7000 € d’amende pour avoir gardé une « Rolex »
Il n’y a rien de pire que la dissimulation ou le mensonge. Un jeune musicien de Beausoleil l’aura appris à ses dépens en comparaissant devant le tribunal correctionnel pour abus de confiance. Il a été condamné à une peine d’amende de 7 000 euros pour avoir « omis » de remettre une montre « Rolex » offerte au professeur de violon par son parrain. Ce dernier, pour une meilleure compréhension de l’affaire, est un octogénaire très proche de la famille. Au point d’être admis et reconnu par les parties, à l’audience, comme le père biologique de cet élève surdoué, aujourd’hui âgé d’une vingtaine d’années.
Élan de munificence
Depuis longtemps, d’abord adolescent puis jeune adulte, le prévenu a toujours bénéficié des largesses financières de son protecteur. Avec une réelle envie de voir sa progéniture percer dans le milieu de l’interprétation en profitant de l’enseignement d’un des plus grands instrumentistes actuels : le violoniste russe Maxim Vengerov. Certainement honoré par un tel concours, le parrain, dans un élan de munificence, offrait en mars 2014, au grand maître incontesté de l’archet, une pièce d’horlogerie d’une valeur de 7 300 euros. Le prévenu devait être le messager chargé de remettre
la précieuse montre. En fait, le destinataire désigné n’a jamais eu le bonheur de porter la « Rolex » à son poignet. L’élève l’a conservée… Le président Florestan Bellinzona s’emporte légèrement de constater cet abus de générosité. « Pourtant, vous ne manquez de rien. Vous vivez à la charge de vos parents, vous êtes propriétaire de deux appartements, votre parrain vous comble de cadeaux somptueux ! Aviez-vous besoin d’aller jusqu’à commettre
cette infraction ? » Le filleul ne semble pas avoir mesuré l’impact de son acte. S’il reconnaît avoir conservé le cadeau, ce n’était sûrement pas dans l’intention de trahir la confiance de son père biologique. Plutôt le souhait de matérialiser une admiration filiale sublimée par de l’affection. Une sorte de relique… À son tour, le curateur, chargé d’assister et de représenter l’octogénaire, vient témoigner de la relation affectueuse entre la
victime et le prévenu. Jusqu’à assurer que le plaignant ne souhaite nullement se constituer partie civile. Un comportement permissif ? Le procureur Alexia Brianti penchera plutôt vers la vulnérabilité de la victime. Et rappellera que le jeune homme se disait convaincu, au cours de son audition, d’avoir remis la montre. « En fait, il l’a conservée, poursuit-elle. On est bien dans le cadre d’un abus de confiance. Après avoir tout
obtenu, on n’a pas le droit de se livrer à de tels agissements. »
« Il n’y a aucun préjudice !»
Il sera requis une peine de 4 000 euros et la restitution de la « Rolex » à la victime. Réaction de la défense : on est en train de chercher un prétexte et on se trompe de combat. « Il n’y a aucun préjudice, s’exclame Me Alice Pastor en fronçant les sourcils. Le violoniste Vengerov n’a jamais su qu’il allait recevoir une montre. Et la victime ne se sent pas lésée. Elle avait déjà offert à son filleul un violoncelle à 70 000 euros, un archet à 12 000 euros et bien d’autres cadeaux liés à la musique. La Rolex était certainement ressentie comme un présent plus personnel que mon client a voulu conserver. Il voulait autre chose que du matériel : de l’affectif ! Alors, est-ce une infraction à la vue de mon explication ? » Le tribunal a préféré sévir.