Piedon : tout petit cirque mais grands talents
Vainqueur du prix Arlette Gruss lors du 40e Festival international du cirque de Monte-Carlo, l’an dernier, le cirque Piedon a installé son chapiteau au stade Rondelli pour toute la semaine
Dans la famille Piedon, demandez le fils, Anthony. Avec ses joues déjà teintées de rose, une heure avant le spectacle, il présente dans un premier temps sa petite soeur, Melody, en tenue de gymnaste. Affairée au stand confiserie, d’où émane le bruit du maïs qui éclate en popcorn, l’odeur caractéristique de la barbe-àpapa. Puis il désigne son cousin, Nolan, en pleine vérification de son matériel de jonglerie. Dans son costume de gentleman. «Je ne vous ai pas présenté ma petite maman », s’exclame Anthony. Rendant son sourire à la fameuse Katia. « Son nom, c’est Loyal. Pour de vrai. Elle est de la famille du M. Loyal d’origine », commente-t-il. Tandis que son oncle Michel – le clown de la troupe – débarque à son tour sous le modeste chapiteau. Suivi de Fabienne, sa tante. Et du prince William, le patron. Son père. Charlotte, son épouse – la régisseuse – arrive quelques minutes plus tard. Alors qu’au loin, derrière la toile, on entend les autres membres de la famille qui trépignent : Jack et Lola, Arthur, ainsi que Java et Pénélope – plus discrètes. Deux chiens, une chèvre, et deux chats. Élevés avec amour, comme tout animal domestique qui se respecte. Bien qu’ils aient euxmêmes d’incontestables talents circassiens.
« On tient à rester petits »
« Les numéros avec le petit chien, les chats et la petite chèvre, c’est une trilogie. Si on les enlève, on se fait engueuler par les mamies, s’esclaffe Anthony. On ne peut pas changer le spectacle à 200 % tous les ans, mais on le renouvelle à environ 70 %.» Afin de fidéliser. Et d’étonner. Pour la première fois, les Piedon innovent en 2017 avec un numéro de « speed painting ». Une course artistique contre la montre, rarement exécutée au sein d’un cirque. Dans le « plus petit du monde », qui plus est. Malgré tout reconnu par ses pairs, comme en témoigne le prix Arlette Gruss obtenu l’an dernier lors du 40e concours international de cirque de MonteCarlo. « On tient à rester petits. Et on travaille volontairement dans un petit périmètre : la Côte d’Azur et le Languedoc », souligne Anthony, tout juste sorti d’une séance de marche sur les mains. Mais si le jeu de la famille Piedon ne compte en effet que huit cartes, chacune d’entre elles possède assurément un pouvoir décuplé. Tant les membres de la famille ont tous plusieurs cordes à leur arc (de triomphe). À l’instar de William, capable de faire monter sa chèvre sur un tabouret de quelques centimètres de diamètre, tout en chantant La Bohème. Sans fausse note. Question de travail. Et de passion. « On gagnerait le gros lot, on l’offrirait à des pauvres et on continuerait », lâche Michel. Laissant de côté, pour le coup, son rôle de comique. Que Fabienne s’empresse alors d’investir. « Chez nous, tout le monde met la main à la pâte pour tout. Même les chèvres qui assurent le service nettoyage en fin de spectacle… » En gobant avidement le pop-corn resté à terre. À quelques minutes du lancement du «spestacle», chacun des Piedon s’est échauffé à son rythme. Essentiellement pour se rassurer, reconnaît Anthony. « Cela fait des années qu’on fait ce travail. Mais on a toujours le trac avant de monter sur scène. Alors c’est notre tradition avant chaque séance. » La principale difficulté du spectacle vivant étant l’absence de risque 0. « On n’est jamais sûrs à 100 % de réussir. Et on a toujours une inquiétude avant chacune des représentations : “Les spectateurs vont-ils venir ?”», souffle-t-il. Dans l’entrebâillement du chapiteau, les jambes des petits qui piaffent – bien avant le début du spectacle – ne laissent pas trop le doute s’immiscer. Même si la vie de bohème demeure assurément rude. « Les petites structures disparaissent, les cirques sont surtout de grandes entreprises aujourd’hui, assure Anthony. Il faut clairement s’accrocher quand on travaille en famille comme nous. Mais le public répond heureusement présent. » Car ils ont tous du génie.