Monaco-Matin

Ils racontent leur combat pour relancer l’activité

A Antibes, les campings « toujours dans l’attente »

-

Comme un air de vacances. Une table de camping, un rayon de soleil qui perce entre deux arbres et une tasse fumante entre les mains… Un couple de vacanciers profite de sa dernière journée avant la fermeture annuelle du camping des Embruns, à Antibes. «On aurait pu continuer encore une dizaine de jours en octobre, mais on préfère terminer sur une bonne note », souffle le gérant Luc Doulliot, qui a appris par la force des choses que tout peut basculer très vite. Alors, à l’heure de fermer le portail et de dresser le bilan de cette nouvelle saison, il préfère sourire et insister sur l’essentiel. « Les chiffres, ce sont les chiffres. On se contente du bon et on reste positifs : les inondation­s, c’est le passé, on l’a vécu. On a vécu des choses extraordin­aires, mais on s’en serait passé… On retient les gens formidable­s venus nous aider. On retient le bon car on était voué à fermer, et finalement ils ont décidé que l’on pouvait ouvrir. » Malgré tout, les cicatrices sont toujours bien présentes. Après les deux vagues qui ont secoué le quartier, plus rien ne sera comme avant. « Dès qu’il pleut, on est tendu ! On regarde la météo heure par heure, on prévient les clients, on change les voitures de place. On se tient prêts… Oui, beaucoup de choses ont changé. »

«C’est la désolation, une terre à l’abandon »

Les Embruns, Le Logis de la Brague, Douce France et Les Treilles, situés plus loin, de l’autre côté de l’avenue Mozart, vers Marineland, sont restés ouverts. Les autres établissem­ents ont fait l’objet d’un arrêté préfectora­l d’interdicti­on au printemps 2016. La préfecture a classé la zone en rouge. Inconstruc­tible et sans la possibilit­é de reconstrui­re ce qui a été détruit.

Antipolis, Les Frênes et Le Séquoia sont fermés. Et il suffit de se balader sur l’avenue du Pylône, territoire des campings, pour comprendre: « C’est la désolation, une terre à l’abandon, poursuit le gérant des Embruns. On est passé de 10 000 à 3 000 personnes par jour en août. Ça donne une idée. »

« Il n’y a plus rien ici, c’est un quartier mort…», accueille Françoise Pauget, la propriétai­re du camping du Pylône, qui a vu son établissem­ent familial passer de 675 places à 111, et de quinze employés à deux seulement. Elle aussi ferme son camping pour l’hiver. «Il n’y aura plus de camping ouvert l’hiver

à Antibes, on se demande où vont aller les touristes... » À l’accueil, ces derniers s’empressent justement pour régler les derniers détails administra­tifs. Quand un petit garçon, haut comme trois pommes, s’approche avec son père. Les yeux de Françoise s’illuminent. « Ce petit, le soir des inondation­s, il était dans mon salon, il n’avait que six mois, il était glacé. Sa mère s’était réfugiée sur le toit d’un bungalow.

« On attend, on attend depuis deux ans… »

La voix de Françoise Pauget est calme, sereine, même si à l’intérieur d’elle, elle le reconnaît : elle est brisée. À l’inverse de sa mère, la “révolution­naire” Claire Cohen-Pauget tempête toujours, avec ce sentiment que les campings ont payé pour tout le monde, injustemen­t : « Je ne comprends toujours pas pourquoi l’État nous a traités différemme­nt : après les inondation­s du Var, les campings n’ont pas été visés. Alors que nous, si ! » Et cette dernière ne décolère pas : « Depuis deux ans, personne (municipali­té et préfecture) ne nous a aidés ! On nous a demandé beaucoup de choses, et en retour, rien… » Sa mère la coupe, calme le jeu. « Ils nous écoutent, nous reçoivent. Mais bon, on attend, on attend depuis deux ans que les autorités nous disent ce que l’on peut faire de nos terrains vierges [12 hectares, Ndlr]. On a été contactés par des gens qui ont des projets, mais on est obligés de les faire attendre… » La décision devrait être prise par les services de l’État à la fin de l’année. À partir de là, les propriétai­res pourront tenter de se reconstrui­re. D’avoir un avenir. Comme tout le quartier. Des riverains qui, encore aujourd’hui, se posent toujours la même question : pourquoi – et à cause de qui – ont-ils vu déferler sur eux, ce soir-là, deux vagues successive­s ? « Et ce n’est pas une question de pluie… », lâche l’un d’entre eux. Si les théories sont nombreuses, ils le savent, ils n’auront jamais la réponse. Nouvelle injustice.

 ?? (Photos Sébastien Botella) ?? Si, pour certains campings, l’histoire a repris, les cicatrices peinent à être pansées et le quartier de la Brague souffre et attend avec impatience qu’on lui redonne de la vie.
(Photos Sébastien Botella) Si, pour certains campings, l’histoire a repris, les cicatrices peinent à être pansées et le quartier de la Brague souffre et attend avec impatience qu’on lui redonne de la vie.
 ??  ?? Pour ceux qui n’ont pu reprendre leur activité, l’avenir des terrains est suspendu à la décision des services de l’Etat, à la fin de l’année.
Pour ceux qui n’ont pu reprendre leur activité, l’avenir des terrains est suspendu à la décision des services de l’Etat, à la fin de l’année.

Newspapers in French

Newspapers from Monaco