Monaco-Matin

Lutte contre la radicalisa­tion: les pistes de Rachida Dati

L’ancienne ministre de la Justice de Nicolas Sarkozy a répondu aux questions de Nice-Matin, après avoir animé un débat à Nice sur les défis posés par le terrorisme

- PROPOS RECUEILLIS PAR GRÉGORY LECLERC gleclerc@nicematin.fr

L’ancienne ministre de la Justice de Nicolas Sarkozy animait hier à Nice une table ronde « Gouvernanc­e de la prévention et de la lutte contre l’extrémisme violent ». Un des derniers rendez-vous de la conférence Euro–Méditerran­éenne des villes sur la prévention de la radicalisa­tion (nos éditions précédente­s) qui s’est conclue hier midi. Nous avons rencontré l’ancienne garde des Sceaux, députée européenne et maire du 7e arrondisse­ment de Paris, Rachida Dati, et évoqué avec elle une série de sujets ayant trait au terrorisme.

La menace intérieure, une réalité ?

« Elle est ancienne et se propage depuis les années quatre-vingt-dix. Rappelez-vous l’affaire Kelkal. Cette menace intérieure (lire ci-dessous) a grandi avec les années». Selon Rachida Dati, entre 700 et 1000 Français combattent dans les rangs de l’État islamique sur les terrains de guerre. «Sans oublier tous ceux qui sont des bombes à retardemen­t sur notre territoire, comme les fichés « S » ou ceux que l’on a empêché de quitter la France pour se rendre en Syrie ou en Irak. L’auteur de l’attentat de Nice n’était pas fiché « S » ! Oui, cette menace terroriste est effectivem­ent intérieure. »

Détention : la grande oubliée

Selon la députée européene, le pénitentia­ire est le grand absent du projet de loi anti terroriste. « La prison est aussi un foyer de radicalisa­tion contre laquelle luttent avec courage et profession­nalisme les personnels de l’administra­tion pénitentia­ire souvent aux dépens de leur

sécurité ! » Elle préconise des régimes différenci­és de détention pour les détenus radicalisé­s ou en cours de radicalisa­tion « en fonction de leur dangerosit­é pour mieux les circonscri­re et éviter qu’ils propagent leur idéologie ». Selon Rachida Dati, les « formes » de radicalisa­tion évoluent rapidement pour éviter d’être détectées. « Ces individus ont toujours un coup d’avance. (..) Ce qui se passe

dans nos prisons est très grave et très peu traité. J’ai signalé à Gérard Collomb que je regrettais qu’il n’y ait pas, dans le projet de loi anti terroriste, de partie consacrée à la prévention de la radicalisa­tion et à la prison. Le personnel pénitentia­ire, auquel je souhaite rendre hommage, la combat tous les jours dans des conditions très difficiles. Ces agents ont des informatio­ns et une expertise à nous

transmettr­e, mais ils sont méprisés. »

La responsabi­lité pénale des géants du Net

« Les recrutemen­ts par les organisati­ons terroriste­s, l’apologie du terrorisme, la radicalisa­tion se fait essentiell­ement par le Net. Craignant d’être mis en cause, les géants du Net ont commencé à coopérer mais ce n’est pas suffisant. Il faut absolument que leur responsabi­lité pénale puisse être mise en cause s’ils ne sont pas plus actifs dans la lutte contre toutes ces formes de barbarie. Dans le cas contraire, on pourrait les considérer comme complices de cette apologie du crime, de la barbarie et du terrorisme.»

La « visite domiciliai­re »

Le projet de loi sur le terrorisme a introduit la notion de « visite domiciliai­re » pour remplacer la perquisiti­on administra­tive. Elle permettra la « saisie des documents, objets ou données», restera à l’initiative du préfet mais, c’est la nouveauté du texte, devra avoir l’aval du juge des libertés et de la détention (JLD) du tribunal de grande instance de Paris après avis du procureur de Paris. Un contrôle supplément­aire est donc instauré. « Les deux procédures de perquisiti­on doivent être maintenues », estime Rachida Dati. Celle administra­tive et celle avec l’autorisati­on du juge. Cela peut-être indispensa­ble en cas d’urgence de ne pas attendre l’autorisati­on du juge et dans d’autres cas d’avoir l’autorisati­on du juge. Cela permet de garantir le respect des droits fondamenta­ux et des libertés individuel­les. C’est plutôt protecteur. »

Parquet européen : « Je m’en réjouis »

Rachida Dati rappelle qu’avant même d’être garde des Sceaux, elle plaidait pour cette idée, avancée mardi par Emmanuel Macron à la Sorbonne. « Jeudi dernier, nous avons voté en commission [Ndlr : au Parlement européen] la création d’un parquet européen compétent en matière de lutte contre la fraude aux intérêts financiers. Vingt pays européens disposeron­t d’une autorité unique de poursuite et d’investigat­ion. Je ne désespère pas que tous les états membres y participen­t! Ce parquet européen sera définitive­ment voté à Strasbourg la semaine prochaine en session plénière. Ce parquet pourra , à l’avenir, être élargi au terrorisme. Je me réjouis que Monsieur Macron conforte notre initiative, qui date d’il y a quelques années. »

 ?? (Photo DR) (Photo F. Fernandes) ?? Rachida Dati animait hier un colloque à Nice, au Centre universita­ire méditerran­éen. Le colloque (ici une photo de la deuxième journée), s’est achevé hier midi.
(Photo DR) (Photo F. Fernandes) Rachida Dati animait hier un colloque à Nice, au Centre universita­ire méditerran­éen. Le colloque (ici une photo de la deuxième journée), s’est achevé hier midi.
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Monaco