnent parfois l’impression de ne pas jouer ensemble. Mais de ce grand n’importe quoi apparent transpire, parfois, une créativité louable, nourrie d’influences chamarrées. Quelques notes cristallines au sax, des percussions virtuoses, une contrebasse inspirée finissent par emporter l’adhésion du public. Malgré un chanteur à la voix sépulcrale qui semblait parfois se demander lui-même ce qu’il faisait là. En deuxième partie, Robert Glasper explore des territoires plus contemporains. Ça avait pourtant mal commencé : cinq minutes, montre en main, sur une rythmique rap plombante. Saoûlant. Et inutile. Enfin le bruit s’arrête. Une voix aérienne, modulée par un chanteur chapeauté, s’élève sur une nappe de synthétiseurs. Dans l’esprit, on est plus proche de Daft Punk que de Wayne Shorter, mais pas si loin finalement de Herbie Hancock. Derrière son clavier, bien soutenu par une batterie sèche et énergique, Glasper enfile ses perles mélodiques. Tous décibels dehors. Cela demande un certain temps, mais l’effet hypnotique peut finir par séduire... ou par lasser l’auditeur. Derrière le carré d’amateurs, l’observateur attentif pouvait remarquer des doigts plongés dans des oreilles douloureuses et quelques mains jointes – une prière pour qu’Archie Shepp ne tarde pas trop ? Il faut croire que les anges avaient d’autres chats à fouetter : le grand chancelier du sax s’est fait attendre jusqu’à 23 h 30. Avant d’égrener, enfin, ses notes bleues sous les étoiles...