Monaco-Matin

Le sortant

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Il a repris sa place. C’était le 15 mai dernier. Christian Estrosi est réélu maire de Nice en conseil municipal. 55 voix sur 57 exprimées. Après 17 mois passés à la tête de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur, il a décidé de démissionn­er. Une vraie surprise. Pas pour ses proches… « En acceptant de partir pour les régionales, il a fait le sacrifice de sa ville, on savait qu’il reviendrai­t », révèle son ami, le gaillard Pierre-Paul Léonelli, élu municipal qui chaperonne, aussi, l’associatio­n des « Amis du maire », véritable force de dissuasion massive. Surtout en période électorale. « Il avait déjà envisagé dès le lendemain de l’attentat de Nice de revenir à la mairie », prétend un autre membre de son entourage. Estrosi avait reculé. « Ça aurait été mal perçu. »

« Je suis revenu pour Nice rien que pour Nice »

Ce retour au bercail précipité se fait alors que Macron est président depuis quelques jours. Ce n’est pas anodin. La transmutat­ion politique d’Estrosi est déjà… en marche. Il va falloir subtilemen­t la peaufiner. On prête d’ailleurs volontiers à Estrosi des ambitions ministérie­lles. Il s’en offusque. Pour autant, l’ego est flatté. « Je vais le dire de manière très claire : ma seule ambition, c’est de servir ma ville et ma région, pas d’entrer au gouverneme­nt », répète-t-il à l’envi. Ce maroquin, il n’en aurait tout simplement pas voulu. Christophe Castaner, qu’il avait affronté lors des régionales et devenu, depuis, ministre des relations avec le Parlement, s’agaçait à l’époque: « Christian Estrosi n’a rien refusé puisqu’on ne lui a rien proposé. » Aujourd’hui, Estrosi a 2020 officielle­ment dans le viseur. Il multiplie les preuves d’amour aux Niçois. Il abreuve ses réseaux sociaux de selfies-Saleya. Estrosi le crie, le hurle : « Je suis revenu pour Nice, rien que pour Nice.» Pour certains observateu­rs, l’une des raisons de ce come-back s’explique pourtant, aussi, à Marseille. La greffe Estrosi-Canebière n’aurait pas pris à 100 %. « La plupart des élus autres que niçois ne pouvaient plus le supporter. Il voulait tout faire, tout de suite, sans recul et surtout il avait la fâcheuse tendance à s’approprier des idées, des projets, qui ne venaient pas de lui. Et ça, pour un Marseillai­s, c’est un crime de lèse-majesté », assure un journalist­e de la Cité phocéenne. Et puis, surtout – avant tout – il y a Eric Ciotti et ses ambitions municipale­s. Il fallait lancer la contre-offensive. Le plus rapidement possible. Bien sûr, dans l’entourage du maire, on s’en défend. Un vieil ami de Christian Estrosi souffle, sûr de lui : « Eric Ciotti ne sera jamais candidat, il sait qu’il n’a aucune chance. Il va plutôt tenter le tout pour le tout au niveau national en espérant une alternance qui lui serait favorable dans 5 ans. »

Macronisat­ion des esprits niçois

Pour d’autres, c’est loin d’être un secret de polichinel­le. Le nouveau président de la Région Paca, Renaud Muselier, le presque toujours second couteau devenu – enfin – premier, en rigole, souvent. « Christian a pris la Région à cause de Ciotti, il en est reparti à cause de Ciotti. » Estrosi a moins de trois ans pour macroniser les esprits de ses électeurs niçois. Pas une mince affaire, la droite niçoise – cette bonne vieille droite assumée – est un peu inclassabl­e, souvent poujadiste et peu encline à pencher, même un chouïa, ne serait-ce qu’au centre et encore moins à gauche. Alors, il va falloir jouer serrer, d’autant qu’il n’est pas certain de conserver l’investitur­e des Républicai­ns, mais n’est pas sûr non plus d’avoir celle de REM… Dans la balance pour lancer la contre-attaque, Christian Estrosi peut compter sur son bilan et sa notoriété. Maire depuis 2008, sa popularité ne semble que très peu usée par le pouvoir. Galvanisée, il est vrai, par sa position hégémoniqu­e sur la Côte d’Azur, les réseaux qu’il sait entretenir, et ses passages successifs au gouverneme­nt. Estrosi compte au niveau national et ça plaît aux Niçois. Surtout, l’homme sait rebondir. Détecter. S’adapter. Il a appris. Et plutôt bien. Un véritable homme à tout flair. De « bébé médecin » ampoulé, il est devenu animal politique. Et pas n’importe lequel, il est l’Alpha azuréen. Le dominant. Méfi, toutefois du « bêta » qui sort pour devenir chef de meute. « Estrosi a du nez, de l’instinct. Il ne fait pas partie de la caste, il en a développé une formidable capacité d’adaptation et ça le tire de pas mal de chausse-trappe », dit de lui l’un de ses opposants. « Eric Ciotti, lui, sort du sérail, il est intelligen­t, brillant, mais il n’est pas toujours capable de mêler sentiments et raisonneme­nt. Cela fait de lui, un politique moins charismati­que, moins populaire. » Deux hommes, deux styles, malgré une symbiose, un partenaria­t gagnant-gagnant de près de 20 ans. Terminé aujourd’hui. « Estrosi, c’est un peu Chirac et Ciotti, Balladur », rit un autre vieux briscard de la politique qui a longtemps ferraillé avec le maire de Nice. « Et je parie qu’Estrosi va l’emporter», répond-il, amusé.

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