Pierre-Jean, à Biot : « Cette nuit-là, ma vie s’est arrêtée »
Quand il a reçu ce coup de fil, jeudi soir, Pierre-Jean Noël n’a pas réalisé tout de suite. L’adjointe au maire de Biot venait de lui apprendre qu’il figurait dans la liste des dix premiers bénéficiaires des fonds Barnier. La fin d’un parcours du combattant. Presque trop d’émotions pour le Biotois, troublé : « On m’a dit si souvent que ça allait s’arranger, je n’arrive pas y croire ...» Sa voix tremble. Son regard n’ose pas regarder l’intérieur de son ancien studio, situé le long de la route de la Mer. Stigmate d’une nuit d’horreur impossible à oublier. « Il était 20 heures, je m’apprêtais à sortir. Il pleuvait beaucoup. J’ai vu 30 centimètres d’eau, je suis sorti mettre quelques planches devant la maison et aider mes voisins. Mais en revenant à l’intérieur, la vague est arrivée. Impressionnant ! Il y avait plus d’1,20 m d’eau. J’ai juste eu le temps d’attraper mon chien et de retourner chez mes voisins, à l’étage. » Il marque une pause, prend sa respiration et poursuit : « On a vu un tas de voitures emportées par l’eau. Après, dans la nuit, je suis sorti dans le noir essayer d’aider les gens du camping juste à côté ». Ce n’est que le lendemain, aux premières lueurs du jour, qu’il réalise l’ampleur des dégâts. « Ma vie s’est arrêtée cette nuit-là. Tout est parti, tous mes souvenirs. C’était mon premier appartement. J’en étais fier, je voulais tellement habiter à Biot... » On lui propose de rencontrer une assistante sociale – « Le terme m’a fait peur, m’a choqué ». Lui souhaite ajouter un étage à son studio pour se mettre à l’abri. Mais on le lui refuse. Il lance alors la procédure du fonds Barnier. Entre-temps, sa situation personnelle se dégrade. « Ce n’était plus possible de vivre ici. Alors je ne l’ai pas remis en état. Impossible aussi de louer. Le week-end, j’allais chez mes parents, la semaine, je dormais un peu partout. Cela engendrait de la fatigue... J’ai perdu mon boulot et je suis retourné chez mes parents. Je n’en veux à personne ; si j’en suis là, c’est aussi de ma faute ». Agréablement surpris par le montant des fonds Barnier - « cela correspond parfaitement à la valeur de ma maison, je m’attendais à moins » - Pierre Jean accepte la procédure. Mais le temps passe et, justement, rien ne se passe. «On est tout le temps obligé d’aller à la recherche des informations, on ne nous tient pas au courant ». Deux ans après, il revient régulièrement dans son appartement chercher le courrier. Dans le lotissement, beaucoup sont partis. «Ce n’est plus la même ambiance... » Ce lundi, le jeune homme reprend le travail. Peut-être l’amorce d’une renaissance. « Je vis semaine après semaine, au mois le mois. Je ne me projette nulle part. Pour moi, tout s’est arrêté la nuit du 3 octobre ».