Loi sécurité et terrorisme : des visions divergentes
L’Assemblée aborde la loi sur la sécurité, appelée à compenser la fin de l’état d’urgence. Un exercice d’équilibre délicat pour le gouvernement, attaqué par la droite et la gauche
L’Assemblée nationale débat cette semaine du projet de loi sur la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, dont le principal objectif est d’intégrer des mesures de l’état d’urgence, appelé à cesser le 1er novembre, dans la loi commune. Autant que les ordonnances Travail, ce texte suscitait déjà la controverse, avant même que la discussion ne s’engage hier soir. Gérard Collomb, le ministre de l’Intérieur, dit vouloir « mettre fin à l’état d’urgence, tout en continuant d’assurer la sécurité des Français, sans rogner leurs libertés individuelles ». La quadrature du cercle ? Le projet de loi s’appuie sur quatre mesures principales. 1) L’instauration de périmètres de protection lors de grandes manifestations, qui permettront la fouille des personnes par policiers ou gendarmes, ceux qui refuseront d’être fouillés étant reconduits à l’extérieur du périmètre. 2) La fermeture des lieux de culte qui inciteraient à des actes terroristes. 3) La surveillance des individus qui, dans le cadre de l’état d’urgence, étaient assignés à leur domicile et avaient l’obligation de se présenter au commissariat trois fois par jour. Leur périmètre d’assignation sera désormais celui de la commune et ils devront se présenter une fois par jour dans un commissariat ou une gendarmerie. 4) Les perquisitions administratives, enfin, seront encadrées à la fois par le procureur de la République de Paris, spécialisé dans le terrorisme, le procureur territorial compétent, ainsi qu’un juge de la liberté et de la détention. La droite voit là très clairement un pas en arrière, qui va réduire notre niveau de protection, au lieu de le renforcer. Du côté des Insoumis et de la gauche de la gauche, on hurle au loup en jugeant, au contraire, que la future loi va graver l’état d’urgence dans le marbre en instaurant une «loi des suspects» qui portera atteinte aux libertés, selon la formule de l’avocat et ancien président de la Ligue des droits de l’homme, Henri Leclerc. Le Défenseur des droits, Jacques Toubon, y voit lui «une pilule empoisonnée pour la cohésion nationale». Les débats, rallongés par plus de trois cents amendements déposés par les uns et les autres, s’annoncent en tout cas passionnés, sur un sujet hypersensible qui ne laisse aucun Français indifférent.
TH. P.