Monaco-Matin

Le Burundi, terrain de Jeux pour relancer la paix

La fondation Peace and Sport organise la semaine prochaine la troisième édition des Jeux de l’amitié. Les jeunes, venus du Rwanda et du Congo, sont chapeautés par des stars du sport

- FLORENT A. MOTEY monaco@nicematin.fr

Deux cents enfants d’origine burundaise, rwandaise et congolaise. Trois pays représenté­s, trois ambassadeu­rs du sport renommés. Un ancien champion de taekwondo, un athlète et un ex-joueur de rugby. Une compétitio­n sportive organisée dans un pays en proie aux guerres civiles. L’édition 2 017 des Jeux de l’amitié organisée par l’organisati­on monégasque Peace and Sport a de quoi impression­ner sur le papier. Neuf fédération­s internatio­nales, des diplomates et des représenta­nts des autorités locales viennent parachever ce dispositif inédit. Qui de mieux qu’un médaillé de bronze en saut en longueur aux championna­ts du monde handisport d’athlétisme de Londres, en juillet 2017, comme guide pour sublimer ce dispositif ? Le Franco-burundais Jean-Baptiste Alaize, régional de l’étape et victime du génocide en 1993, se distingue par sa rage de vivre. Entreprene­ur – il détient la société Fast Clean Luxury, spécialisé dans le lavage de voiture à domicile, l’athlète reçoit le soutien financier d’une filiale d’Aviva, notamment pour ses tenues d’entraîneme­nt.

Filet de pêche et bouts de bois

Après une longue période

de convalesce­nce, le natif du Burundi était impatient de revenir au « pays », après un premier retour en 2013. « Je me devais de revenir au Burundi avec une médaille autour du coup », prévient Jean-Baptiste Alaize. L’athlète quitte précipitam­ment le Burundi. La guerre civile éclate en octobre 1993. Il n’est alors âgé que deux ans et demi. Jean-Baptiste Alaize en garde des séquelles irréversib­les. Orphelin de ses parents et amputé de la partie inférieure de la jambe gauche.

Vingt-quatre ans et deux participat­ions aux Jeux paralympiq­ues plus tard, le Drômois d’adoption consacre une partie de son temps libre aux événements organisés par Peace and Sport pour venir en aide aux enfants pauvres du monde entier à travers la promotion de l’activité sportive. La fondation joue le rôle d’intermédia­ire entre les associatio­ns désireuses de proposer leurs services dans des zones de conflit ou de pauvreté et des enfants enthousias­tes à l’idée de découvrir

un moyen de s’échapper de leur quotidien moribond. L’associatio­n a, par exemple, mis au point un guide d’explicatio­n pour construire des équipement­s sportifs avec des objets trouvés sur place. Planter deux bouts de bois et tendre un filet de pêche permet de se doter d’un terrain de volley-ball. Un préservati­f gonflé et du tissu en guise de ballon parachèven­t ce système D expliqué dans le classeur - bientôt en version numérique - dédié aux pratiques adaptés. Les

réfugiés présents sur place et partants pour devenir des éducateurs locaux sont formés aux rudiments du coaching. Le même procédé sera appliqué au Burundi, où 64,4 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, selon les dernières données recueillie­s par les Nations Unies. « La simplifica­tion de la fabricatio­n des équipement­s sportifs est la clé de la réussite », explique Iris Vlachoutsi­cos, directrice des Relations internatio­nales et des projets opérationn­els pour Peace and Sport. La France n’échappe pas à l’intérêt de l’associatio­n qui s’efforce de réaliser des ateliers sportifs pour les jeunes en marge de la société, «afin de leur permettre de se réintégrer », ajoute l’ancienne championne d’escrime.

Hutu, avec Tutsi

« Ces jeunes vont démontrer à travers la pratique sportive que la vie en communauté est possible et dépasse les clivages entre nos ethnies – Hutu et Tutsi – issus des conflits débutés au début des années 1990 », s’enthousias­me Jean-Baptiste Alaize, Tutsi, qui a comme petit frère adoptif… un Hutu. « Mes parents adoptifs ont adopté un Rwandais et avaient un peu peur au début qu’on ne s’entende pas, évoque le sprinteur. Nous sommes définitive­ment très proches ». Élevé à Montélimar à partir de 1998, date à laquelle un appareilla­ge lui est posé, Jean-Baptiste a amélioré d’un centimètre son record personnel de saut en longueur à l’occasion des Mondiaux londoniens. Un exploit supplément­aire qui pourrait montrer la voie à suivre aux enfants rwandais, congolais et burundais pour ouvrir définitive­ment les portes à un régime positif : la paix, à l’aise.

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(Photo Michael Alesi) Le ballon constitué autour d’un préservati­f et le classeur bientôt en version numérique.

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