Le challenger
Eric Ciotti sera-t-il candidat à la mairie de Nice en 2020 ? Il ne l’a pas dit. Il n’a pas dit le contraire non plus. Il multiplie, même, les sous-entendus, depuis que ses soutiens, réunis devant sa permanence du port de Nice le soir de sa réélection à l’Assemblée nationale, ont scandé à l’unisson : « Ciotti 2020 ! ». Ce soir-là, homme heureux – après avoir eu chaud – Ciotti lançait : «C’est la victoire de la fidélité, de l’amitié, contre des vents contraires, malgré les coups bas menés par ma propre famille politique. » Il promettait « d’autres belles victoires ». Une promesse qu’il a bien l’intention de tenir. Car, il n’est pas de ceux qui se lancent sur coup de tête, selon des politiques qui le connaissent, amis ou pas. « Perfectionniste », « rigoureux », «doué» – « raide » et « revanchard » aussi – s’il part dans la bataille, c’est pour l’emporter, disent-ils. « Lorsqu’Eric Ciotti a un objectif, c’est difficile de l’en détourner. S’il a décidé d’y aller, il mènera une bataille acharnée. Je pense que s’il se lance c’est qu’il en a mesuré tous les risques et qu’il sait qu’il a une grande chance de battre Estrosi. Pourtant, moi je pense qu’il ne gagnera pas », estime un élu de l’autre côté du Var. À froid, celui qui est encore président du conseil départemental pour moins d’un mois, n’a pas l’intention de dévoiler immédiatement toutes ses cartes. Maire en 2020 ? « Des milliers de Niçois m’en ont parlé durant la campagne législative. Mais ce débat n’est pas d’actualité », répondait-il, frugalement, un peu après le 18 juin. Avant d’ajouter : «J’ai bâti depuis des années une relation très forte avec beaucoup de Niçois et cette relation, je veux la consolider. »
La bataille des investitures
Comment ? Au travers de quelle élection ? Nice, seul champ de ses possibles. Le terrain de jeu départemental va lui échapper - pour cause de cumul des mandats - et revenir à Charles-Ange Ginésy, avant d’être croqué par l’ogre métropolitain comme le souhaite le Président Macron (1). Mais bien mois vite que ne le souhaiterait Christian Estrosi. « Bien sûr qu’il va se présenter », confirme l’un de ses soutiens. « Je crois qu’il s’est décidé récemment, peutêtre pendant les législatives», précise-t-il encore. En mairie, ça y est, on a compris. Ciotti va bien venir chasser – d‘ailleurs il aime la chasse – en terre estrosienne. On n’y croyait pas il n’y a pas si longtemps. Avant, le député de la 1re circonscription a un combat à mener et à gagner à Paris, ce qui lui permettra, pense-t-il, de poser les bases de son OPA locale. Le cacique azuréen va devoir faire entendre sa voix, jouer un rôle dans la refonte, le recentrage des Républicains. Mais aussi être de ceux qui réadapteront la droite à la nouvelle donne politique insufflée par Macron. Il y a du boulot ! Il en sera l’un des artisans. Il fait tout pour. C’est l’heure des grandes décisions. À droite, un champ de bataille. À gauche, un champ de ruines… « Au lieu de penser à exclure, on ferait bien d’avoir un débat de fond », s’insurge un jeune élu, impliqué chez les Républicains qui poursuit, « la gauche est peut-être sous perfusion mais ne donne pas le même spectacle pitoyable que nous ». « Que va-t-il se passer pour les investitures ? Si LR existe toujours, Estrosi aura-t-il l’étiquette, ou sera-t-il investi par un autre parti qui n’existe pas encore ? Et Ciotti, sera-t-il le candidat de la droite sorti des Républicains ? Aujourd’hui, tout est flou », commente un conseiller municipal plutôt estrosien.
Mordre sur la ligne FN
Eric Ciotti peut, en tout cas, se prévaloir de ne jamais avoir dérogé à la ligne. Quitte à mordre sur celle du FN. Il n’est pas d’accord. Au contraire, il en est sûr : « Lorsque la droite s’assume, le Front perd de la vitesse. » Pourtant, Thierry Mariani, lui aussi anti-constructif, ne serait pas contre un « petit rapprochement ». Pas tout de suite, mais il affirme pourtant « si la droite veut un jour revenir aux affaires, il y a des barrières à casser». Pour l’heure, ce ne sont pas ces barrières-là que Ciotti essaie de pulvériser. Opération apaisement en cours. Il adoucit son discours. Il ne veut plus être le « sniper de service ». Cela ne correspond pas à sa réalité, dit-il. Sur le mariage pour tous, par exemple, après avoir pris part à des manifestations lors du débat, il a très récemment déclaré : « Je n’aurais peut-être pas la même attitude aujourd’hui ». Mais si Estrosi a changé de costume avec la rapidité d’un Arthuro Brachetti en représentation, pour Ciotti se sera long. Plus long. « Estrosi cherche à plaire, Ciotti à convaincre », raconte un élu FN. Un grognard local, témoin de la politique azuréenne depuis des dizaines d’années, renchérit: « C’est en cela que leur association a bien fonctionné pendant tant d’années. Il y avait une sorte de tête brûlée d’un côté, en déficit de fond, mais très caméléon. De l’autre un homme de dossier brillant, l’éminence grise, mais trop réfléchi. Aujourd’hui, Estrosi a aussi du fond et Ciotti, une image. En 2020, ça va être sportif et grand clerc celui qui prédit le vainqueur.» 1. Macron envisage de confier aux services des métropoles les compétences des conseils départementaux où elles se situent.