Monaco-Matin

Les Romains, Coco Chanel et le marchand d’huile

- L. B.

C’est, sur la colline de Crémat, une immense bâtisse claire et solaire qui a des airs de château de conte de fées. Depuis son donjon de pierres blanches, on imagine des princesses déroulant leurs chevelures dorées, échelles échevelées pour des chevaliers téméraires et épris. Ses cinq tours crénelées racontent des combats épiques, des festins rabelaisie­ns et des breuvages mijotés dans des chaudrons de sorcières. Balivernes? Pas tout à fait… Le château de Crémat est une folie, née des caprices d’Irène Bretz, une richissime et extravagan­te Américaine. Cette héritière du chemin de fer du Far West donne des touches rococo à l’édifice et dans ses jardins, des fêtes à la Gatsby le Magnifique.

L’origine de la bâtisse, qu’elle achète dans les années 1920, est cependant beaucoup plus lointaine.

Des souterrain­s romains

Le début de l’histoire du château remonte au temps où les Romains s’installère­nt sur la colline de Cemenelum (Cimiez). À cette époque, les légionnair­es, chargés de surveiller la via Julia Augusta, une voie stratégiqu­e, creusent, à l’emplacemen­t du château actuel, deux galeries souterrain­es de 50 mètres chacune, où ils entreposen­t amphores d’huile et de vin. Deux mille ans plus tard, en 1906, Antoine Mari, un prospère marchand d’huile d’olive niçois et botaniste passionné, redécouvre ces galeries. Presque intactes. Il les transforme en caves à vin, bâtit, au-dessus, une grande maison de style néo-toscan et, tout autour, plante des vignes.

Mademoisel­le

En 1923, un revers de fortune le contraint à vendre la propriété à la belle ET extravagan­te Irène Bretz. Reine de la démesure, elle embauche Dalmas, un architecte de renom qui a imaginé le Carlton à Cannes, pour des aménagemen­ts. Elle fait ajouter au corps de bâtiment des ailes et des lubies. Reine de la nuit, elle convie à ses soirées mondaines toute la belle société de la Riviera. Elle compte parmi ses invités une longue dame brune qui porte les cheveux courts: Coco Chanel. On raconte qu’au cours d’un dîner, Mademoisel­le remarqua l’emblème du château : deux C entrelacés, apposés sur les vitraux et le fronton du domaine. La modiste demanda alors à son amie Irène si elle pouvait les reproduire pour en faire son logo. Si la présence de Coco Chanel au château de Crémat est avérée – elle y séjourna plusieurs fois alors qu’elle travaillai­t à la création de ses parfums à Grasse, l’anecdote est, elle, de l’ordre de la légende. À la fin des années folles, Irene Bretz cède le château à Pierre Thome, un homme de la terre qui développe le vignoble et obtient l’AOC Bellet en 1941. Le domaine passe ensuite aux mains de la famille Bagnis puis d’un publicitai­re avant d’être racheté, en 2000, par Cornélis Kamerbeek, un homme d’affaires néerlandai­s.

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(Rep. tirée du livre « Bellet, le vignoble niçois » d’O. Bettati) Sur ce vitrail, l’emblème du château de Crémat qu’aurait reproduit Mlle Coco...
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