De là à l’Ida ?
Dans le cadre du relogement des « naufragés » d’Apolline, le gouvernement pense à la création de logements provisoires sur la zone Ida, d’après le chargé de mission, Albert Croési, qui étaye sa feuille de route.
Début juillet, le Ministre d’État, Serge Telle, lui a remis la barre d’un navire à la dérive avec l’approbation d’un souverain si soucieux qu’il avait – fait exceptionnel – visité les résidents des immeubles domaniaux des Jardins d’Apolline. Ni une, ni deux, le délégué de la Cellule de veille pour la priorité nationale, Albert Croési, a remisé son costume pour endosser celui de médiateur. « On n’a pas fait descendre le Prince dans la rue pour rester les bras ballants. Il ne s’est pas déplacé en personne pour qu’on reste à regarder passer les mouettes.» Un chargé de mission exceptionnelle qui n’a eu que quelques jours pour faire d’Apolline son jardin.
« La fibre patriotique »
Apolline, ses 4 blocs, 237 appartements, 800 résidents, médecins libéraux, commerçants, association des résidents et, surtout, son insalubrité chronique et galopante. Ou l’histoire d’un second oeuvre manifestement bâclé sur un ensemble immobilier domanial et moderne – le premier doté de la climatisation –, déjà iconique de la Principauté. Une maison, pour près de 10 % de la population monégasque, rongée par l’humidité et la moisissure. Un « fiasco sanitaire » dont les coupables auront à répondre au terme des différentes expertises et dont les politiques ne manqueront pas de s’emparer à l’entame – imminente – de la course à la présidence du Conseil national. Albert Croési, lui, n’entend pas traîner pour résoudre une drôle d’équation: recaser, pour des périodes de huit mois à un an, l’ensemble des locataires. Tous logés, bloc par bloc – ou presque, dans des « appartements-tiroirs » domaniaux, privés, provisoires, voire... français. Alors que le gouvernement promet un « programme à la carte » et a déjà prévu de budgétiser 10 millions d’euros pour l’opération de réfection totale, Albert Croési assure que la solidarité opère. Trois Monégasques auraient ainsi spontanément proposé leur logement – parfois à Nice –. «La machine est partie. L’administration des Domaines et les services de l’Habitat collaborent merveilleusement bien (...)» Quant aux critiques de l’association des résidents ou autres : « Rien ne m’émeut. Si on veut m’aider tant mieux et je ne promets pas d’ascenseur en retour. C’est la fibre patriotique. » Le médiateur admet aussi de premiers contre-temps. « Ce qui complique les relogements, c’est la typologie. J’ai peut-être fait une erreur au début en annonçant que j’avais 160 appartements. Oui, j’ai 160 appartements, mais je n’ai pas la typologie qui me convient. Il y a des blocs avec une grande majorité de 4 pièces, d’autres avec des 2 pièces. C’est très compliqué d’avoir la typologie précise d’Apolline. La décision du gouvernement d’identifier un bloc m’a permis d’avancer. On va attaquer par le B et je connais mes besoins en typologie de ce bloc-là, donc j’ai bon espoir, d’ici la fin de l’année – même avant – d’avoir trouvé ce qu’il faut pour déloger le bloc B. »
« Pas de panique »
Promettant une compensation absolue aux «naufragés», le médiateur dresse un constat minutieux des vices à gommer, des faïences aux gonds des fenêtres. Une méthodologie posée. «On va tout refaire à neuf. Les décennales vont repartir à zéro et les loyers seront abordables.» «Je vais vite dans le calme. Mon rôle est d’avoir une vision sur l’ensemble de l’opération. Des délogements et relogements, au lien avec les entreprises. Pas de panique, on va y arriver mais il n’y a pas de temps à perdre », répète à l’envi Albert Croési. Un pré-chantier initié en période de congés estivaux pour beaucoup d’entreprises et de «naufragés d’Apolline » mais aussi de pré-campagne électorale pour certains. «La politique politicienne ne m’intéresse pas (...) Et je ne voudrais pas que des gens qui ne sont pas sur des listes fassent de la politique. Chacun son rôle », balaye Croési, qui assure garantir un service «sur-mesure» aux personnes impactées et avoir déjà rencontré une « cinquantaine » d’entre elles plus portées sur le «Je voudrais » que le «Je veux». Sa méthode: un coup de file, une rencontre. Et pour l’heure, donc, aucun «capricieux». « On ne m’a pas encore demandé le Roof de l’Hôtel de Paris», plaisante celui dont les propositions de relogement concernent, «à 70 %», les quartiers de la Condamine et de Fontvieille. La suite, c’est un entretien fleuve d’un homme dans l’action et, parfois, la réaction...
me disent avoir une solution et ils sont contents du montant versé. Ils me disent que c’est généreux parce qu’ils vont intégrer leur résidence secondaire ou être logés chez des parents et sont contents du petit plus de l’État pour compenser des trajets ou autres. Mais je ne sens pas tellement l’envie d’aller louer par soi-même en France. Ce n’est pas une question d’argent. Ça les ennuie d’aller se déclarer à l’administration française pour l’eau ou la taxe d’habitation, faire des visites etc. Après, si M. Cucchi arrive à faire donner plus d’argent par le gouvernement, très bien (lire ci-contre). Je ne suis pas là pour juger si ce que donne l’État est bien ou non.
