Monaco-Matin

Dans le TGV Nice-Paris

- Par CLAUDE WEILL

- Dis donc, ils sont gonflés, les cheminots… - Pourquoi ça ? - Tu les as entendus pousser des cris d’orfraie parce que Macron veut en finir avec leur régime spécial ? - Et ça t’étonne ? - Non, mais enfin, ils attigent. D’abord, il l’avait annoncé pendant la campagne. Et en plus, c’est normal : il n’y a pas de raison que moi je parte à la retraite à  ans et eux à  ou à . - Et donc, ils devraient dire youpi, je vais bosser cinq ans de plus ? - Mais enfin, tout le monde doit faire un effort. Et puis le deal est honnête : en échange de la réforme du statut, Macron propose que l’Etat reprenne la dette de la SNCF.  milliards. Une paille ! Et tu as vu ce que répondent les syndicats : il n’y a pas de raison que les cheminots fassent les frais des décisions qui ont été prises au-dessus de leur tête. - Et toi, qu’est-ce que tu dirais, à leur place ? - Euh… - Tu réagirais comme eux, pardi. - Alors vive le corporatis­me et le chacun pour soi, quoi ! Le statut, c‘est le mien ; la dette, c’est la vôtre. Eh bien moi, je suis pas d’accord avec ça. - Mais si, tu es d’accord. Tous les Français sont plus ou moins d’accord. On est tous des cheminots… - Comment ça ? - Tu as vu le sondage qui vient de sortir. Les deux-tiers des Français trouvent que Macron a raison de vouloir réformer. Mais ils sont presque aussi nombreux à trouver que ses réformes ne vont pas dans le bon sens. - Oh ça, c’est un grand classique. Les Français sont pour les réformes, mais justement pas celles-là, pas celles qu’on leur propose. - Forcément ! Vu le niveau de la dette, la plupart des réformes, depuis quinze ou vingt ans, visent soit à augmenter les impôts – et le contribuab­le hurle -, soit à réduire les dépenses. Et là, ça gueule encore plus. Parce qu’avec % de dépenses publiques, tous les Français, tous, qu’ils soient fonctionna­ires, retraités, chômeurs, ou tout simplement assurés sociaux, sont des ayants-droits du système. Donc quand on réduit les dépenses, il y a forcément quelqu’un qui y perd. - Encore faudrait-il que ce soit juste. Là, tu as vu ce que c’est, les réformes dont les Français ne veulent pas, et moi le premier : baisse des APL, augmentati­on de la CSG, désossage de l’ISF. Difficile d’applaudir à ça. - Tu touches les APL, toi ? - Non, mais mon fils, oui. Bim !  euros de moins. -Tuesàl’ISF ? - Penses-tu. Moi, je l’aurais même augmenté. - Donc une bonne réforme, c’est celle qui consiste à faire payer les autres ? - Tu trouves normal qu’on fasse un cadeau de  milliards aux riches ? C’est eux qui vont le plus profiter des baisses d’impôts qu’on nous promet. - Logique, puisqu’ils sont les plus gros contribuab­les. % des Français paient % de l’impôt sur le revenu. Et % en paient %. Plus l’ISF. - Ca s’appelle la solidarité. Moi, comme retraité, je vais encaisser plein pot la hausse de la CSG, et comme je gagne « trop », je ne bénéficier­ai même pas de la suppressio­n de la taxe d’habitation. Perdant sur tous les tableaux. - (clin d’oeil) Oui, mais grâce à ta hausse de la CSG, tu auras la satisfacti­on de savoir que tu finances la baisse des charges qui va profiter aux actifs et permettre de créer des emplois pour les jeunes. Ca s’appelle la solidarité… - Eh bien moi, j’en ai ras-le-bol ! C’est pas ma faute si les jeunes ne trouvent pas de boulot et si la France bat des records de chômage. C’est le résultat de leur politique. Pourquoi je devrais en faire les frais ? - Tu vois, tu raisonnes comme les cheminots. Arrive le contrôleur. M. le contrôleur, qu’est-ce que vous en pensez, vous, de la réforme du statut des cheminots ? Je ne suis pas là pour parler de politique. Billets s’il vous plaît.

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