Quel périple !
En janvier dernier, une dame décède à la maison de retraite Fontdivina de Beausoleil. Un enquêteur du cabinet Frayre, à Monaco, a retrouvé ses héritiers… au fin fond de l’Australie !
Après des mois d’enquête, un juriste monégasque a retrouvé en Australie les héritiers d’une dame décédée à Beausoleil. Ils se partageront , M€.
Dans quelques semaines, cinq Australiens, vivant dans cet immense continent d’Océanie, vont se partager la coquette somme d’1,5 million d’euros. De l’argent tombé du ciel. Une surprise inattendue pour cette famille éparpillée, pour l’essentiel, dans la région de Perth, à l’extrême sud-ouest du pays. Ses 2 millions d’habitants en font la quatrième ville d’Australie. C’est ici qu’en 1829 sont arrivés les premiers colons britanniques. Ce détail historique n’est pas anodin. Il est au coeur de l’enquête que vient de boucler Stéphane Pantanacce, du cabinet monégasque Frayre & associés. Ce juriste de formation exerce depuis vingtcinq ans une profession aussi méconnue que passionnante: chercheur d’héritiers. En quelques mois, au prix d’une enquête minutieuse et palpitante, qui l’a conduit à Paris, en Écosse et jusqu’au fin fond de l’Australie, Stéphane Pantanacce a retrouvé les cinq héritiers d’une dame décédée à Beausoleil le 9 janvier 2017.
Direction Paris
Tout commence en janvier dernier. Le cabinet Frayre & associés est mandaté par un notaire de Beausoleil pour retrouver les héritiers de Leïla, décédée quelques jours plus tôt. L’héritage est conséquent : 3 millions d’euros. Stéphane Pantanacce ne sait pas grand-chose de la dame. Par l’acte de décès, il apprend son nom (que l’on nous demande de ne pas révéler), qu’elle est née en 1920 au Caire, en Égypte, et qu’elle
a divorcé à Paris d’un homme au nom à consonance yougoslave. En revanche, aucune information sur ses parents. Une rapide enquête de voisinage dans la maison de retraite révèle que la défunte n’a pas d’enfants, qu’elle aurait vécu en Grande-Bretagne et à Monaco, avant de finir sa vie dans la maison de retraite Fontdivina. «Sans descendance connue, explique Stéphane Pantanacce, pour trouver des héritiers, je dois donc chercher les ascendants et leurs descendants jusqu’au sixième degré. » C’est la règle en France. Pour faire simple, les
descendants, sur trois générations, des arrière-grandsparents d’une personne sont considérés comme héritiers. L’enquêteur doit donc en priorité trouver le nom des parents de Leïla. Direction Paris, ville où elle s’est mariée, pour dénicher l’acte de mariage. Pas simple : il faut éplucher les actes sur une période assez longue, en gros de 1940 à 1960, et ce, dans les vingt arrondissements de la capitale. Bingo: en quatre jours à peine – « un coup de chance », sourit-il –, le juriste trouve l’acte de mariage. Il découvre que le père de Leïla est égyptien et sa mère écossaise. Si
héritiers il y a, et il paraît qu’il y en a quasiment toujours, ils seront peut-être dans ces deux pays. L’Égypte. «Ce pays est très compliqué. On n’a pas accès aux actes d’état civil. Il était inutile d’y aller. Mais il me fallait savoir si des héritiers pouvaient se trouver là-bas. J’ai fait jouer mon réseau d’informateurs dans le pays.» Pas de descendance en Égypte.
La maman en Écosse
Direction l’Écosse. Par chance, à nouveau, le nom de la maman de Leïla est à consonance arabe. Les
recherches en Écosse seront plus simples que si elle s’était appelée Smith, Gordon ou McDouglas. Commence alors un long travail pour reconstituer l’arbre généalogique de la famille. Une tâche laborieuse menée tout seul pendant plus de deux mois en Écosse, qui consiste à éplucher les archives des états civils, et qui le conduit à Aberdeen, la troisième ville du pays. «La mère de Leïla avait un nom rare. Je découvre assez vite qu’elle était fille naturelle, de père inconnu, donc. Je suis ainsi allé jusqu’à l’arrièregrand-père de la maman. » En 1829 ! Tout l’enjeu étant alors de redescendre dans les générations, jusqu’au sixième degré. «Je suis remonté jusqu’au XIXe siècle, relate fièrement l’enquêteur. C’est extrêmement compliqué car ces recherches sont semées de pièges. Il faut vérifier chaque information, chaque nom, recouper les sources. On fait un boulot à la fois de flic et de journaliste. » Et de généalogiste puisque l’enjeu est de reconstituer un arbre généalogique.
