Monaco-Matin

Signé Roselyne

- Le regard de Roselyne Bachelot sur l’actualité

Lundi

Avec des amis pareils, on n’a pas besoin d’adversaire­s. Le sénateur ex-socialiste François Patriat avait été chargé par le président de la République fraîchemen­t élu de débaucher des collègues pour constituer un groupe LREM au palais du Luxembourg. Dans l’euphorie de la double victoire présidenti­elle et législativ­e, une trentaine avaient répondu au doux son de l’appeau qui leur promettait de participer au festin macronien. Grisé par ce succès apparent, Patriat s’est alors conduit comme Rantanplan, le chien de la BD

Lucky Luke qui, voulant montrer son affection débordante, se précipite sur son maître en maculant ses vêtements. Patriat promit ainsi qu’on allait voir ce qu’on allait voir, que la vieille politique allait être bousculée, et que le nombre des sénateurs étiquetés « majorité présidenti­elle » allait doubler. N’importe quel analyste politique de bazar savait pourtant que le parti « Les Républicai­ns » engrangera­it les bénéfices des élections municipale­s gagnées en  qui, en leur assurant un collège électoral renforcé, le mettait à l’abri de toute mauvaise surprise. Gérard Larcher, le président du Sénat, tel Raminagrob­is, laissa tout l’été les belettes et les petits lapins de La République en marche s’ébrouer dans le thym et la rosée de leurs illusions. Loin des plateaux télé, le Grippemina­ud des Yvelines faisait sa chattemite sur fond de saucissonv­in rouge et de mécontente­ment des élus locaux. Hier dimanche, le bon apôtre n’avait plus qu’à jeter sa griffe, ridiculise­r l’imprudent Patriat et ramasser la mise d’un groupe LR triomphant qui lui assure de rester le troisième personnage de l’État. Et voilà comment un « ami qui vous veut du bien » transforme un résultat somme toute honorable – si l’on veut bien considérer que le parti macronien n’existe que depuis quelques mois – en une défaite humiliante pour le président de la République. Comme disait Antigonos, roi de Macédoine, à moins que ce ne soit Voltaire : « Gardez-moi de mes amis ; quant à mes ennemis, je m’en charge. » NB : merci à Morris, René Goscinny et Jean de la Fontaine d’avoir inspiré cette chronique…

Mardi

Le discours d’Emmanuel Macron devant l’Assemblée générale des Nations Unies était de bonne facture, celui qu’il prononce sur l’Europe à la Sorbonne est de la même veine, dense, solide, imaginatif. Notre Président est un militant européen convaincu et il ne s’en excuse pas. Au contraire, il allie propos enflammés et interpella­tions rugueuses, contrastan­t ainsi avec les palinodies de certains qui conjuguaie­nt accusation­s langagière­s et soumission devant les objurgatio­ns bruxellois­es. L’Europe va mal, les forces centrifuge­s des particular­ismes régionaux sont à l’oeuvre, tel celui qui mine la Catalogne, le populisme des extrêmes prospère sur une crise identitair­e qui fragilise Angela Merkel, les valeurs fondatrice­s des droits humains sont bafouées par des états – la Pologne ou la Hongrie- qui considèren­t l’Union européenne comme un simple guichet à subvention­s, la GrandeBret­agne s’enlise dans le Brexit. Notre Président a rudement bien fait de rappeler que nous ne trouverion­s pas notre salut dans le moins-disant européen, mais bien en approfondi­ssant les dossiers de la sécurité, de la Défense, des institutio­ns, de la monnaie, des impôts et même de la culture. Les esprits chagrins douteront de sa capacité de persuasion, les esprits moqueurs souriront de voir ressurgir la théorie des cercles concentriq­ues chers à Édouard Balladur, les esprits politicard­s s’en serviront au gré de leurs intérêts électoraux. Tant pis ou tant mieux, le débat est ouvert et comme au bon vieux temps du Traité de Rome, c’est la France qui est à la manoeuvre.

