Monaco-Matin

Marcel Campion repart en croisade pour les forains

Le premier forain de France estime que sa profession et les fêtes foraines sont de nouveau en danger. Et il met ses ennuis personnels sur le compte d’une tentative d’intimidati­on

- PROPOS RECUEILLIS PAR CHRISTOPHE CAIETTI ccaietti@nicematin.fr

Malgré une année plutôt tumultueus­e, avec des démêlés judiciaire­s et des menaces sur sa grande roue à Paris et son marché de Noël, Marcel Campion n’a rien changé à ses habitudes. Il passe une partie de l’été à Saint-Tropez en famille et y prépare sa soirée annuelle gipsy, l’une des grandes fêtes de l’été tropézien. Elle aura lieu le 3 août sur la plage, avec d’ores et déjà une longue liste d’invités people, et pour la partie musicale une kyrielle d’artistes dont Thomas Dutronc et les Gipsy Kings. Mais, à 77 ans, il prépare aussi une rentrée tonitruant­e… Interview.

Vous avez vécu cette année une perquisiti­on, une garde à vue, une mise en examen, des menaces sur votre grande roue et le marché de Noël. Gardez-vous le moral ? Oui. Ça me met juste en colère. Je comprends bien que je suis dans le collimateu­r d’un système, mais d’un système opaque et dont j’ignore tout.

Sur quoi êtes-vous attaqué ? Tout part de dénonciati­ons de Tracfin et de la Cour des comptes. Ces dénonciati­ons sont erronées, mais le juge saisi ne le sait pas, donc il fait son travail : enquête, perquisiti­ons…. Ce que je voudrais savoir c’est : qui a intérêt à diffuser ces informatio­ns erronées sur moi, et pourquoi ?

Vous avez quand même été mis en examen… Le juge m’a fait venir au départ pour douze motifs, il les a tous annulés. Il m’en a trouvé deux autres, mais je les conteste.

Vous pensez que vous êtes dans le viseur ? Oui. Je pense clairement que je suis quelqu’un à abattre dans la profession qui est la mienne : forain. Et je pense qu’à travers moi c’est le monde des forains qui est visé. Au bénéfice de qui ? J’ai ma petite idée. Je vais prouver tout ça, mais ça va prendre du temps c’est sûr.

Ce temps vous est préjudicia­ble ? Evidemment. Car pendant ce temps le doute s’installe. Ça permet à la mairie de Paris de dire : on n’autorise plus le marché de Noël parce que la Cour des comptes nous a dit que c’était mal.

Etes-vous affaibli ? Pas du tout. Chaque fois que notre profession a dérangé j’ai été l’objet de pressions de ce type. Il y a  ans, lorsque beaucoup de foires disparaiss­aient, il a fallu que je monte au créneau pour livrer une bataille acharnée. C’était chaud, j’ai été blessé plusieurs fois. Mais on a fini par trouver un accord qui a sauvé les fêtes foraines.

La profession de forain est de nouveau menacée ? Oui. Je suis attaqué, et à travers moi tous les forains de France, pour faire la place à d’autres sociétés, dont certaines soutenues par la Caisse des dépôts, qui s’intéressen­t depuis quelques années aux parcs d’attraction­s. Il y a aujourd’hui huits projets de Parcs en France. Et qu’est-ce qui les gêne ? Les fêtes foraines dans ces secteurs. Le projet de Parc Spirou à Toulouse c’est sympa. Mais bizarremen­t les forains de Toulouse ont des problèmes en ce moment. Idem à Dieppe, et ailleurs, c’est une toile d’araignée qui s’organise.

Il y a péril imminent ? Oui, d’autant qu’en plus de tout ça une ordonnance, applicable à partir de ce mois de juillet et envoyée à tous les maires de France, exige que tous les emplacemen­ts publics, y compris les manèges forains, fassent désormais l’objet d’un appel d’offre européen ! C’est-à-dire que même un forain qui a son manège permanent dans une petite ville est en danger.

Que faire ? Il va falloir se battre, tout simplement. Se battre encore une fois pour défendre les droits des forains.

Comment allez-vous vous y prendre ? D’abord avec la méthode douce : je vais déposer le Marcel Campion : « Certains veulent éliminer les forains du monde de demain, mais ça ne se passera pas comme ça. On va se battre ».

septembre au Premier ministre un cahier de doléances des forains. Je vais demander notamment que les forains soient exclus de ce texte par dérogation, pour tout ce que l’on représente. Sinon on est morts. Il ne faut pas oublier que les   forains de France génèrent plus de   emplois. Une campagne de sensibilis­ation est d’ores et déjà été affichée dans   fêtes foraines de France.

C’est clair, Marcel Campion repart en campagne ! Oui, je repars en croisade. Chaque fois qu’il y a eu de gros problèmes pour la profession, j’ai réuni tout le monde. Je vais le faire encore une fois.

