Djihad a changé de visage Un terroriste hybride:
« C’est une obligation [...] en tant que musulman ». Ce 21 mars 2012, alors qu’il ne lui reste que quelques heures à vivre, Mohammed Merah est en ligne avec le négociateur du Raid. Il justifie ses crimes au nom d’une vision dévoyée de l’islam : « Mon but, c’est de faire mon devoir, et aussi de vivifier la communauté musulmane afin qu’ils se réveillent et qu’eux, à leur tour, ils attaquent afin que la France ne connaisse aucune tranquillité. » A cet instant, le petit délinquant toulousain du quartier des Izards n’entre dans aucune case des services de renseignement. Il préfigure ce «profil du nouveau djihadiste», comme le présente le dossier d’instruction, prêt à tuer parce qu’il se considère «élu d’Allah ». Converti en 2008, il illustre ces liens troubles entre radicalisation et prison, où «sa foi s’était décuplée». Ce processus d’« auto-radicalisation » reviendra dans nombre de dossiers terroristes par la suite.
« Au culot » chez les talibans
Alors que Mohammed Merah se complaît à visionner chez lui des vidéos d’assassinats de soldats américains, sa foi se mue peu à peu en soif meurtrière. Une riposte, justifiera-t-il, au conflit isréalo-palestinien et à l’intervention armée de la France en Afghanistan. C’est là qu’il tente, une première fois, d’entrer en contact avec les talibans. Sans succès. Il y parvient finalement en 2011, mais au Pakistan, «au culot». Mohammed Merah s’y aguerrit au maniement des armes. Entretemps, il a bourlingué entre Palestine, Turquie, Liban ou encore Israël. Et déjà, il fomente un passage à l’acte en France. Y a-t-il été incité par les mentors djihadistes côtoyés lors de ses voyages? C’est ce que revendiquera, dès le jour de sa mort, le groupe Jund al-Khilafa (homonyme de celui qui kidnappera Hervé Gourdel en 2014). Son chef Moez Garsallaoui, qui se présente comme un émissaire d’al-Qaïda, assure qu’« un accord avait été passé avec lui dès le début pour qu’il commette une opération martyre ». Mais cette « entente » tacite reste sujet à caution.
Moyens locaux et low-cost
Seule certitude : Mohammed Merah a bien préparé ses crimes au contact des filières afghano-pakistanaises. Et pourtant. C’est seul, bien loin de la logistique du terrorisme « à l’ancienne » type GIA, que Merah va passer à l’acte. Un terrorisme réalisé à l’aide de moyens locaux et low-cost, en usant des contacts noués dans la délinquance locale. Comme le fera par la suite son émule Jérémie Louis-Sidney à la tête de la cellule Cannes-Torcy, ou même Mohamed LahouaiejBouhlel, le tueur au camion de Nice. Un profil terroriste hybride, donc. «Un personnage ambivalent, donnant des signes forts de religiosité et adoptant régulièrement, de manière paradoxale, le comportement d’un petit délinquant de cité », écrivent les services de renseignement dans une note de 2011. Un individu insaisissable, soucieux de « brouiller les pistes ». A tel point qu’il sera, un temps, envisagé de le recruter comme indic.