Amiante: la mise en examen des responsables nationaux annulée
Nouveau revers judiciaire pour les victimes de l’amiante : la cour d’appel de Paris a annulé hier, pour la deuxième fois, la mise en examen des responsables nationaux dans deux affaires emblématiques du scandale sanitaire, le campus parisien de Jussieu et les chantiers navals Normed de Dunkerque. Une décision qui suscite la polémique.
Nouvelles actions judiciaires
«Il s’agissait des deux seuls dossiers où sont encore instruites les responsabilités nationales (...), les autres ne concernent que les directeurs d’usine qui n’ont pas respecté la réglementation», ont relevé dans un communiqué trois associations de victimes de la fibre cancérogène, dénonçant «l’inexplicable parti pris de la justice pour les empoisonneurs». Ils ont annoncé un nouveau pourvoi en cassation contre cette décision. Industriels, scientifiques ou hauts fonctionnaires; neuf responsables publics avaient été mis en examen entre fin « Il est tout scandaleux que cette affaire se termine par la mise hors de cause de tous ceux qui étaient chargés du système de veille sanitaire », dénonce Michel Ledoux, avocat de plusieurs victimes.
2011 et début 2012 pour homicides et blessures involontaires. Tous avaient été impliqués entre 1982 et 1995 dans le Comité permanent amiante (CPA, dissous dans les années 90), accusé par les parties civiles d’être le lobby des industriels et le promoteur de« l’usage contrôlé » de la fibre cancérogène pour en retarder au maximum l’interdiction, intervenue en France en janvier 1997. Le rôle de
cette structure avait été épinglé dans un rapport sénatorial. Pour motiver l’abandon des poursuites, la cour d’appel a développé trois arguments, selon une source proche du dossier : ces responsables n’ont pas commis de fautes car, à l’époque, «l’usage contrôlé» de la fibre était admis dans l’ensemble des États européens. Ils ne pouvaient avoir une connaissance exacte des dangers de l’amiante, les avancées scientifiques étant en constante évolution. Enfin, ils ne disposaient pas d’un pouvoir décisionnaire.
«C’est scandaleux»
Pour Michel Ledoux, avocat de plusieurs centaines de victimes, plus de 20 ans après les premières plaintes «il est tout simplement scandaleux que cette affaire se termine par la mise hors de cause de tous ceux qui étaient chargés du système de veille sanitaire». Cette décision est donc un revers de taille pour les victimes : après plus de deux décennies d’investigations, la vingtaine de dossiers en cours au pôle santé de Paris risque d’aboutir à des nonlieux. «Les malades ont été dédommagés au civil, mais l’affaire de l’amiante ne peut être traitée par la justice comme une catastrophe naturelle : il y a clairement eu des fautes et des responsabilités pénales», a souligné François Desriaux, vice-président d’Andeva, l’association nationale de défense des victimes de l’amiante.