Monaco-Matin

Après Irma, les sinistrés face à l’écueil administra­tif

- SONIA BONNIN sbonnin@varmatin.com

D’abord, il y a tout ce qui a bien fonctionné. Le rapatrieme­nt en avion depuis Saint-Martin, le train de Paris à Toulon. L’inscriptio­n à l’école, pour les enfants qui ont pu rapidement aller en classe. Revenus dans leur départemen­t d’origine, Émilie, Nicolas et leurs garçons, de 4 et 6 ans, tentent de reprendre leurs marques. Mais, partis avec un sac sur le dos, ils ont besoin d’aide. Celle promise au plus haut sommet de l’État. « Tout le long de notre rapatrieme­nt, on nous a dit que nous serions aidés, se remémore Émilie. Mais nous, rapatriés, n’avons aucune prise en charge .»Le couple a tapé à plusieurs portes, pour l’instant en vain.

Chèque de  €

Une assistante sociale les a reçus, mais en prévenant bien qu’elle n’avait connaissan­ce d’aucune directive de l’État. Une semaine plus tard, c’est une aide financière à titre exceptionn­el que la famille a reçue. Un chèque agrafé à un courrier du conseil départemen­tal. Son montant : 100 euros. La seule aide à ce jour. Émilie est désemparée. « On est quatre. Il va falloir habiller les enfants pour l’hiver. Il va falloir tout racheter. La famille à Solliès-Pont, chez qui nous sommes, ne peut pas nous héberger indéfinime­nt. » Pour l’instant, ils ont tout perdu.

Y retourner… pour travailler

Manque de chance, Émilie était sur le point de signer un CDI quand Irma a tout dévasté. Elle n’a qu’un CDD de cinq mois, dans un salon d’esthétique, pour prétendre à quelque droit chômage. À Pôle emploi, on lui promet d’étudier le dossier, même si certains documents manquent. « Cela passera en commission. Mais cela sera plus long que pour une procédure normale. » Face à cette situation, Nicolas est sur le point de prendre le départ. « J’y retourne, car je vais plus facilement trouver à travailler là-bas, qu’ici.» Déblayer, reconstrui­re, avec l’idée « d’envoyer de l’argent » au plus vite en métropole. Il faut tenir. Émilie reste. « Le plus grand [des enfants] rentre au CP. C’est trop important. Et puis les enfants n’ont pas à vivre là-dedans. » Là-dedans, c’est le chaos laissé derrière eux. Leur appartemen­t au toit béant. Leur rue, où, fin septembre, il n’y avait encore ni eau courante, ni électricit­é. Loin de la normalité, c’est aussi la nouvelle vie de Nadège. Elle avait quitté Saint-Martin quinze jours avant le passage d’Irma… pour une heureuse nouvelle. Elle venait en métropole annoncer à sa famille qu’elle est enceinte. C’est à distance qu’elle et son compagnon ont vécu l’ouragan. Sidérés. « Plus de maison, plus de boulot, tout s’est envolé », confie sa mère qui l’héberge à Six-Fours. «Je dors sur le canapé chez ma mère. Mon ami sur le canapé chez la sienne » témoigne Nadège, qui est aujourd’hui dans la paperasse jusqu’au cou.

Dossier fatalement incomplet

« Jeudi soir, j’ai enfin pu parler à mon patron, qui va me faire parvenir ma rupture de contrat », explique-t-elle. Le problème ? Sans ce document, cette salariée en CDI dans un bar de Grand Case ne pouvait prétendre à toucher le chômage. Un soulagemen­t. Car Pôle emploi de Guadeloupe lui avait sinon conseillé de saisir les prud’hommes (sic). Il faut dire qu’avec sa grossesse, Nadège a beaucoup de choses à penser. Trouver un toit, mais « les propriétai­res privés nous ont presque pris pour des clochards, quand on leur a dit qu’on étaient des sinistrés de Saint-Martin », rage-t-elle. Un T2 de 43 m² leur est passé sous le nez, malgré les personnes qui se portaient caution et une embauche pour son compagnon, en janvier. Il faut aussi se déclarer auprès de la Caf, pour le bébé. Avec un dossier fatalement incomplet. « Je n’ai pas du tout le sentiment que je suis prise en compte en tant que sinistrée. La plupart du temps, on nous dit qu’il n’y a pas de directive », dénonce-t-elle. Une amie à elle, logée à Montpellie­r, est en colère. «On rentre dans une nouvelle galère : paperasse, logement habits, s’indigne Lucie. Alors comment on fait pour recommence­r nos vies à zéro si personne ne nous aide un petit peu ? »

Comment tout recommence­r, si personne ne nous aide ? ”

Le groupe Nice-Matin est associé à la campagne de dons pour les sinistrés d’Irma. Chèques à l’ordre de la Croix-Rouge à : Nicematin/Var-matin, Urgence Caraïbes, 64 boulevard Clemenceau, 83 000 Toulon. Ou le site Internet de la Croix-Rouge.

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(DR) Le jour du départ de Saint-Martin, pour Émilie, Nicolas et leurs deux enfants. Un sac sur chaque dos.

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