Lutte contre la radicalisation: les pistes de Rachida Dati
L’ancienne ministre de la Justice de Nicolas Sarkozy a répondu aux questions de Nice-Matin, après avoir animé un débat à Nice sur les défis posés par le terrorisme
L’ancienne ministre de la Justice de Nicolas Sarkozy animait hier à Nice une table ronde « Gouvernance de la prévention et de la lutte contre l’extrémisme violent ». Un des derniers rendez-vous de la conférence Euro–Méditerranéenne des villes sur la prévention de la radicalisation (nos éditions précédentes) qui s’est conclue hier midi. Nous avons rencontré l’ancienne garde des Sceaux, députée européenne et maire du 7e arrondissement de Paris, Rachida Dati, et évoqué avec elle une série de sujets ayant trait au terrorisme.
La menace intérieure, une réalité ?
« Elle est ancienne et se propage depuis les années quatre-vingt-dix. Rappelez-vous l’affaire Kelkal. Cette menace intérieure (lire ci-dessous) a grandi avec les années». Selon Rachida Dati, entre 700 et 1000 Français combattent dans les rangs de l’État islamique sur les terrains de guerre. «Sans oublier tous ceux qui sont des bombes à retardement sur notre territoire, comme les fichés « S » ou ceux que l’on a empêché de quitter la France pour se rendre en Syrie ou en Irak. L’auteur de l’attentat de Nice n’était pas fiché « S » ! Oui, cette menace terroriste est effectivement intérieure. »
Détention : la grande oubliée
Selon la députée européene, le pénitentiaire est le grand absent du projet de loi anti terroriste. « La prison est aussi un foyer de radicalisation contre laquelle luttent avec courage et professionnalisme les personnels de l’administration pénitentiaire souvent aux dépens de leur
sécurité ! » Elle préconise des régimes différenciés de détention pour les détenus radicalisés ou en cours de radicalisation « en fonction de leur dangerosité pour mieux les circonscrire et éviter qu’ils propagent leur idéologie ». Selon Rachida Dati, les « formes » de radicalisation évoluent rapidement pour éviter d’être détectées. « Ces individus ont toujours un coup d’avance. (..) Ce qui se passe
dans nos prisons est très grave et très peu traité. J’ai signalé à Gérard Collomb que je regrettais qu’il n’y ait pas, dans le projet de loi anti terroriste, de partie consacrée à la prévention de la radicalisation et à la prison. Le personnel pénitentiaire, auquel je souhaite rendre hommage, la combat tous les jours dans des conditions très difficiles. Ces agents ont des informations et une expertise à nous
transmettre, mais ils sont méprisés. »
La responsabilité pénale des géants du Net
« Les recrutements par les organisations terroristes, l’apologie du terrorisme, la radicalisation se fait essentiellement par le Net. Craignant d’être mis en cause, les géants du Net ont commencé à coopérer mais ce n’est pas suffisant. Il faut absolument que leur responsabilité pénale puisse être mise en cause s’ils ne sont pas plus actifs dans la lutte contre toutes ces formes de barbarie. Dans le cas contraire, on pourrait les considérer comme complices de cette apologie du crime, de la barbarie et du terrorisme.»
La « visite domiciliaire »
Le projet de loi sur le terrorisme a introduit la notion de « visite domiciliaire » pour remplacer la perquisition administrative. Elle permettra la « saisie des documents, objets ou données», restera à l’initiative du préfet mais, c’est la nouveauté du texte, devra avoir l’aval du juge des libertés et de la détention (JLD) du tribunal de grande instance de Paris après avis du procureur de Paris. Un contrôle supplémentaire est donc instauré. « Les deux procédures de perquisition doivent être maintenues », estime Rachida Dati. Celle administrative et celle avec l’autorisation du juge. Cela peut-être indispensable en cas d’urgence de ne pas attendre l’autorisation du juge et dans d’autres cas d’avoir l’autorisation du juge. Cela permet de garantir le respect des droits fondamentaux et des libertés individuelles. C’est plutôt protecteur. »
Parquet européen : « Je m’en réjouis »
Rachida Dati rappelle qu’avant même d’être garde des Sceaux, elle plaidait pour cette idée, avancée mardi par Emmanuel Macron à la Sorbonne. « Jeudi dernier, nous avons voté en commission [Ndlr : au Parlement européen] la création d’un parquet européen compétent en matière de lutte contre la fraude aux intérêts financiers. Vingt pays européens disposeront d’une autorité unique de poursuite et d’investigation. Je ne désespère pas que tous les états membres y participent! Ce parquet européen sera définitivement voté à Strasbourg la semaine prochaine en session plénière. Ce parquet pourra , à l’avenir, être élargi au terrorisme. Je me réjouis que Monsieur Macron conforte notre initiative, qui date d’il y a quelques années. »