Papy et mamy les bons tuyaux vendaient du vent
Les retraités niçois comparaissaient hier en correctionnelle pour avoir escroqué une dizaine de victimes pour un montant de deux millions d’euros. Quinze mois avec sursis ont été requis
Rarement dans une salle d’audience de tribunal correctionnel voit-on un couple de 77 et 78 ans à la barre. Enfin, à la barre est un grand mot. En raison d’un problème de surdité, Philippe et sa compagne Michèle étaient plutôt collés au bureau de la présidente. Lui, carrure imposante, visage grave, gilet Lacoste gris sombre, mains croisées sur le ventre en une attitude professorale. Elle, petite, presque effacée, son chemisier blanc à grand col pelle à tarte tranchant sur le noir de sa tenue. Papy et mamy les bons tuyaux. Enfin surtout lui. Durant deux ans, entre 2003 et 2005, Monsieur a vendu des placements financiers à ses amis et aux amis de ses amis. Enfin des amis comme ça… Car ce n’était que du vent. Une dizaine de victimes ont été recensées pour un préjudice estimé par la partie civile à près de deux millions d’euros, selon Me David Rebibou, avocat d’un couple de victimes. Michèle et Philippe avaient
été interpellés à l’aéroport de Nice, l’une en partance, l’autre revenant du Maroc où ils passaient dix mois de l’année. Leurs victimes ? Que du beau monde: notaire, sociétés et même un analyste financier.
Tous bernés par les cigares, les rendez-vous au resto, le discours et la prestance quasi amicale de Philippe. Tout comme inspirait confiance son cursus de «spécialiste des marchés boursiers».
«Vous n’aviez pourtant qu’une expérience de négociant dans la vente de cacao, de café, de sucre», glisse Anne Vincent, la présidente du tribunal correctionnel de Nice. Philippe acquiesce. Sa défense? « Il n’était que la marionnette de ce dossier, une victime comme les autres», affirme son avocat, Me Bernard Sivan. Il rejette la faute sur son ancien associé. Une défense confortable. Ce dernier est en effet mort le 14 juillet 2005 dans d’étranges conditions. Un suicide de deux balles dans la tête… Pas banal, mais l’affaire a été classée sans suites.
La cavalerie du papy Madoff
S’égarant, se dandinant, perdant son allure de prof en master de placements boursiers, multipliant les approximations, Philippe a eu hier toutes les peines du monde à résister au feu roulant de questions de la présidente. Il n’avait alors plus rien du courtier magnifique de l’époque, avec rond de serviette dans un restaurant de Nice, que les victimes décrivent. Certaines, qui ont confié l’ensemble de leurs économies, ont tout perdu, hypnotisées par la promesse de mirifiques rendements. Mais le papy Madoff présumé, engagé dans un système de cavalerie, s’est vite trouvé incapable de rembourser qui que ce soit ou presque. «Il abusait de la confiance des gens», plaide Me Rebibou. Sa femme multipliait les retraits en espèces depuis son propre compte: jusqu’à 150000 euros en deux mois. Fait étrange, elle ne s’en souvient pas, ce qui a le don d’irriter la présidente. Philippe, lui, répète à l’envi que les ordinateurs, «c’est pas son truc». Il confiera même son ordi portable aux enquêteurs, bien propre, comme neuf. Malheureusement pour lui, les experts constateront qu’il avait tenté de tout effacer deux jours avant sa garde à vue. Ils réussiront à restaurer l’ensemble des fichiers qui devaient être cachés à la justice. Le procureur de la République, Anne Dagain, a requis quinze mois avec sursis pour les deux et 100000 euros chacun. Pour le procureur, Michèle a donc tout autant participé à l’infraction que son compagnon. L’affaire a été mise en délibéré.