Le casse-tête coréen
« Comment sortir de l’impasse ? Tous les regards se tournent vers Pékin. »
« Si on laisse sans réagir la Corée du Nord se doter de bombes H et de fusées intercontinentales, à qui le refusera-t-on ? », interroge Jacques Attali. Question pertinente, en effet. Qui pointe le risque majeur que le programme d’armement nucléaire Nord-Coréen fait peser sur la paix de la région et du monde. Mais question purement rhétorique, qui ne propose guère de réponses, et appelle une rafale d’autres interrogations : « on » fait quoi ? « On » discute ? « On » menace ? « On » frappe ? Et au fait, qui est « on » ? La vérité, et l’annonce triomphale par Pyongyang, ce septembre, du « succès parfait » de l’essai d’une « bombe à hydrogène pouvant équiper un missile balistique intercontinental » le confirme crûment, c’est que ni les condamnations de la communauté internationale, ni les sanctions économiques (encore durcies par une résolution de l’Onu du août dernier), ni les pressions diplomatiques (pas même celles du parrain chinois), ni les avertissements de Donald Trump promettant « le feu et la fureur » au régime de Kim Jong-un, n’ont entamé la détermination de la Corée du Nord à se doter à tout prix d’une force de dissuasion nucléaire dont elle a fait une priorité existentielle : la garantie de sa survie. Sans doute ont-ils même provoqué l’effet inverse. Le concert de protestations contre le dernier essai nucléaire en date, qualifié par le secrétaire général des Nations unies de « profondément déstabilisant » (joli euphémisme) ne fait que souligner l’impuissance de l‘Onu et le désarroi de la communauté internationale. Vestige de la guerre froide, dernier avatar du stalinisme, la « République démocratique populaire de Corée », en fait une dictature ultranationaliste et militarisée vouée au culte de la dynastie Kim, est devenue un casse-tête planétaire. Officiellement, toutes les capitales appellent à reprendre « la voie du dialogue ». Mais cela restera un voeu pieux tant que n’aura pas été tranché le noeud du conflit : Pyongyang veut bien négocier avec Washington, à condition que la Corée du Nord soit reconnue comme puissance nucléaire. Les Etats-Unis sont prêts à des pourparlers avec Kim, à condition qu’il renonce à l’arme atomique. Comment sortir de l’impasse ? Tous les regards se tournent vers Pékin. La Chine, de plus en plus exaspérée par la fuite en avant de son protégé, multiplie les « remontrances ». Mais jusqu’ici, elles sont restées vaines. Le Golem lui a échappé. Pour autant, si elle a approuvé – du bout des lèvres – les sanctions économiques, Pékin s’oppose à des mesures radicales, risquant de déboucher sur l’effondrement du régime de Pyongyang. Car cela signifierait à plus ou moins long terme la réunification de la péninsule au profit de la Corée du Sud. Et l’installation des forces américaines aux frontières de la Chine. Pour Pékin, un cauchemar. Les Etats-Unis ne sont pas moins embarrassés. Quand Trump claironne que « parler n’est pas la solution », son secrétaire à la défense, James Mattis, nuance : « Nous ne sommes jamais à court de solutions diplomatiques. » En fait, les surenchères verbales de Trump cachent le débat cornélien qui agite et divise les stratèges de Washington. Les partisans de la « patience stratégique » veulent croire que l’on peut vivre avec une Corée du Nord nucléaire. Et que, selon la doctrine classique de la dissuasion, la menace de l’apocalypse devrait suffire à ramener Kim Jong-un à la raison. Les durs de l’administration Trump estiment qu’il est vain de tabler sur la rationalité de l’imprévisible dictateur coréen, et que les Etats-Unis doivent être prêts à frapper préventivement, si leur territoire venait à être menacé. Dimanche, lors d’un entretien avec le premier ministre japonais, Donald Trump, s’est engagé, « à défendre notre patrie, nos territoires et nos alliés en utilisant la gamme complète des capacités diplomatiques, conventionnelles et nucléaires dont nous disposons. » La « gamme complète » : une manière de dire que toutes les options sont sur la table. Toutes…