Monaco-Matin

A Cannes, la République « a changé d’histoire »

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Al’instar du boulevard, sa pâtisserie avait été dévastée. Après six mois d’arrêt, Loélia Pissot a relancé son affaire, non sans difficulté. Une leçon de ténacité et d’attachemen­t à son quartier.

« Ici, il y a deux ans, il n’y avait plus rien. Plus rien… » Attablée à une table devant sa pâtisserie, Loélia Pissot parcourt du regard le boulevard de la République. C’est ici, sur cet axe passant et populaire de Cannes, que la cité des festivals a été le plus durement frappée le 3 octobre 2015. La pâtisserie Pissot en est l’un des exemples les plus éloquents. Au n°75 de la République, le commerce a vu son laboratoir­e entièremen­t détruit. «Ce soir-là, je me disais : “Je ne rouvrirai jamais” », confie Loélia Pissot. A 31 ans, la jeune femme a vu ses dix années de jeune carrière emportées par les flots. Et le chocolat, éclipsé par la boue, au sous-sol de son commerce. Tout lâcher ? Se réimplante­r ailleurs ? «Ça m’est passé par la tête, sourit Loélia. Mais j’ai reçu le soutien de mes proches, des riverains, de la Ville. Et puis, je suis une enfant du quartier! Ici, on est loin du centre et du bling-bling. D’ailleurs, on dit souvent qu’on n’est pas à Cannes mais à République… »

Double coup dur

Les soeurs Pissot ne boudent pas pour autant le carré d’or cannois. Au 5 rue Hélène-Vagliano, Carlyne, sa soeur, y tient l’autre pâtisserie à leur nom. Celle-ci avait été épargnée par les inondation­s. Mais le laboratoir­e de la République étant hors service, les deux commerces ont subi six mois d’arrêt forcé. Six mois de paperasse, de devis et de doutes. Six mois couronnés par la réouvertur­e, au printemps 2016. Juste à temps pour Pâques. Un an et demi plus tard, la pâtisserie du centre-ville croque sa nouvelle vie avec appétit. « Là-bas, il y a la clientèle touristiqu­e. Ici, on a tous le même sentiment: une partie de la clientèle n’est pas revenue, soupire Loélia Pissot. Certains ont pris de nouvelles habitudes, de nouveaux itinéraire­s. On a du mal à les faire revenir. Certains ne savent même pas qu’on a rouvert… »

Couleurs retrouvées

Loélia Pissot évalue la baisse de fréquentat­ion à 20%. Consolatio­n : à la réouvertur­e, de nouveaux clients sont venus lui acheter un chocolat. Comme un acte de résistance, de résilience. Comme une première pierre à l’édifice de la reconstruc­tion. Donnée pour perdue il y a deux ans, l’élégante pâtisserie Loélia-Pissot a repris des couleurs. Vert pistache et marron, conformes à son code couleur historique – « il représente bien la pâtisserie» , estime l’intéressée. Chocolats, macarons, ballotins, viennoiser­ies,

‘‘ On a du mal à faire revenir certains clients ”

pâtes de fruit ont réinvesti les vitrines. Dans l’arrière-boutique, la délicieuse odeur du chocolat chaud qui remue envoûte le laboratoir­e. Celui-ci a été réaménagé au rez-de-chaussée, afin de limiter les dégâts en cas de nouveau sinistre. Hormis le four, seul rescapé de «la catastroph­e», Loélia Pissot a dû tout racheter. Elle évalue son préjudice entre 300000 à 350000 euros. Les assurances sont passées par là. Mais les séquelles financière­s se font toujours sentir.

« Dès qu’il pleut, on stresse »

Malgré tout, la jeune femme relativise. Elle cite le drame d’autres commerçant­s, plus haut sur le boulevard: «Eux ont perdu à la fois leur commerce et leur habitation… » Le long de la route, quelques locaux vides rappellent ce sinistre 3 octobre 2015. « Plusieurs commerces, dont l’Intermarch­é, n’ont pas rouvert. Du fait des inondation­s, certains rechignent à venir s’installer. » Personne n’a oublié. Surtout pas ici. « On est marqués. Dès qu’il pleut, on vit dans le stress que ça recommence. » Qu’à cela ne tienne. Volontaire, opiniâtre, Loélia Pissot veut regarder l’avenir avec optimisme. « Le quartier a été embelli. Les travaux l’ont rendu plus sympathiqu­e!» Mieux : dans l’adversité, la République a renforcé ses liens, accentué «son côté village». Pour Loélia, l’enfant du quartier, pas de doute : «Ilyaun avant et un après. On a changé d’histoire. »

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(Photo Patrice Lapoirie) La pâtisserie a retrouvé des couleurs. Mais elle peine à renouer avec sa vie d’avant.
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Scènes de chaos dans les rues de la cité des festivals. Depuis, le boulevard de la République a été rénové et embelli.

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