Le robot Pepper débarque au Lycée technique
Doté d’une caméra 3D, de deux caméras HD, quatre micros et une tablette, l’humanoïde est capable d’identifier les mouvements, voire les émotions. Un sujet d’études captivant et unique
Sa voix, son visage et ses yeux – aussi expressifs que déconcertants – sont familiers des habitués de la petite lucarne où il tient souvent le premier rôle dans des spots publicitaires de la marque automobile au losange. Fidèle à son uniforme blanc en polyuréthane, le robot humanoïde, Pepper, était hier la star de la rentrée au Lycée technique et hôtelier de Monaco. Un troublant personnage de 1,20 m et 28 kg. Maintenu hors tension par le corps enseignant, qui disposera prochainement de trois journées de formation pour l’apprivoiser, le nouveau joujou pédagogique des filières techniques a représenté un investissement de 22 000 euros pour l’établissement. « Dans le cadre de la réforme MELEC (Métiers de l’électricité et de ses enseignements connectés), nos autorités, et en particulier Madame le directeur de l’Éducation nationale, ont été enthousiastes quand on leur a demandé de choisir ce support pédagogique qu’est le robot Pepper. C’est un outil aux perspectives extrêmement vastes. Il très puissant et très attrayant pour nos élèves », s’est justifié le proviseur du LTHM, JeanMarc Deoriti-Castellini.
« On est dans la sciencefiction, ça y est »
Une cinquantaine d’élèves, de seconde à la Terminale, auront le privilège de parfaire leur apprentissage sur ce support inédit. Une révolution aussi pour deux professeurs, Pierre Borriglione et Jean-François Canonge. Ce dernier, enseignant depuis dix ans au LTHM, a déjà adopté Pepper et insiste sur « la chance » de ses classes de Seconde et Terminale. «On est dans la science-fiction, ça y est. Il va être là, avec nous, nous parler », peine encore à mesurer le professeur spécialisé dans le génie industriel. Il faut dire qu’en dix ans son boulot a été bouleversé par l’évolution de la robotique. Oubliées les filières techniques et leurs rangées d’établis aux élèves en blouse bleue. Aujourd’hui, connectique et informatique ont pris le pas. «Ilya trois ans on avait reçu la première imprimante 3D, ça avait déjà été une révolution », note Jean-François Canonge en dévisageant Pepper. Primé pour la création d’une maison énergétiquement autonome il y a deux ans, le Lycée technique et hôtelier s’était distingué avec son vélo à énergie renouvelable en bambou présenté au pavillon monégasque de l’exposition internationale d’Astana, en juin dernier. Avec Pepper, l’innovation sera moins perceptible. Plus abstraite. Déjà captivés par leur nouveau camarade de classe hier, les sept élèves de Première MELEC de Pierre Borriglione n’interviendront pas sur la structure même de Pepper et ne mesureront leurs progrès qu’aux réactions du robot. Pas d’autopsie en prévision mais un travail de programmation. De façonnage des réflexes, et émotions, de l’humanoïde ! Ou quand la réalité rattrape la fiction…
« Décrypter et mimer les émotions humaines »
Créé par SoftBank Robotics et idolâtré au Japon, Pepper est en effet apte à «décrypter et mimer les émotions humaines ». « J’ai été créé pour interagir avec les humains et améliorer leur quotidien », peut-on l’entendre dire sur des vidéos de présentation. «Vous me chatouillez», rétorque-t-il aussi à quelqu’un lui passant la main sur la tête. Autant de réactions dépendant de sa programmation. Mais pas de panique, le cauchemar du film I-Robot, où Will Smith en vient à combattre des robots ayant développé des émotions et une indépendance, n’aura pas lieu à Monaco. D’abord, parce qu’un bouton d’arrêt d’urgence a été déposé dans la nuque de Pepper. Ensuite, et surtout, parce que Pepper fera l’objet de travaux de programmation autres que sur l’aspect émotionnel. « C’est un générateur de fonctionnalités », précise Jean-François Canonge. Pepper est, par exemple, non filaire et devra être calibré par Wifi, constituant ainsi un autre sujet d’études au cours de l’année scolaire. L’étude de la connectique se poursuivra d’ailleurs dans une pièce spéciale, «qui va être équipée pour reproduire une habitation connectée», précise Jean-Marc Deoriti-Castellini. Proviseur qui entend bien inclure les autres sections de son bahut dans ces expériences. « Je souhaite aussi que ce support soit transversalisé dans l’établissement. Nous avons par exemple une section hôtelière et j’imagine que, dans quelques mois, vous serez accueilli au restaurant d’application par ce robot qui expliquera les menus proposés et, peut-être, dans toutes les langues étrangères», confie le proviseur, qui envisage d’acquérir «ultérieurement un autre robot plus axé sur les interventions intérieures – le démontage, le remplacement de pièces etc. – pour être plus sur l’aspect du conditionnement des systèmes automatisés ».