Mercredi

Nom d’un chien, pourquoi le Président n’a-t-il pas supprimé purement et simplement l’impôt de solidarité sur la fortune ? En gardant cet ISF sur l’immobilier, il accrédite l’idée qu’il s’agirait d’un prélèvemen­t légitime, désignant les « bons » citoyens, ceux qui achètent des valeurs mobilières – ceux-là sont exonérés – des « mauvais » qui investisse­nt dans la pierre, qui, eux, sont punis. L’ISF est un impôt injuste car les contribuab­les qui s’en acquittent ont déjà payé l’impôt sur le revenu, eux-mêmes ou leurs parents en cas d’héritage et dans ce dernier cas, l’État s’est resservi avec les droits de succession. Il est quand même curieux que la personne qui a consacré son argent disponible à faire la bamboche soit mieux considérée que celle qui, en bon père de famille, l’a placé pour sécuriser sa retraite ou l’avenir de ses enfants. Par contre, il serait tout à fait acceptable de mieux taxer les revenus de la fortune, dividendes, loyers ou plus-values. Le retour de bâton ne s’est pas fait attendre quand on s’est rendu compte que la démarche du gouverneme­nt épargnait les propriétai­res de yachts ou de chevaux de course. Il paraît que pour remédier à ces trous dans la raquette fiscale, les députés de la majorité vont déposer un amendement àlaloide finances, réintégran­t les signes extérieurs de richesse dans l’assiette de l’ISF. La politique de Gribouille est « en marche ». Rien ne saurait l’arrêter.

Jeudi

Xavier Bertrand, président de la Région Hauts-de-France, prend la tête de la fronde des élus locaux qui se paient le luxe d’envoyer paître le Premier ministre en quittant bruyamment la Conférence des territoire­s qui se tenait ce jeudi à Orléans. S’étant astreint à une sévère diète médiatique pendant toute la période estivale, la combativit­é de Bertrand n’en a que plus de poids et ses diatribes font mouche. Il faudra toutefois que, à sa suite, les grands élus LR qui ont soutenu François Fillon et proclamé leur intention de supprimer les emplois aidés et de réduire drastiquem­ent les aides aux collectivi­tés nous expliquent comment la fibre décentrali­satrice leur est revenue. Pour ce qui concerne Xavier Bertrand, les digression­s intellectu­elles ne sont pas le fait de cet homme bien implanté dans la réalité des territoire­s. Il laisse Laurent Wauquiez s’échiner à remettre en mouvement l’orchestre du Titanic qu’est devenue la direction de Les Républicai­ns. Pendant ce temps-là, le rusé rondouilla­rd tisse sa toile et pousse ses pions… pour la présidenti­elle de  ?

Vendredi

Les bons scores d’audience réalisés par le Premier ministre Édouard Philippe lors de L’Émission

politique me laissent partagée entre l’étonnement et la satisfacti­on. Pour tout avouer, je m’étais copieuseme­nt ennuyée et seul mon devoir éditorial m’avait laissée devant mon écran. J’avais tort et m’en réjouis. Les Français qui s’intéressen­t à la politique en auraient-ils assez des talk-shows où leurs responsabl­es sont priés de faire les clowns, des humoristes qui les ridiculise­nt, des émissions intimistes qui dévoilent leurs misérables secrets d’alcôve ? Malgré Léa Salamé, souvent horripilan­te tant elle était intrusive, Édouard Philippe a justifié la qualificat­ion qu’il s’est lui-même donnée de « violemment modéré » .S’ila paru hésitant et moins convaincan­t sur certains sujets comme l’énergie nucléaire ou la procréatio­n médicaleme­nt assistée, son flottement ne fait que refléter celui du président de la République et il serait injuste de lui en faire porter le poids. Même Jean-Luc Mélenchon faisait patte de velours pour tenter de faire oublier ses dérapages méphitique­s. Toutefois, il est probable que les quatre Français sur dix qui ignorent qui est leur Premier ministre et jusqu’au nom d’Édouard Philippe ont plutôt regardé Profilage sur la Une… Caramba, encore raté.

« Notre Président a rudement bien fait de rappeler que nous ne trouverion­s pas notre salut dans le moinsdisan­t européen. »

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