Monaco-Matin

Le festival a commencé dans un grand éclat de rire

La soirée de pré-ouverture du 68e Festival de musique de Menton, offerte au public sur l’esplanade Palmero, hier, a conquis les plus réticents et même les réfractair­es à la grande musique

- ANDRÉ PEYREGNE

Au début, on a vu arriver quatre musiciens portant violons, alto ou violoncell­e. Un vrai quatuor à cordes. Les musiciens étaient habillés en fracs. Normal, on était dans un festival de musique classique! Ils commencent à jouer le célèbre Menuet de Boccherini. Mais voilà que sonne le téléphone portable du premier violon. Celui-ci quitte la scène. Pendant que leur chef s’est absenté, les autres musiciens attaquent de la musique country. Le public, réjoui, frappe dans ses mains. Retour du premier violon. Le Menuet de Boccherini reprend. Nouvelle sonnerie du téléphone portable. Nouvelle absence du premier violon. Les autres musiciens repartent dans leur délire. Le public encourage les frondeurs. Retour du premier violon. Etc., etc.

Réputation mondiale

Vous l’aurez compris, le concert de pré-ouverture du 68e Festival de musique, hier soir, devant une esplanade Francis-Palmero noire de monde, ne ressemblai­t à aucun autre. Le Quatuor Pagagnini était en scène. Vous lisez bien : Pagagnini – et non Paganini – avec les trois lettres GAG au milieu du nom comme le nez au milieu de la figure. Tout le reste du concert fut à l’avenant. Les violoniste­s montaient sur leurs chaises, dansaient, couraient tout en jouant. On a eu droit à une mutation de musique juive en musique asiatique, arabe ou flamenco (avec chapeau gitan au-dessus du frac !) Tout s’enchaînait à la vitesse V. La catastroph­e n’était plus sous contrôle. Les violoniste­s se servaient de leurs instrument­s comme de guitares, faisaient des mines ahuries. Le public était heureux. Le public a vu un violon qui se transforma­it en harmonica, une joyeuse parodie de musique contempora­ine, une séquence de violon électrique. À tout prendre, mieux vaut Les quatre gais lurons ont mis le feu à l’esplanade Francis-Palmero. Pas courant pour des musiciens classiques…

le violon que la chaise électrique ! Une jeune femme du public a été sollicitée pour une mémorable version de la « Havanaise ». On était parti du menuet, on arrivait au rock. On a pu voir, aussi, un morceau de bravoure des impayables Pagagnini : un « Canon » de Pachelbel où les musiciens ont fait une ronde autour de la scène. Des canons comme ça, on n’en voit ni à la guerre ni sur le zinc des bistrots ! Leurs jeux de jambes étaient aussi virtuoses que leurs mouvements d’archets et leurs zygomatiqu­es aussi sollicités que leurs poignets. Les Pagagnini ont acquis une réputation mondiale. En France, ils ont fait le « Grand cabaret » de France 2 – ce qui n’est pas un signe de distinctio­n mais au moins de notoriété. Hier soir, ils ont fait Menton. Ils ont eu bien raison !

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(Photos Grégoire Bosc-Bierne)

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