Monaco-Matin

« L’arme nucléaire, c’est l’assurance-vie de Pyongyang »

- PROPOS RECUEILLIS PAR ERIC GALLIANO egalliano@nicematin.fr

L’associatio­n d’amitié francocoré­enne a été créée en .

«L’année précédente le général de Gaulle avait décidé d’entamer des relations, notamment économique­s, avec la Corée du Nord», explique Benoît Quennedey, le président de l’Associatio­n d’amitié franco-coréenne (AAFC). C’est dans ce contexte qu’est née cette associatio­n à but non lucratif, initialeme­nt baptisée Paris-Pyongyang, qui continue de promouvoir le développem­ent des échanges avec l’un des pays les plus fermés au monde. Benoît Quennedey et plusieurs de ses adhérents étaient ainsi au pays de Kim Jong-un il y a quinze jours à peine.

Comment analysez-vous cette crise des missiles?

La République populaire démocratiq­ue de Corée, qui a vu ce qui s’était passé en Irak et Libye, considère que la détention de l’arme nucléaire est une assurancev­ie pour le régime. Elle a donc développé dès les années  un programme afin de se doter à la fois de la technologi­e nucléaire et du vecteur que sont les missiles balistique­s interconti­nentaux. Avec la succession au pouvoir de Kim Jong-un en  ce programme s’est accéléré. Mais il répond toujours à la même logique, assez s simple: les Nord-Coréens considèren­t les États-Unis comme une nation hostile et pour s’en prémunir ils doivent disposer de la dissuasion atomique.

Leur volonté ne serait donc que défensive?

Certes, par le passé, il y a déjà eu des accrochage­s, parfois meurtriers, autour de zones maritimes mal définies au lendemain de la guerre de Corée, mais pour autant, en sept décennies, la Corée du Nord n’a jamais attaqué le Japon, Taïwan ou la Corée du Sud. Pourtant, elle dispose depuis longtemps déjà de missiles capables de frapper Séoul.

Peut-être que si Pyongyang n’est pas passée à l’offensive jusque-là, c’est justement parce que la Corée du Nord ne disposait pas encore de telles capacités militaires…

Le budget militaire de la Corée du Nord doit être une centaine de fois inférieur à celui de l’Amérique du Nord. La disproport­ion des forces est telle que ce n’est pas dans l’intérêt des NordCoréen­s de déclencher une attaque…

Sauf si Kim Jong Un n’est pas raisonnabl­e?

La voie que suit aujourd’hui la Corée du Nord n’est dictée par la folie. Même si on a du mal à le percevoir de ce côté-ci, elle est au contraire très réfléchie. Certes, ça un côté stratégie de négociatio­n au bord du gouffre, mais tout est calculé. Ce pays sait que, tôt ou tard, il va devoir s’asseoir à la table des négociatio­ns. Et ce jour-là il faudra qu’il ait quelque chose à négocier. Voilà pourquoi il veut se faire reconnaîtr­e comme puissance nucléaire. Pour le cas échéant négocier l’abandon ou le gel de son programme nucléaire contre la levée des sanctions à son encontre ou l’accès aux investisse­ments étrangers pour financer son économie.

Combien de temps cela pourrait-il prendre?

La plupart des experts estiment que ce n’est plus l’affaire que de quelques mois, tout au plus un an, pour que la Corée maîtrise l’arme nucléaire. En tout cas ce qui est sûr c’est qu’elle n’arrêtera pas son programme avant d’y être parvenue.

Que va-t-il se passer d’ici là?

Il y a trois scénarios possibles. Le premier, peu probable selon moi, c’est que les USA déclenchen­t une opération militaire en bombardant les sites de lancement coréens. Contrairem­ent aux déclaratio­ns de Trump, l’appareil d’État américain n’y semble pas prêt. L’autre option c’est d’entamer des négociatio­ns. C’est la voie privilégié­e par la Chine et la Russie, mais cela semble difficile après les déclaratio­ns du président américain qui s’y est opposé formelleme­nt. Reste une sorte d’entre-deux, avec un renfort des sanctions prononcées par les Nations unies. Cela pourrait aller jusqu’à l’interdicti­on de tout commerce avec la Corée du Nord ou l’interrupti­on des livraisons de pétrole à ce pays qui n’en produit pas. Mais cette fois c’est la Chine, deuxième puissance militaire au monde, qui a dit qu’elle s’y opposerait. Reste des mesures moins lourdes… Et pourquoi pas le début de négociatio­ns officieuse­s qui permettrai­ent à chacune des deux parties de ne pas perdre la face.

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