L’heure de Mayer
Grand favori du décathlon qui débute aujourd’hui, le vice-champion olympique français devra gérer son trac, dont il est coutumier
T el un artiste au moment d’entrer en scène, Kevin Mayer doit constamment lutter contre le trac avant une grande compétition et les Mondiaux-2017 à Londres, où il fait figure de grand favori du décathlon, à partir d’aujourd’hui, ne dérogent pas à la règle. On pourrait croire que le vice-champion olympique baigne dans une totale sérénité, depuis la retraite de son bourreau de Rio, le double vainqueur des JO et détenteur du record du monde (9045 points) Ashton Eaton. Et bien non : Mayer est comme le commun des mortels, saisi par la boule au ventre avant d’entrer dans l’arène. « Je me ‘‘chie’’ dessus les 15 jours avant un décathlon, c’est une forme de dépression et je suis en plein dedans. Un décathlon c’est compliqué à appréhender, on imagine les 10 épreuves et on se demande comment elles pourraient toutes bien se passer. Il y a énormément de stress. J’ai tout le temps envie d’arrêter l’athlé avant un décathlon. Chaque heure paraît plus longue que d’habitude », avoue le Français de 25 ans, qui a déjà épuisé son stock de films et n’arrive même pas à se concentrer sur le livre qu’il a commencé à lire. Un coup d’oeil sur les derniers mois devrait pourtant vite le rassurer. Le natif d’Argenteuil à la gueule d’ange a su parfaitement justifier son rang de nouveau boss des épreuves combinées, en entamant la saison sur les chapeaux de roue avec le premier titre international de sa carrière aux Championnats d’Europe en salle début mars à Belgrade agrémenté d’un record continental de l’heptathlon (6479 points, 2e performance de tous les temps).
« Une petite chialeuse »
Epargné par les blessures, contrairement aux autres cadres bleus, il a pu ensuite tranquillement dérouler son programme en vue des Mondiaux avec seulement deux, trois ou quatre épreuves par meeting, améliorant au passage ses marques personnelles au 110 m haies, au disque et au javelot. Un véritable luxe. Mais alors pourquoi tant de stress ? « C’est du décathlon, pas un 100 m, donc il faut arrêter de dire que je suis favori et que ça va être facile. J’ai dix épreuves à maîtriser et il peut se passer tellement de choses durant un décathlon. Cela va être très très compliqué » ,indique Mayer, qui se dit « plus fort qu’à Rio » mais n’oublie pas que la France n’a jamais remporté de médaille au décathlon dans un Championnat du monde... Même le sacre inimaginable de son pote Pierre-Ambroise Bosse sur le 800 m, mardi, n’a pas eu le don de le décontracter. En fait, la libération n’intervient généralement pour Mayer que le soir précédant la compétition. « Je me trouve un film qui me transcende, où il y a de l’émotion, ça peut même être un dessin animé, confesse le Français. Je suis une petite chialeuse 15 jours avant un décathlon et ça fait énormément de bien de pleurer seul. Après, il y a une espèce de léthargie qui apparaît et je me dis : profite de ton lit parce que demain tu vas en chier ». Le signe que Mayer est enfin prêt à partir au combat. Sans stress.