L’Etat attaque
La crise sanitaire aux Jardins d’Apolline est le dossier prioritaire de la rentrée du ministre d’État et de son gouvernement. Hier, Serge Telle a détaillé la procédure judiciaire qui vient de s’ouvrir
L’Etat monégasque a assigné en référé le groupement d’entreprises et l’architecte, pour récupérer un jour les dizaines de millions d’euros que vont coûter les travaux, le relogement des sinistrés, les indemnités versées...
C’était LE sujet de l’été. Ce sera LE sujet de l’automne. Les Jardins d’Apolline. Cette crise sanitaire qui touche près de 10 % des Monégasques, nécessitant le relogement de 800 personnes pendant que de très importants travaux seront menés dans les quatre blocs de la résidence domaniale rongée par les infiltrations. Hier après-midi, en évoquant devant la presse monégasque les dossiers chauds de la rentrée du gouvernement princier, Serge Telle a fait de celui-ci l’une de ses priorités.
Des dizaines de millions d’euros
Le ministre d’État a commencé par marteler que tout serait fait « le mieux possible pour les personnes concernées ». « L’État ne prendra aucune mesure d’économie pour gérer la crise Apolline », a-t-il assuré. Et peu importe si, au final, entre les travaux, le relogement des sinistrés, les pertes de loyers, les frais de déménagement et autres indemnités versées, il en coûtera «plusieurs dizaines de millions d’euros », comme l’estime à la louche le chef du gouvernement princier. Car l’État compte bien récupérer cet argent à un moment donné. C’est le sens de la procédure judiciaire qui a été entamée dans le courant de l’été. Le 21 juillet, l’État monégasque a assigné en référé l’ensemble des parties susceptibles d’être impliquées dans les malfaçons que subissent les occupants des 237 appartements domaniaux des Jardins d’Apolline. En l’occurrence, le groupement d’entreprises, l’architecte et la compagnie d’assurance en charge de la garantie décennale.
« Une catastrophe »
Une première audience a eu lieu le 2 août et l’ordonnance de référé a été prise par le juge le 9 août. Et vendredi dernier, une première réunion s’est tenue entre l’expert désigné par le juge des référés et l’ensemble des parties. Un certain Pierre Lemaire, expert au Conseil national des compagnies d’expertises de justice, basé en région parisienne. « L’entrée dans la phase judiciaire a été assez rapide et s’est déroulée en parallèle, explique Serge Telle. En plus de venir en aide aux occupants, il fallait s’assurer que les intérêts de l’État seraient protégés. » On parle en effet de dizaines de millions d’euros… L’expert judiciaire, qui a commencé son travail le 1er septembre, a maintenant six mois pour rendre sa copie. Il devra constater l’ensemble des désordres de l’opération, déterminer « les causes de cet incroyable sinistre, cette catastrophe», formule le ministre d’État, « la façon d’y remédier », définir les responsabilités, chiffrer le coût des travaux à réaliser et «le préjudice subi par l’État», qu’il soit financier ou moral. Son rapport est attendu pour le mois de février 2018. C’est à ce moment-là que l’État pourra engager les recours pour obtenir réparation du préjudice subi. Cela prendra sans doute des années. Peu importe. « La priorité est de donner satisfaction aux personnes qui ont subi ce préjudice, répète Serge Telle. L’État a les moyens et le temps de gérer cette crise, quel qu’en soit le montant. »
« Élément de preuve »
L’expertise judiciaire va donc durer six mois. Des mesures ont toutefois été prises pour que les travaux ne soient en aucun cas bloqués par le travail de l’expert. Pas une mince affaire: «Il était inenvisageable d’attendre six mois de plus, d’autant que les problèmes s’aggravent. Pendant les travaux, chaque pièce remplacée est mise de côté et doit être conservée comme élément de preuve », souligne le chef du gouvernement.
« Mobilisés à plein-temps »
Serge Telle, devant la presse, a aussi tenu à démontrer que le gouvernement princier et les services de l’État étaient totalement impliqués dans ce dossier. «Des gens sont mobilisés à plein-temps. Des dizaines de personnes travaillent sur ce dossier. Et tous les vendredis, une cellule de crise se réunit. Il en sera ainsi jusqu’à la fin des travaux. » Hier soir, après avoir quitté sa résidence et traversé la rue pour rejoindre le Conseil national, afin d’entamer les discussions sur le budget rectificatif, le ministre d’État n’a pas manqué de glisser que, là aussi, « les discussions seront certainement dominées par Apolline ».