Vous pensez que les attaques contre vous, les contrôles fiscaux et les enquêtes judiciaire­s ont un lien avec ça ? J’en suis sûr. Mais ça m’est égal. Je ne me coucherai pas. Je suis arrivé au monde tout nu. J’ai beaucoup de biens mais je ne suis pas un matérialis­te. Les biens c’est le fruit de mon travail, mais demain s’il le faut je repars à zéro, c’est pas un problème, je mangerai toujours.

On sent un pointe de ras-le-bol quand même… J’ai subi depuis un an et demi des agressions de toutes

sortes pour m’impression­ner. J’ai écrit au Médiateur de la République et au Défenseur des droits. J’explique tout ce qu’ils me font. Tout est orchestré, même les fuites dans la presse disant qu’on a retrouvé des masses d’argent en cash chez moi. C’est bien joué leur truc pour m’impression­ner, sauf que je m’en fous.

Il y avait quand même bien du cash chez vous ? Bien sûr qu’il y a de l’argent chez moi : mes recettes. Mais j’avais tous mes justificat­ifs. Ça a été reconnu. Je n’ai aucune inquiétude sur le résultat des enquêtes. Je ne suis pas un fraudeur. J’en suis à mon

contrôle fiscal. Ça se saurait si j’étais un fraudeur. Il ne peuvent pas m’attraper làdessus mais ils essaient de m’attraper en s’attaquant à mon image. Et tant que le doute peut perdurer ils en jouent.

Par exemple, en révélant que vous avez aidé un gangster ? Cette attaque-là elle est dégueulass­e. J’ai connu son père à ce gars-là. Il m’a aidé quand j’étais jeune. Le môme je l’ai connu petit. Il est devenu bandit j’y peux rien moi. Il y a six ans, un juge m’a dit : il faudrait lui trouver du travail

pour sa réinsertio­n. C’est comme ça aujourd’hui : ils sont tous pour la réinsertio­n mais quand tu aides quelqu’un on dit que tu as aidé un bandit. C’est ça qui ne va pas. La société elle est pourrie.

Vous êtes dégoûté ? Pas du tout. Je m’en fous. Moi j’arrive de rien, j’étais dans le caniveau. Toute ma vie a été une lutte. Je suis juste surpris de l’attitude des gens, par tous ceux qui donnent des leçons.

Le signal que vous leur envoyez c’est je ne suis pas atteint ? Exactement. Moi je suis accroché aux branches. Ce n’est pas demain qu’ils vont me faire descendre. Il n’y a rien qui peut m’abattre. Maintenant je vais assigner l’Etat, et Tracfin et la Cour des comptes. Mes avocats m’ont dit : ça fait beaucoup M. Campion. J’ai dit on y va ! Toutes les preuves avancées sont erronées, alors on attaque. C’est sûr que je ne suis pas sorti de l’auberge. Je serai peut-être mort que ça ne sera pas encore fini. Que la spécificit­é culturelle des forains soit officielle­ment reconnue. Il en a déjà été tenu compte à trois reprises, pour des cas précis, là on veut que ce soit de façon officielle et définitive. Je remets le document le septembre. Ils auront douze jours pour éviter la casse…

Pour éviter la casse ? Oui. Si l’Etat ne nous répond pas on va foutre la merde. Ça va commencer le  septembre, mais pas pour une journée. On va foutre la merde longtemps. On va bloquer toutes les grandes villes de France. On s’est déjà battu de la sorte dans les années - et on avait obtenu satisfacti­on. C’était il y a plus de  ans. Aujourd’hui, un nouveau monde se profile et de nouvelles réglementa­tions surgissent ; il faut donc à nouveau nous défendre, sinon tous les forains de France vont disparaîtr­e.

Dans ce nouveau monde, la place des forains n’a pas été prévue ? Exact. On est éliminé. On n’a pas de ministère de tutelle, on n’a pas de reconnaiss­ance, on n’a pas d’interlocut­eurs. Quand ils discutent entre eux, y a personne de chez nous. Les nouvelles nous concernant, on les apprend que dans la rue. Donc ce qu’on demande notamment, outre la reconnaiss­ance de la spécificit­é culturelle, c’est un interlocut­eur national, un ministère de tutelle et aussi une possibilit­é d’instruire nos enfants, dans les grandes foires, avec des écoles itinérante­s pourquoi pas.

Tout est orchestré, même les fuites dans la presse ” J’en suis à mon contrôle fiscal ”

Vous êtes bien toujours le roi des forains… Non. On m’appelle comme ça mais ce n’est pas mon truc. Le monde des forains n’est pas structuré et je ne veux pas le structurer. Je suis un forain parmi les autres. Je défends mon métier, j’explique aux autres les dangers que je vois arriver. Et quand il y a une action j’en suis. Il faudra que je sois mort pour arrêter de me battre.

 ?? (Photo Luc Boutria) ?? Revenons au cahier de doléances, qu’allez-vous aussi y demander ?
(Photo Luc Boutria) Revenons au cahier de doléances, qu’allez-vous aussi y demander ?

Newspapers in French

Newspapers from Monaco