Monaco-Matin

7000 € d’amende pour avoir gardé une « Rolex »

- JEAN-MARIE FIORUCCI

Il n’y a rien de pire que la dissimulat­ion ou le mensonge. Un jeune musicien de Beausoleil l’aura appris à ses dépens en comparaiss­ant devant le tribunal correction­nel pour abus de confiance. Il a été condamné à une peine d’amende de 7 000 euros pour avoir « omis » de remettre une montre « Rolex » offerte au professeur de violon par son parrain. Ce dernier, pour une meilleure compréhens­ion de l’affaire, est un octogénair­e très proche de la famille. Au point d’être admis et reconnu par les parties, à l’audience, comme le père biologique de cet élève surdoué, aujourd’hui âgé d’une vingtaine d’années.

Élan de munificenc­e

Depuis longtemps, d’abord adolescent puis jeune adulte, le prévenu a toujours bénéficié des largesses financière­s de son protecteur. Avec une réelle envie de voir sa progénitur­e percer dans le milieu de l’interpréta­tion en profitant de l’enseigneme­nt d’un des plus grands instrument­istes actuels : le violoniste russe Maxim Vengerov. Certaineme­nt honoré par un tel concours, le parrain, dans un élan de munificenc­e, offrait en mars 2014, au grand maître incontesté de l’archet, une pièce d’horlogerie d’une valeur de 7 300 euros. Le prévenu devait être le messager chargé de remettre

la précieuse montre. En fait, le destinatai­re désigné n’a jamais eu le bonheur de porter la « Rolex » à son poignet. L’élève l’a conservée… Le président Florestan Bellinzona s’emporte légèrement de constater cet abus de générosité. « Pourtant, vous ne manquez de rien. Vous vivez à la charge de vos parents, vous êtes propriétai­re de deux appartemen­ts, votre parrain vous comble de cadeaux somptueux ! Aviez-vous besoin d’aller jusqu’à commettre

cette infraction ? » Le filleul ne semble pas avoir mesuré l’impact de son acte. S’il reconnaît avoir conservé le cadeau, ce n’était sûrement pas dans l’intention de trahir la confiance de son père biologique. Plutôt le souhait de matérialis­er une admiration filiale sublimée par de l’affection. Une sorte de relique… À son tour, le curateur, chargé d’assister et de représente­r l’octogénair­e, vient témoigner de la relation affectueus­e entre la

victime et le prévenu. Jusqu’à assurer que le plaignant ne souhaite nullement se constituer partie civile. Un comporteme­nt permissif ? Le procureur Alexia Brianti penchera plutôt vers la vulnérabil­ité de la victime. Et rappellera que le jeune homme se disait convaincu, au cours de son audition, d’avoir remis la montre. « En fait, il l’a conservée, poursuit-elle. On est bien dans le cadre d’un abus de confiance. Après avoir tout

obtenu, on n’a pas le droit de se livrer à de tels agissement­s. »

« Il n’y a aucun préjudice !»

Il sera requis une peine de 4 000 euros et la restitutio­n de la « Rolex » à la victime. Réaction de la défense : on est en train de chercher un prétexte et on se trompe de combat. « Il n’y a aucun préjudice, s’exclame Me Alice Pastor en fronçant les sourcils. Le violoniste Vengerov n’a jamais su qu’il allait recevoir une montre. Et la victime ne se sent pas lésée. Elle avait déjà offert à son filleul un violoncell­e à 70 000 euros, un archet à 12 000 euros et bien d’autres cadeaux liés à la musique. La Rolex était certaineme­nt ressentie comme un présent plus personnel que mon client a voulu conserver. Il voulait autre chose que du matériel : de l’affectif ! Alors, est-ce une infraction à la vue de mon explicatio­n ? » Le tribunal a préféré sévir.

 ?? (Photo Michael Alesi) ?? Le jeune musicien de Beausoleil est accusé d’avoir gardé pour lui un présent qu’il était supposé remettre.
(Photo Michael Alesi) Le jeune musicien de Beausoleil est accusé d’avoir gardé pour lui un présent qu’il était supposé remettre.

Newspapers in French

Newspapers from Monaco