L’homme poisson
Après quatre ans de projet, l’apnéiste monégasque peut dorénavant utiliser une combinaison inspirée du wingsuit et ressemblant à une raie manta qui lui permet d’approcher les animaux
L’apnéiste monégasque Pierre Frolla s’est inspiré du wingsuit – vol libre avec une combinaison en forme d’aile – pour créer sa propre tenue sous-marine révolutionnaire baptisée Ocean Wings. Son but: «sensibiliser les gens à la fragilité du milieu».
L’apnéiste Pierre Frolla évoque sa nouvelle et révolutionnaire combinaison, « Ocean Wings », qui lui permet d’allier sa passion pour le vol en wingsuit et son intérêt pour les animaux marins et leur préservation.
On connaissait votre passion pour l’apnée, moins pour le vol en wingsuit… Lorsque j’ai établi mon premier record de France en , je me suis offert un cadeau. La chute libre étant une passion que j’ai toujours voulu assouvir, j’ai pris ma voiture en partant vers le Var pour faire une progression accélérée en chute. Je trouvais que c’était assez amusant de partir du fond de la mer avant de monter dans le ciel et de sauter. J’ai fait environ sauts entre et .
Pourquoi avoir mis au point cette combinaison ? J’ai pour objectif de sensibiliser les adultes mais surtout les enfants à la fragilité du milieu. Je me mets donc en scène au milieu des animaux. J’ai choisi la plongée en apnée car les interactions sont beaucoup plus simples. Tu peux t’approcher plus facilement des animaux mais, en apnée, tu palmes, tu bouges… Ils se demandent qui tu es mais tu ne les intrigues pas spécialement. Ça restait toujours un très gros travail pour que je puisse me faire accepter par eux.
Comment vous est venue l’idée ? J’ai continué à faire de la plongée en apnée puis, à force de regarder le vol en wingsuit, je me suis dit « Tiens, et si on pouvait faire la même chose sous l’eau ! »
Pour quelles raisons ? Même si elle est tirée de la wingsuit, la combinaison ressemble à une raie manta. Quand je la porte sous l’eau, je ne bouge pas, je dérive dans le courant même si je peux orienter avec mes mains. Je peux m’approcher des animaux qui sont intrigués. Ils sentent l’odeur du néoprène et comprennent donc que je ne suis pas un animal mais ils sentent aussi les battements de mon coeur. Jusqu’à présent, les apnéistes et les plongeurs vont toujours à la rencontre des animaux. L’idée, c’est d’inverser les rôles. Je trouve qu’il y a un côté poétique, romantique et esthétique dans cette discipline.
Cela représente combien d’années de travail ? Avec mes équipes, il nous a fallu quatre ans. Au début, on avait des problèmes pour remonter à la surface. Des apnéistes ou des plongeurs bouteille m’aidaient à chaque fois. C’était vraiment compliqué. La logistique matérielle et humaine était trop importante. Maintenant, on part à trois et c’est bon.
Quelle a été la solution ? L’an dernier, j’ai rencontré Peyo Lizarazu qui a développé avec Quiksilver et Aqua Lung, mes deux partenaires, un gilet de sauvetage pour les surfeurs de grosses vagues. Je l’ai testé puis j’ai demandé si je pouvais l’adapter à ma combinaison. On a travaillé ensemble là-dessus pendant six mois et maintenant l’objet est parfait. Mais, très sincèrement, le projet aurait pu être fait en huit mois… (Il sourit)
Comment ça ? Je développe plein de choses en même temps. Nous nous sommes un peu enflammés au début puis nous sommes passés à autre chose, avant de revenir dessus et ainsi de suite. Là, ça fait un an et demi que nous nous penchons vraiment sur la chose. Le projet initial, qui s’appelle Ocean Wings, a vu le jour il y a quatre ans. Aujourd’hui, on est sur l’Ocean Wings .. Je cherche d’autres améliorations à apporter mais nous avons vraiment atteint l’apogée de cet outil.
Vous dîtes « nous ». Combien de personnes ont travaillé sur ce projet ? Beaucoup, beaucoup de monde… La magie de cette combinaison, c’est que ça devient un très beau symbole et un travail d’équipe. Il y a eu un élan de fraternité très fort. Les gens n’ont pas que ça à faire. Je suis leur ambassadeur, il y a plein d’intérêts à développer ce produit mais on sort du cadre industriel classique. Il y a des gens qui ont travaillé nuits et weekends pour m’aider à mettre en place ce produit.
Quelle place occupe Monaco dans sa conception ? Le dessin du produit a été fait en Principauté, par le Dream Lab d’Aqua Lung et moi-même. La partie ingénierie a été conçue à Carros et la combinaison a été fabriquée en Chine puis reconditionnée à Nice, ce qui a permis de pouvoir glisser à l’intérieur des poches de gonflage.
C’est un objet unique au monde ? Oui complètement, hormis si on se fait voler ou copier l’idée… Il y a relativement peu de chance que ça arrive puisque le mode de conception est compliqué. Il y a trois combinaisons au monde, je les ai à ma taille ! Deux pour l’été, l’autre pour l’hiver. De plus, j’ai fait la promesse que la combinaison ne sera pas commercialisée. Ça reste très élitiste, c’est vraiment un produit de niche. Quels avantages en tirez-vous ? Pouvoir planer très longtemps sans faire d’efforts, intriguer les animaux pour qu’ils puissent nous laisser les approcher ou qu’eux le fassent. Ce qui est intéressant, c’est que je suis complètement tributaire de l’élément. Je ne maîtrise que ma réserve d’air et ma remontée. Je vais au gré du courant et ça, c’est vraiment magique. Je peux faire de très grandes distances. Je l’avais essayé à Palau, avec trois ou quatre noeuds de courant très puissants. Je pense que j’ai fait dix kilomètres sur une seule plongée, généralement infaisable, ce qui est très grisant. Sur une très grande distance, je peux rencontrer plein d’espèces, de paysages. Par contre, pour me suivre, c’est très compliqué. (Il rit)
Quelles améliorations seraient possibles ? On me propose souvent d’avoir un propulseur en surface pour être complètement autonome et pouvoir me balader… (Il réfléchit) J’ai peur de perdre le côté naturel de la chose. À part changer la couleur et la matière, je suis comme Spiderman, je reste fidèle à mon costume.
Quels sont vos objectifs ? Lancer l’Ocean Wings Project, meet the Giants, aller à la rencontre de tous les grands animaux. Cachalot, requin blanc, baleine à bosse… Puis j’aimerais faire les monts sousmarins, aller sur des endroits entre et mètres parce que je ne pourrai pas aller plus profond et voler dans ces lieux très beaux. Le septembre, je serai au milieu des requins baleines à Oman et, en décembre, ce sera avec les cachalots à l’île de la Dominique. Puis, ensuite… (Il s’arrête et sourit)
Ensuite ? Vous verrez. Nous avons beaucoup d’idées.
Un côté romantique et esthétique ” À la rencontre du requin blanc ”