Thomas Hanbury, un homme apprécié
La scène se passe, il y 150 ans. En 1867, plus précisément. Le XIXe siècle vient tout juste d’être bouleversé par la révolution industrielle. Les échanges commerciaux se développent à grands pas. Et certains font évidemment fortune dans les affaires. C’est le cas du personnage principal de l’histoire: Monsieur Thomas Hanbury. Ou plutôt devrait-on dire «Sir Thomas Hanbury». Un jeune et riche pharmacien britannique de 35 ans, fraîchement revenu de Chine, où il a accumulé une véritable richesse. Un passionné de botanique, aussi. Mais surtout, un amoureux fou du Mentonnais et des terres environnantes, dont il a croisé le chemin à l’occasion de plusieurs voyages sur la Côte d’Azur. De là sa rencontre avec celui que l’on nomme aujourd’hui le « jardin Hanbury». Le fameux. «Lors d’une balade en bateau, ce jeune britannique découvre le lieu et tombe sous le charme», explique Elena Zappa, aujourd’hui conservatrice de l’espace vert situé à Mortola, quelques kilomètres à peine après la frontière italienne. Sur place, il trouve un palace et 18 hectares de terrain que le précédent propriétaire n’a alors guère les moyens d’entretenir. Autant dire du pain béni pour celui dont le rêve est de transformer un espace agricole en jardin d’acclimatation. Sans hésiter, Hanbury achète les terres.
« Hanbury voulait que la nature évolue comme elle le souhaite»
C’est alors que l’aventure commence. Avec l’aide de son frère Daniel, membre d’un réseau de botanistes mondial, «ils introduisent des plantes succulentes que Thomas adorent», confie la conservatrice. «Beaucoup de palmiers également », ajoute-t-elle. 150 ans plus tard, ces mêmes plantes habillent toujours le jardin. Acacias, camélias, géranium, jasmins… Elles fleurissent principalement en hiver et au printemps. Se faisant plus discrètes l’été, moment où le jardin est quelque peu à l’arrêt. Malgré tout, le paysage créé par les deux hommes est digne d’un véritable compte de fées. À cheval entre ciel et mer. «On ressent quelque chose de spécial dans ce jardin. Il a vraiment une âme en soi. Notamment, le fait qu’il soit assez désordonné - puisqu’Hanbury voulait que la nature évolue comme elle le souhaite - lui donne un véritable charme », analyse Daniela Guglielmi, envoyée par l’Université de Gênes pour assurer la préservation du lieu. Ce qui semble d’ailleurs séduire les étudiants en botanique du monde entier. Certains d’entre eux passent en effet plusieurs semaines dans la maison d’hôtes que le jardin met à leur disposition pour venir étudier la faune et la flore de cet endroit d’exception. « Ils travaillent avec les jardiniers et mettent en place des projets », explique Daniela. Si les étudiants viennent volontiers, il s’avère en revanche plus difficile d’attirer les locaux. « Le jardin est d’ailleurs plus connu en Angleterre qu’en Italie », s’amuse la conservatrice.
« Le jardin est plus connu en Angleterre qu’en Italie »
Les 150 ans de l’espace vert tombe alors à pic pour booster les visites. Toute l’année, diverses activités et animations sont organisées pour présenter aux visiteurs tant le jardin que son créateur. Mettre en avant ses atouts, ses spécificités. Ses richesses, aussi. Comme ce laboratoire qui conserve à très basse température des graines de plantes menacées ou rares. Dans le but de les réintroduire – ensuite – en milieu naturel. Typiquement dans l’esprit de ce que recherchait Hanbury. Preuve que, 150 ans plus tard, l’histoire de ce jardin magnifique et atypique s’écrit encore. Jardin Hanbury, corso Montecarlo, 43 La Mortola, Vintimille. Tarif : 7,50 euros. Site Internet : www.giardinihanbury.com.Tel : +39 0184 229507. Lorsqu’il arrive à Menton, en , Thomas Hanbury n’est autre qu’un riche homme d’affaires britannique comptant sur la chaleur du Sud de la France pour passer ses hivers en toute quiétude. Lors de ses funérailles, en , c’est en véritable héros qu’il s’en va. « Son cercueil a été suivi par un cortège de plusieurs centaines d’habitants », explique Daniela Guglielmi, en charge de la préservation du jardin. Signe de sa notoriété dans la région. Et surtout, de son investissement dans la vie locale depuis son établissement partiel à Mortola, en . Concernant le jardin tout d’abord, « il reversait le prix des tickets d’entrée à l’hôpital de Vintimille », relate celle qui est aussi docteur à l’Université de Gênes. « Il achetait également des terrains pour certains habitants ; il payait les frais pour la réalisation des fontaines, comme celle de Garavan, à Menton » . Surtout, précise Daniela, « il avait financé des écoles pour enfants et pour adultes. Mais il voulait prioritairement développer les lieux d’étude pour petites filles, car il ne trouvait pas normal que les garçons y aient un accès plus simple ». Cette générosité incontestée dans la région va être préservée par sa famille. Ainsi, après la seconde guerre mondiale, sa belle-fille Lady Dorothy vend le jardin à l’État italien, faute de pouvoir assurer la restauration du lieu. Jugée trop importante après la découverte de mines posées par les Allemands. La vente se fait néanmoins à une condition : que le jardin reste toujours ouvert au public. Promesse jusqu’ici tenue.