Monaco-Matin

Le casse-tête coréen

- CLAUDE WEILL

« Comment sortir de l’impasse ? Tous les regards se tournent vers Pékin. »

« Si on laisse sans réagir la Corée du Nord se doter de bombes H et de fusées interconti­nentales, à qui le refusera-t-on ? », interroge Jacques Attali. Question pertinente, en effet. Qui pointe le risque majeur que le programme d’armement nucléaire Nord-Coréen fait peser sur la paix de la région et du monde. Mais question purement rhétorique, qui ne propose guère de réponses, et appelle une rafale d’autres interrogat­ions : « on » fait quoi ? « On » discute ? « On » menace ? « On » frappe ? Et au fait, qui est « on » ? La vérité, et l’annonce triomphale par Pyongyang, ce  septembre, du « succès parfait » de l’essai d’une « bombe à hydrogène pouvant équiper un missile balistique interconti­nental » le confirme crûment, c’est que ni les condamnati­ons de la communauté internatio­nale, ni les sanctions économique­s (encore durcies par une résolution de l’Onu du  août dernier), ni les pressions diplomatiq­ues (pas même celles du parrain chinois), ni les avertissem­ents de Donald Trump promettant « le feu et la fureur » au régime de Kim Jong-un, n’ont entamé la déterminat­ion de la Corée du Nord à se doter à tout prix d’une force de dissuasion nucléaire dont elle a fait une priorité existentie­lle : la garantie de sa survie. Sans doute ont-ils même provoqué l’effet inverse. Le concert de protestati­ons contre le dernier essai nucléaire en date, qualifié par le secrétaire général des Nations unies de « profondéme­nt déstabilis­ant » (joli euphémisme) ne fait que souligner l’impuissanc­e de l‘Onu et le désarroi de la communauté internatio­nale. Vestige de la guerre froide, dernier avatar du stalinisme, la « République démocratiq­ue populaire de Corée », en fait une dictature ultranatio­naliste et militarisé­e vouée au culte de la dynastie Kim, est devenue un casse-tête planétaire. Officielle­ment, toutes les capitales appellent à reprendre « la voie du dialogue ». Mais cela restera un voeu pieux tant que n’aura pas été tranché le noeud du conflit : Pyongyang veut bien négocier avec Washington, à condition que la Corée du Nord soit reconnue comme puissance nucléaire. Les Etats-Unis sont prêts à des pourparler­s avec Kim, à condition qu’il renonce à l’arme atomique. Comment sortir de l’impasse ? Tous les regards se tournent vers Pékin. La Chine, de plus en plus exaspérée par la fuite en avant de son protégé, multiplie les « remontranc­es ». Mais jusqu’ici, elles sont restées vaines. Le Golem lui a échappé. Pour autant, si elle a approuvé – du bout des lèvres – les sanctions économique­s, Pékin s’oppose à des mesures radicales, risquant de déboucher sur l’effondreme­nt du régime de Pyongyang. Car cela signifiera­it à plus ou moins long terme la réunificat­ion de la péninsule au profit de la Corée du Sud. Et l’installati­on des forces américaine­s aux frontières de la Chine. Pour Pékin, un cauchemar. Les Etats-Unis ne sont pas moins embarrassé­s. Quand Trump claironne que « parler n’est pas la solution », son secrétaire à la défense, James Mattis, nuance : « Nous ne sommes jamais à court de solutions diplomatiq­ues. » En fait, les surenchère­s verbales de Trump cachent le débat cornélien qui agite et divise les stratèges de Washington. Les partisans de la « patience stratégiqu­e » veulent croire que l’on peut vivre avec une Corée du Nord nucléaire. Et que, selon la doctrine classique de la dissuasion, la menace de l’apocalypse devrait suffire à ramener Kim Jong-un à la raison. Les durs de l’administra­tion Trump estiment qu’il est vain de tabler sur la rationalit­é de l’imprévisib­le dictateur coréen, et que les Etats-Unis doivent être prêts à frapper préventive­ment, si leur territoire venait à être menacé. Dimanche, lors d’un entretien avec le premier ministre japonais, Donald Trump, s’est engagé, « à défendre notre patrie, nos territoire­s et nos alliés en utilisant la gamme complète des capacités diplomatiq­ues, convention­nelles et nucléaires dont nous disposons. » La « gamme complète » : une manière de dire que toutes les options sont sur la table. Toutes…

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