Peut-on envisager des accords fiscaux ou autres avec la France ? Bien sûr. Quand vous êtes au Cap Fleuri (maison de retraite à Cap-d’Ail) parce que vous êtes malades et ne pouvez plus bouger, vous êtes bien en France. Et il y a bien des accords. On est en état de crise et je suis convaincu que Bercy comprendra ce phénomène en cas de contrôle. C’est un cas de force majeure.
Y a-t-il eu des cas de force majeure en matière de relogement ? Il y avait cinq urgences DASA, cinq appartements très affectés. À ce jour, quatre sont recasés, un est en attente de décision.
Recasés où ? À Monaco. Dans des appartements de l’État qu’ils ont choisi. Je ne passe personne au chausse-pied.
Allez-vous déloger des commerces ? À mon sens aucun. Rien ne va les empêcher de travailler en terme d’accessibilité. Tout va les empêcher de travailler en terme de nuisances. Ce sera considéré. En revanche, il y a des professions libérales à sortir très vite, notamment dans le bloc B. Si je peux reloger rapidement les dentistes du bloc A, je le ferai aussi.
Les commerçants ont-ils subi beaucoup de dégâts ? Ils n’ont jamais eu de problème de non potabilité d’eau. Ils ont leur propre réseau. Mais ils subiront des nuisances sonores car les chantiers vont être faits de l’arrière, du boulevard Rainier-III. La circulation sur la plateforme des jardins sera libre et les immeubles vont être mis en chaussette. C’est fort probable qu’ils aient une baisse d’activités. Et donc des compensations ? Charge à eux de bien garder leur comptabilité. Si il y a des pertes avérées, le gouvernement les prendra en considération comme ils l’ont fait pour la rue Caroline. Il y a aussi d’autres endroits en ville où des commerces sont importunés par des travaux. Eux, ça va être plus long. Mais il ne faut pas utiliser les travaux pour faire affaire sur le dos de l’État.
Face à la pénurie de F, un couple actuellement dans un F devra-t-il provisoirement faire un effort au profit d’une famille par exemple ? Je ne vais pas les forcer. Je vais leur demander s’ils sont disposés, vu ma pénurie de F. Je ne proposerais peutêtre pas un F mais un F. Si c’est un non catégorique, ils auront leur F. Je ne force personne. Sans efforts, est-ce vraiment envisageable de trouver assez de F ? Oui, je suis quelqu’un d’optimiste.
L’Engelin est-il une solution ? J’ambitionne de reloger tout le monde, partout sauf à L’Engelin. Sauf dans les deux nouveaux bâtiments qui vont être livrés, les futures promotions immobilières de l’État. Sauf ces appartements PMR car c’est compliqué d’en trouver en ville, même dans le privé. D’ailleurs ces appartements ne sont jamais traités en commission d’attribution mais incessamment traités par le DASS et le conseiller Gamerdinger, lui-même, a dit que les gens d’Apolline en PMR seront logés à L’Engelin. Les autres appartements doivent être livrés aux Monégasques en attente de livraison depuis X années. Il faut éviter de créer d’autres conflits et on peut faire sans.
D’autres solutions sont-elles à l’étude ? Comme des containers modulables et provisoires ? C’est à l’étude. Pas dans des containers mais il ya à l’étude deux, peut-être trois, pavillons de F qui pourraient être construits en six mois et livrés en début d’année. Ce n’est pas de la maçonnerie mais des constructions métalliques de très bonne facture et on va d’ailleurs aller visiter un bâtiment à la fin du mois.
Où? En Italie. Si c’est convenable en isolement phonique et que les volumes sont bons, l’État donnera suite et je pense qu’ils ont déjà identifié une ou deux zones où ça pourrait être construit. À la sortie, ces bâtiments pourraient être réutilisés ailleurs et avoir une deuxième vie pour des oeuvres comme la Croix-rouge. On n’a pas besoin de appartements, je bloque sur une trentaine de F. J’espère toujours que les promoteurs monégasques puissent en mettre ou chacun à disposition à la rentrée et à tarifs réfléchis. Ce sont six promoteurs connus et énormes de la Principauté. C’est un peu plus cher que de mettre à disposition les locaux de l’État mais les mettre à disposition sans loyer a aussi un coût.
Les terrains identifiés sont-ils ceux de l’Ida ? Effectivement et c’est en opposition avec la réponse de M.Pastor, qui n’est dévoilée qu’en partie quand l’association des résidents dit “M.Pastor a dit qu’on peut faire les deux blocs”. Sauf que pour installer le chantier, M.Pastor envisage de prendre la zone de l’Ida et on ne pourrait plus y faire un lot d’une quinzaine ou vingtaine de pièces. Détruire deux blocs à la fois, ce serait aussi noyer la Principauté de semi-remorques et de nuisances.
Convaincu que Bercy comprendra ” Je bloque sur une trentaine def”