Monaco-Matin

Noa : « Chacun doit jouer son rôle pour créer les conditions de paix »

- ALEXANDRE CARINI

» orry, my French is very bad… » Mais face à notre English so balbutiant, Noa fait l’effort d’emprunter à Molière un peu de sa verve littéraire. Toute la courtoisie et la hauteur d’esprit de Noa, lors de notre rencontre aux Nuits du Sud à Vence. Il est vrai que l’israelo-américaine d’origine yéménite s’est toujours attachée à survoler les tours de Babel, pour délivrer un message universel. Peace and love. Au-delà même de ses chansons, une vraie prise de position. « Je suis une activiste. Ça fait vingtcinq ans que je travaille pour la paix et que je collabore en ce sens avec de grands artistes, notamment Khaled ou Jean-Jacques Goldman en France, revendique cette colombe au plumage de geai. « La plus importante, c’est Mira Awad, (N.D.L.R. : chanteuse et actrice israélienn­e d’origine Palestinie­nne), avec laquelle j’ai chanté There’s must be another way à l’Eurovision 2009. C’était un événement unique, que de représente­r Israël avec ce chant en hébreu, anglais et arabe. » Associatio­n et vision pluriethni­ques qui froissent le tympan des extrémisme­s de tous bords. Y compris sur sa terre natale, qui ne lui est plus si promise. Il y a deux ans, Noa a été vivement insultée par des compatriot­es qui l’avaient reconnue à l’aéroport, sous-prétexte d’être « pro-palestinie­nne ». À Détroit en mai dernier, c’est même l’un de ses concerts qui a été annulé, sous la pression d’un lobby intégriste. Pas facile de faire entendre sa belle voix, dans ce monde où le bruit des c… est devenu assourdiss­ant. « Heureuseme­nt, je n’ai connu que très peu d’annulation­s dans ma carrière, relativise Achinoam Nini (son vrai nom) avec toute la douceur d’un grand pardon. Bien sûr, il y aura toujours des opposition­s, mais je crois que je porte la parole de beaucoup de gens silencieux, et vous ne pouvez pas imaginer tous les messages de soutien que je reçois sur les réseaux sociaux ». Certes… Mais la guerre a ses déraisons, que le coeur ignore. Y compris le 4 novembre 1995, lorsque Yitzhak Rabin, ancien général devenu prix Nobel de la paix, fut assassiné à l’issue d’un concert pour la cause. Auquel Noa avait évidemment pris parti(e). « C’est un événement extrêmemen­t important dans ma vie, à la fois le plus beau, et le pire, se souvientel­le encore avec émotion. De ce jour, j’ai décidé de ne plus être seulement une chanteuse joyeuse mais aussi une militante. Mes chansons parlent de la condition humaine et je n’y mets pas de politique mais je m’exprime aussi à travers des blogs, Facebook et des organisati­ons ». Ou l’art et la manière de jouer son rôle. Quelle que soit la scène. « Bien sûr, un artiste ne va pas changer le monde à lui tout seul. Mais à chaque fois qu’un régime totalitair­e s’installe, les artistes en sont les premières victimes car ils représente­nt la liberté et l’indépendan­ce, constate l’interprète de I don’t know. Et puis pour avoir la paix dans le monde, chacun a son rôle à jouer. Et je garde malgré tout espoir car la guerre est si improducti­ve, même pour les intérêts financiers, alors pourquoi pas la paix ? ». La question mérite d’être posée.

 ?? (Photo Sébastien Botella) ?? Noa, chanteuse folk à l’engagement rock, de retour à Vence pour les Nuits du Sud après plusieurs années d’absence… et un concert annulé à Détroit en mai, sous la pression d’intégriste­s religieux : « C’est le prix à payer pour être entendu. Mais le prix...
(Photo Sébastien Botella) Noa, chanteuse folk à l’engagement rock, de retour à Vence pour les Nuits du Sud après plusieurs années d’absence… et un concert annulé à Détroit en mai, sous la pression d’intégriste­s religieux : « C’est le prix à payer pour être entendu. Mais le prix...

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