Monaco-Matin

Incendies: ils sont les yeux des sapeurs-pompiers

Embauchés par le Départemen­t, dix-huit guetteurs se relayent, l’été, dans les neuf postes de vigie pour surveiller les secteurs à risques. Parmi eux, Medhi, musicien et guetteur à la Revère

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Depuis le début de l’été, les Alpes-Maritimes sont classées en risque sévère, voire très sévère au niveau des feux de forêt. De fait, en à peine un mois, trois gros incendies sont à déplorer : Castagnier­s, le 17 juillet, avec 120 hectares calcinés, une semaine plus tard, Carros (91 hectares) où trois maisons ont été touchées par les flammes dont une totalement détruite, 17 personnes évacuées, puis mardi, Saint-Cézaire-sur-Siagne, au-dessus de Grasse, où le bilan provisoire fait état de 55 hectares détruits. À l’origine de cette alerte rouge incendie, les températur­es caniculair­es, conjuguées à un air très sec renforcé par un vent chaud à effet de foehn soufflant sur une végétation particuliè­rement desséchée. «Il suffit de peu de chose, d’un mégot jeté au bord d’une route, d’un barbecue mal maîtrisé, pour que tout s’embrase » pointe Jean-Marie Demirdjian, chef de Force 06. Créé par le conseil départemen­tal des Alpes-Maritimes, ce service de prévention et de détection des feux de forêts intervient aux côtés des sapeurs-pompiers pour former une chaîne de vigilance renforcée.

Dix-huit guetteurs pour neuf postes

Pour surveiller les massifs forestiers escarpés, y détecter toute fumée suspecte, le Départemen­t embauche, l’été, des guetteurs. Ils sont dix-huit contractue­ls, regroupés en binômes, à occuper du 1er juillet au 30 septembre, neuf postes de vigie principaux, tous C’est au poste de la Revère, s’ouvrant sur un panorama fabuleux, que Medhi, prend ses quartiers d’été. Pour surveiller la vallée des Paillons à la recherche de fumées suspectes…

situés en hauteur (voir ci-dessous). Parmi ces postes, celui de la Revère, situé dans le parc de la Grande-Corniche à La Trinité. C’est là, dans cette tour de guet en pierre construite en 1987, que Medhi Pagani-Virorello, 35 ans, musicien profession­nel, prend depuis plus de dix ans, ses quartiers d’été. Lui, fait équipe avec son père, Henri, près de quarante années de guetteur à son actif. Tous les quatre jours, père et fils se relayent dans ce nid d’aigle équipé, en soussol d’une cuisine et d’une chambre, à l’étage d’une salle d’observatio­n s’ouvrant sur une vue à couper le

souffle. « À l’ouest, la chaîne du Mercantour, à l’est, l’île Sainte-Marguerite. Par temps clair, on aperçoit même le golfe de Saint-Tropez, détaille Medhi. Et devant vous, s’étale toute la vallée des Paillons… »

« Comme le jeu des sept erreurs ! »

Ce panorama, Medhi le connaît par coeur à force de le scruter. Toutes les trois minutes, il jette un regard circulaire pour balayer le paysage. « C’est comme le jeu des sept erreurs où il faut chercher, dans un tableau donné, des éléments en trop. Nous, ce que l’on doit dénicher

c’est un panache de fumée ! » Le trouver ne suffit pas. Il faut savoir l’analyser, faire la différence entre un nuage de poussières et des volutes de fumée. Pour en cas de vrai départ de feu, le situer avec précision sur la carte, avec coordonnée­s à l’appui, et donner l’alerte aux sapeurs-pompiers. « Nous sommes reliés par radio au Codis [centre opérationn­el d’incendie et de secours] et à la centrale “vert” QG de Force 06, poursuit Medhi. Nous sommes un peu les yeux des sapeurs-pompiers. Pour vérifier les alertes incendies, leur donner les précisions utiles sur la nature du feu et les guider jusqu’au foyer. » Concentrat­ion, sens de l’observatio­n, maîtrise de la lecture de carte, gestion du stress pour garder son calme lors d’un départ de feu… Autant de qualités à déployer durant la mission de vigie s’exerçant de dix à vingt heures non-stop, dimanches et jours fériés compris !

Des confitures pour stimuler sa vigilance

« Dormant sur place, nous sommes en alerte en permanence, du lever au coucher. Mais on ne scrute pas tout le temps le paysage, sinon on ne verrait plus rien et on deviendrai­t fou ! » Pour ouvrir l’oeil et stimuler sa vigilance, Medhi s’est trouvé une occupation: la confection de confitures. « Ça m’occupe les mains mais pas l’esprit. Et ça marche ! » Le 3 juillet, c’est lui qui a signalé le feu au col de Vence. Lui aussi qui a donné l’alerte, trois jours plus tard, pour l’incendie au mont Leuze… Et cela fait dix ans qu’il joue les guetteurs à la Revère. « Pour être utile. Petit, je retrouvais mon père à ce poste de vigie. Il était déjà là, en 1986, lors du terrible incendie. J’avais 4 ans à l’époque mais j’ai encore en tête ces paysages dévastés, l’odeur de brûlé, de ces quantités de crickets retrouvés morts, grillés par les flammes. Tout cela je ne peux l’oublier. »

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