« L’arme nucléaire, c’est l’assurance-vie de Pyongyang »
L’association d’amitié francocoréenne a été créée en .
«L’année précédente le général de Gaulle avait décidé d’entamer des relations, notamment économiques, avec la Corée du Nord», explique Benoît Quennedey, le président de l’Association d’amitié franco-coréenne (AAFC). C’est dans ce contexte qu’est née cette association à but non lucratif, initialement baptisée Paris-Pyongyang, qui continue de promouvoir le développement des échanges avec l’un des pays les plus fermés au monde. Benoît Quennedey et plusieurs de ses adhérents étaient ainsi au pays de Kim Jong-un il y a quinze jours à peine.
Comment analysez-vous cette crise des missiles?
La République populaire démocratique de Corée, qui a vu ce qui s’était passé en Irak et Libye, considère que la détention de l’arme nucléaire est une assurancevie pour le régime. Elle a donc développé dès les années un programme afin de se doter à la fois de la technologie nucléaire et du vecteur que sont les missiles balistiques intercontinentaux. Avec la succession au pouvoir de Kim Jong-un en ce programme s’est accéléré. Mais il répond toujours à la même logique, assez s simple: les Nord-Coréens considèrent les États-Unis comme une nation hostile et pour s’en prémunir ils doivent disposer de la dissuasion atomique.
Leur volonté ne serait donc que défensive?
Certes, par le passé, il y a déjà eu des accrochages, parfois meurtriers, autour de zones maritimes mal définies au lendemain de la guerre de Corée, mais pour autant, en sept décennies, la Corée du Nord n’a jamais attaqué le Japon, Taïwan ou la Corée du Sud. Pourtant, elle dispose depuis longtemps déjà de missiles capables de frapper Séoul.
Peut-être que si Pyongyang n’est pas passée à l’offensive jusque-là, c’est justement parce que la Corée du Nord ne disposait pas encore de telles capacités militaires…
Le budget militaire de la Corée du Nord doit être une centaine de fois inférieur à celui de l’Amérique du Nord. La disproportion des forces est telle que ce n’est pas dans l’intérêt des NordCoréens de déclencher une attaque…
Sauf si Kim Jong Un n’est pas raisonnable?
La voie que suit aujourd’hui la Corée du Nord n’est dictée par la folie. Même si on a du mal à le percevoir de ce côté-ci, elle est au contraire très réfléchie. Certes, ça un côté stratégie de négociation au bord du gouffre, mais tout est calculé. Ce pays sait que, tôt ou tard, il va devoir s’asseoir à la table des négociations. Et ce jour-là il faudra qu’il ait quelque chose à négocier. Voilà pourquoi il veut se faire reconnaître comme puissance nucléaire. Pour le cas échéant négocier l’abandon ou le gel de son programme nucléaire contre la levée des sanctions à son encontre ou l’accès aux investissements étrangers pour financer son économie.
Combien de temps cela pourrait-il prendre?
La plupart des experts estiment que ce n’est plus l’affaire que de quelques mois, tout au plus un an, pour que la Corée maîtrise l’arme nucléaire. En tout cas ce qui est sûr c’est qu’elle n’arrêtera pas son programme avant d’y être parvenue.
Que va-t-il se passer d’ici là?
Il y a trois scénarios possibles. Le premier, peu probable selon moi, c’est que les USA déclenchent une opération militaire en bombardant les sites de lancement coréens. Contrairement aux déclarations de Trump, l’appareil d’État américain n’y semble pas prêt. L’autre option c’est d’entamer des négociations. C’est la voie privilégiée par la Chine et la Russie, mais cela semble difficile après les déclarations du président américain qui s’y est opposé formellement. Reste une sorte d’entre-deux, avec un renfort des sanctions prononcées par les Nations unies. Cela pourrait aller jusqu’à l’interdiction de tout commerce avec la Corée du Nord ou l’interruption des livraisons de pétrole à ce pays qui n’en produit pas. Mais cette fois c’est la Chine, deuxième puissance militaire au monde, qui a dit qu’elle s’y opposerait. Reste des mesures moins lourdes… Et pourquoi pas le début de négociations officieuses qui permettraient à chacune des deux parties de ne pas perdre la face.