Les habitants de Vintimille disent leur exaspération
Près de 300 personnes ont manifesté, hier matin, contre la possible création d’un nouveau centre d’accueil pour migrants dans le centre-ville. Ils souhaitent que l’aide vienne désormais d’ailleurs
Ils disent avoir été patients. Compréhensifs. Avoir fait des efforts pour que la situation s’améliore, depuis que la crise migratoire s’est installée à Vintimille, il y a deux ans de ça. Mais quand ils ont appris qu’un nouveau lieu d’accueil pour les migrants pourrait ouvrir en plein coeur de ville touristique, ils ont estimé que c’en était assez. Au point d’organiser une mobilisation fissa fissa, « avant qu’il ne soit trop tard ». Le lieu convoité – un bâtiment de la Croix rouge désaffecté depuis bien longtemps – devant, selon leurs informations, ouvrir à la rentrée. Avec pour vocation l’hébergement d’une trentaine de mineurs de plus de 15 ans.
Relance économique mise en suspens
Ils sont près de 300 à avoir ainsi manifesté en famille, hier matin. Désireux d’exprimer leur exaspération face à ce qu’ils considéraient comme une nouvelle atteinte à l’image de la ville. Pour que l’agacement de chacun soit (enfin) entendu – tant de la mairie que de la préfecture, à l’origine de ce projet. « Là, ça devient dramatique. On espérait qu’il y aurait une relance dans le quartier de la Marina. Des commerces étaient supposés rouvrir… », souligne Lauren, une habitante du quartier. «Les manifestations ne sont pas monnaie courante en Italie, poursuit-elle. Pour que les gens s’exposent ainsi, c’est qu’il y a un véritable ras-le-bol.» Pas toujours pris au sérieux, du reste, au regard des remarques « condescendantes » des autorités que certains disent avoir reçues quand ils ont évoqué l’existence d’une pétition. « Ils pensaient qu’il n’y aurait que 50 signataires, mais nous sommes déjà plus de 1000, en
cinq jours seulement ! » Le problème, reprend Lauren, «c’est qu’on ne voit pas d’actions mises en place. On met ces pauvres gens dans des camps où ils ne font qu’attendre. Forcément, ils s’ennuient, et errent dans la ville.» Quant à l’impact possible sur l’économie locale – déjà en difficulté – il inquiète clairement. «L’adresse choisie se trouve dans une aire où les gens viennent pour les restaurants, les bars, commente un porte-parole du mouvement, Filippo Bistolfi – ancien candidat aux Régionales sous la bannière
du parti de Silvio Berlusconi. Grâce aux policiers et à la population, la situation est aujourd’hui stabilisée. La ville reste sûre. Mais on craint que ça explose à l’avenir. Alors que nous, on veut dire aux touristes et aux acheteurs: “Continuez à venir !”». Et d’ajouter qu’il n’y a là « aucun racisme ». Seulement une volonté de voir Vintimille – et la qualité de vie des habitants – survivre. « La ville est en train de mourir ! », clame justement une femme, dans la foule. Convaincue, comme les autres, que ni l’Italie, ni Vintimille, ne sont en mesure de gérer seules la situation. D’ordre international. « Le fait que des gens se réunissent lors d’une journée de travail montre combien la situation est explosive, note Andrea Spinosi, représentant local de la Ligue du Nord. Les habitants ont peur de sortir de chez eux, de se rendre à la gare. L’immobilier est au plus bas. Le maire doit aller à Rome, on ne peut plus continuer comme ça. » Selon lui, ce n’est pas parce que la France a fermé ses frontières que l’Italie voisine doit pour autant prendre en charge ce qu’il définit
comme une « invasion ». Pour le président du comité de quartier Marina San Giuseppe Borgo, Andrea Perotti, il ne faut pas oublier que « la Croix rouge a des immeubles à Bordighera ou a Campo Rosso. Pourquoi ne pas accueillir des migrants là-bas? Nous, on a assez donné. » Si la préfecture a annoncé la suspension provisoire des travaux, les réserves demeurent. Une autre manifestation de protestation est prévue samedi à 13 h sur la place de la mairie.