Monaco-Matin

L’escroc-faussaire du Bon Coin prend deux ans ferme

Le tribunal correction­nel de Nice a déclaré Guillaume S. coupable de multiples escroqueri­es au préjudice de 16 victimes dans deux dossiers finalement joints. Il retourne en prison...

- STÉPHANIE GASIGLIA sgasiglia@nicematin.fr

C’est une affaire plus simple qu’il n’y pouvait paraître, qu’a eu à juger, hier, le tribunal correction­nel de Nice. Dans le box, Guillaume S. apparaît, l’air penaud. Voix fluette, mémoire souvent défaillant­e, il est avare d’explicatio­ns et de détails. Pour autant, il a reconnu les faits - tous les faits - qui lui étaient reprochés. Âgé de 38 ans, il comparaiss­ait, dans un premier dossier, pour de multiples escroqueri­es commises entre 2014 et 2016 à Nice. Puis pour deux autres, cette fois en 2017, dans un second… Deux dossiers joints par le tribunal. Des filouterie­s au préjudice de 16 victimes - identifiée­s et parties civiles - pour un montant qui avoisine les 220 000 euros.

Fausses fiches de paie

Et la technique de l’aigrefin était à la fois rodée, simple et efficace… jusqu’à un certain point. Il était poursuivi pour avoir au moyen de fausses fiches de paie louer des appartemen­ts, dont il ne payait ensuite pas le loyer. Il avait également réussi, via le Bon Coin, à se faire passer pour le propriétai­re de l’un des appartemen­ts dont il était « locataire » et avait obtenu ainsi un dépôt de garantie d’une famille, lésée, du coup, de 7200 euros. Guillaume S. comparaiss­ait aussi pour avoir vendu des fausses licences IV de débit de boissons. Après s’être procuré de vrais documents, il les avait falsifiés. Une arnaque plutôt lucrative. Trois victimes pour un montant de plus de 33 000 euros !

Du matériel… fictif

Enfin, Guillaume S. se faisait aussi de l’argent de poche en mettant en vente sur le Bon Coin des ordinateur­s, des GPS, des Smartphone­s… Une fois les sommes reçues, il n’envoyait pas le matériel. Qui n’existait d’ailleurs probableme­nt pas. Et là aussi, pour réussir son coup, il faisait de fausses factures pour rassurer l’acheteur. Pendant toute l’audience, le président du tribunal, David Hill, a tenté de comprendre pourquoi le prévenu avait besoin d’autant d’argent. « Vous vous droguez », demandera-til, vraiment interloqué. «Non» , répondra, Guillaume S. Et le président d’insister… Mais le prévenu n’a pas vraiment d’explicatio­ns : « Je ne sais pas l’expliquer, à l’époque j’avais vraiment besoin de cet argent ».

« Borderline »

Guillaume S. escroc compulsif, atteint d’une pathologie mentale ? Pas franchemen­t. Pour un expert cité par le tribunal, il possède «une personnali­té instable, borderline, transgress­ive et narcissiqu­e, avec des épisodes de décompensa­tion, mais les troubles psys ne peuvent pas expliquer entièremen­t les faits ». Et puis, il y a l’affaire de la société First, que le prévenu avait montée avec son associé, Christophe J., lui aussi partie civile. Le snack qui n’a jamais fonctionné. Et pour cause. Au bout de seulement 3 mois, Christophe J. a des doutes sur la solvabilit­é de son associé et se rend au tribunal de commerce. Le capital social qui devait être de 100 000 euros, n’est en fait que de 51 000 euros… Soit sa seule somme d’argent fournie. Guillaume S. avait imité sa signature pour changer le montant du capital. Le préjudice de Christophe J. est évalué à 136 000 euros en totalité. Là-dessus se greffe une troisième personne, nouvelle victime. Guillaume S. lui vend ses parts sociales, sauf qu’en fait, il n’en a pas. Et pour cause, seul son associé a investi dans la société. Le prévenu tente, alors, une explicatio­n qui fait sortir de ses gonds le subst itut du procureur: «Vous racontez n’importe quoi, vous nous prenez vraiment pour des idiots ». Les avocats de la défense ont tous surfé sur les mêmes arguments, agacés par « la victimisat­ion du prévenu». Guillaume S. avait été placé sous curatelle renforcée entre 2006 et 2013, période où il n’a commis aucun dérapage et où il prenait un traitement pour des « troubles schyzoaffe­ctifs ». Ce que n’a pas manqué de faire remarquer son avocat pour tenter d’éviter le mandat de dépôt, si ce n’est la condamnati­on. «Que faire pour qu’il arrête ? Le dossier me le montre lorsqu’il y a curatelle et traitement il n’y a plus d’infraction ». Mais il n’aura pas été entendu. À l’issue d’une très courte suspension de séance, Guillaume S. a été condamné à 3 ans de prison dont un an avec sursis et mise à l’épreuve pendant 3 ans. Il est maintenu en détention. Il devra indemniser ses victimes, pour le préjudice matériel et moral. Le substitut du procureur avait requis 30 mois de prison ferme.

Newspapers in French

Newspapers from Monaco