Cinq héritiers identifiés en Australie
Stéphane Pantanacce identifie particulièrement trois grands oncles et tantes de Leïla – frère et soeurs de sa grand-mère maternelle. Leur descendance est éteinte dans deux cas, c’est-à-dire qu’elle dépasse la règle du sixième degré. Il reste donc une dernière piste, celle d’une grand-tante, prénommée Flora. L’aventure ne fait que commencer. Car l’enquêteur découvre que cette Flora, en 1913, a quitté l’Écosse à bord d’un bateau, en direction de l’Australie. Sur la liste des passagers qu’il retrouve, Stéphane Pantanacce découvre qu’elle est partie avec son mari, John, et leurs quatre enfants. «Cette famille a débarqué à Perth comme beaucoup de colons britanniques, au milieu de rien à l’époque. » Une ville connue pour accueillir, à partir de 1850, des bagnards, à la demande des fermiers qui recherchaient des travailleurs bon marché pour les exploitations agricoles et la construction de bâtiments. John et Flora seront fermiers. «Je décide de partir à Perth,
cette région perdue de l’Australie, grande comme cinq fois la France et ne comptant que deux millions d’habitants. »
« Pas d’erreur possible »
Par internet, il localise des membres de la famille. «Je tombe sur deux avis de décès, des Australiens du cinquième degré. S’ils ont des enfants, j’ai des héritiers. » Il y en aura six, dont un décédé. Cinq héritiers potentiels sont donc identifiés. Une autre étape de l’aventure commence. Stéphane Pantanacce doit prendre contact avec eux, aller les rencontrer, leur expliquer qu’ils sont les bénéficiaires de l’héritage d’une dame qui est décédée à 20 000 kilomètres de là, à Beausoleil. Et les convaincre de signer des documents qui permettront de déclencher la succession –
et de garantir la commission du cabinet Frayre & associés (lire par ailleurs). Premier coup de fil. «Je tombe sur une famille de paysans australiens, au fin fond d’une campagne. Ils ne sont pas concernés par l’héritage mais me parlent d’une vague tante à Perth. Une certaine Pamela, qui vit dans une maison de retraite. » Il part à sa rencontre, apprend qu’elle a une soeur – «Chouette, une autre héritière!». Stéphane Pantanacce raconte à Pamela son histoire familiale. Et soudain, il sait qu’il ne s’est pas trompé : « Elle se souvient que sa mère lui a parlé d’une parente qui vivait en Égypte. C’est un vague souvenir mais, pour moi, la preuve qu’il n’y a pas d’erreur possible.» Mais Pamela se méfie. Surtout que sa soeur lui a bien dit de ne signer aucun papier. L’enquêteur part alors à
la rencontre de cette soeur, une certaine Merle. Un dimanche de Pâques. Il réexplique toute l’histoire de la famille, la parente de Beausoleil, l’héritage. Tente de la convaincre de signer les documents.
Héritiers méfiants
«C’est le plus délicat, explique l’enquêteur. Je dois leur faire signer le contrat de révélation de succession, afin que le cabinet perçoive ses honoraires, et une procuration permettant au notaire de régler la succession. Ces dames ne comprennent pas tout et je dois les convaincre qu’elles toucheront de l’argent si elles signent, sans leur donner le montant car je ne le connais pas précisément. » Pamela et Merle, nées en 1929 et 1936, hésitent, intriguées et méfiantes. Mais elles signeront. Stéphane Pantanacce obtiendra également les signatures des trois autres héritiers : Joan, une troisième soeur, qui vit à Melbourne; Kaye, une cousine adoptée, installée à Wandi, près de Perth; et John, un autre cousin. La rencontre avec cet homme qui vit dans une zone reculée, à 200 kilomètres au sud de Perth sera épique (lire ci-dessus). Au final, après deux semaines passées en Australie et au terme d’une « passionnante enquête », le chercheur d’héritiers monégasque est rentré en Principauté. Non sans peine, il a fait cinq heureux. Cinq Australiens qui recevront, d’ici la fin de l’année, un héritage d’environ 300 000 euros chacun.