Monaco-Matin

Il fonce délibéréme­nt sur deux abribus à Marseille

Au volant d’un fourgon, un trentenair­e souffrant de troubles psychiatri­ques a tué une femme de 42 ans et en a blessé une autre hier matin. La piste terroriste est a priori écartée

- P.-L. PAGÈS AVEC AFP

Quatre jours à peine après le double attentat terroriste à la voiture bélier qui a endeuillé Barcelone et Cambrils, tout le monde a immédiatem­ent pensé que Marseille était à son tour frappée par la folie djihadiste. Et comment ne pas faire le parallèle ? Il était 9h15 en effet, hier matin, quand un fourgon Renault Master de couleur blanche a mortelleme­nt fauché une femme de 42 ans qui attendait à l’arrêt de bus Peintres Roux-La Valentine (XIe arrondisse­ment), dans l’est de la cité phocéenne.

« On se sent impuissant »

Simple accident de la route ? Nicolas Negre, employé formateur au fast-food KFC voisin, y a d’abord cru. Avant de voir le véhicule incriminé prendre la fuite dans un crissement de pneus. Encore « secoué » par ce drame qui s’est passé presque sous ses yeux, il témoigne: « Je déchargeai­s un camion de livraison quand j’ai entendu un gros choc caractéris­tique de tôle froissée. Pour moi, c’était un accident de la circulatio­n. Je n’ai pas du tout pensé à Barcelone. Et puis j’ai vu une camionnett­e blanche, le côté droit bien enfoncé, repartir en trombe. Je me suis alors dirigé vers l’arrêt de bus. Le corps d’une femme était inerte. On se sent impuissant… » Cette fois, le doute n’est plus permis : tout porte à croire qu’il s’agit d’un acte délibéré. D’autant qu’on apprend que la même fourgonnet­te a déjà défoncé un premier abribus un peu plus tôt dans la cité Val Plan, dans le XIIIe arrondisse­ment (nord de la ville), blessant grièvement une femme au bassin. La course mortifère du fourgon prend fin quelques minutes plus tard sur le Vieux-Port de Marseille, à deux pas de l’hôtel Radisson Blu. C’est là, avant que le véhicule ne remonte le quai Rive-Neuve, que les policiers de la brigade anticrimin­alité ont interpellé le conducteur. Pierre Magliozzi, qui effectuait des travaux d’entretien sur le bateau de plaisance de son père, était aux premières loges. « J’ai entendu des voix criant: “Sors de la voiture!” Quand je me suis retourné, j’ai vu trois policiers qui tenaient en joue le conducteur d’un fourgon blanc. Au bout de 2 ou 3 minutes qui m’ont paru interminab­les, le conducteur est sorti du véhicule et s’est mis à terre », raconte ce jeune Marseillai­s qui confie, au passage, «avoir eu peur de prendre une balle perdue ». Car si certains touristes ont cru un moment au tournage d’une scène de Taxi 5 (qui se déroule actuelleme­nt dans la cité phocéenne), Pierre Magliozzi a tout de suite compris que «c’était du sérieux. Pas un simple délit». Et d’ajouter : « J’ai forcément pensé à Barcelone. Même si je n’ai jamais été touché directemen­t, ça se rapproche. Désormais, je ferai attention. »

Condamné à plusieurs reprises

Si le mode opératoire – une camionnett­e qui fonce sur des piétons innocents – ressemble aux attentats perpétrés ces derniers jours, ces derniers mois en Espagne, en Angleterre, en Allemagne ou encore en France, «aucun élément ne permet, en l’état, de qualifier cet acte d’acte terroriste »adéclaré Xavier Tarabeux, procureur de la République de Marseille. Au vu du profil de l’auteur présumé des faits, l’enquête « s’oriente plutôt vers une piste psychiatri­que »,a même précisé le magistrat. Connu de la justice (il a été condamné à plusieurs reprises, notamment pour un vol avec violence), le suspect était en effet hospitalis­é dans une clinique psychiatri­que d’Allauch (Bouchesdu-Rhône). En réaction à ce drame, le maire de Marseille Jean-Claude Gaudin a dénoncé dans un communiqué « la folie meurtrière d’un individu ayant

Alors que Xavier Tarabeux, le procureur de la République de Marseille, a ordonné un examen psychiatri­que du conducteur du fourgon, l’AFP a interrogé le docteur Samuel Lepastier pour tenter d’expliquer la répétition des attaques à la voiture bélier. Ce psychiatre psychanaly­ste y voit

un double phénomène : « l’imitation et l’identifica­tion hystérique à autrui, qui vont de pair ».

Les auteurs de ces attaques « n’ont pas toujours conscience de ce qu’ils font et se mettent à la place de l’autre pour récupérer les bénéfices de cette personne [...] Les attaques à la voiture bélier, après Barcelone, Nice et Londres, ont eu un retentisse­ment médiatique important. Donc c’est aussi un moyen d’accéder à la notoriété en très peu de temps. Le geste importe moins que l’idée qu’on va avoir les qualités d’une sorte de héros du mal qui a foncé dans la foule. »

séjourné plusieurs fois en hôpital psychiatri­que », avant de saluer « la bonne coordinati­on des services de la police nationale et de la police municipale »quia« permis l’arrestatio­n quasi immédiate du forcené ». De son côté, Renaud Muselier, le président de la Région ProvenceAl­pes-Côte-d’Azur, a tenu à exprimer sa «profonde émotion » et sa « solidarité envers les victimes et leurs proches ».

Pourquoi tant d’attaques à la voiture bélier?

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(Photos AFP et Sophie Donsey) La course folle du Renault Master blanc s’est arrêtée sur le Vieux-Port. «J’ai eu peur de prendre une balle perdue », confie Pierre (en bas à gauche), témoin de la scène. Nicolas (à droite) a découvert le corps de la femme fauchée dans le XIe...

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