Monaco-Matin

Le souverain sort du silence

Dans un entretien exclusif, le souverain réaffirme sa confiance dans les institutio­ns, rejette le terme de «MonacoGate» et promet «qu’aucun manquement ne sera toléré» dans l’affaire Rybolovlev

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Sa parole était attendue et le prince Albert II a choisi ce lundi 2 octobre, jour de rentrée solennelle des Cours et Tribunaux monégasque­s, pour s’exprimer sur une affaire Rybolovlev qu’il juge « complexe ». Après avoir souhaité une année judiciaire « plus apaisée et sereine » aux magistrats, le souverain a pris le temps, de retour au Palais, de rappeler sa « totale confiance » dans les institutio­ns monégasque­s et d’assurer qu’il suivrait de près l’évolution d’une affaire qu’il refuse fermement d’assimiler à un « MonacoGate ».

Ces dernières semaines ont été émaillées par de nombreuses révélation­s dans l’affaire Rybolovlev, avec un écho internatio­nal et des amalgames. Les errements ou les fautes de certains portant le discrédit sur deux institutio­ns, la justice et la police. Quel message voudriezvo­us adresser à ces deux institutio­ns ? Tout d’abord, je suis heureux que vous employiez le terme d’affaire « Rybolovlev » parce que le terme « MonacoGate » est très largement exagéré. Ensuite, j’affirme mon attachemen­t sans faille à l’État de droit dont l’institutio­n judiciaire est l’un des piliers pour tout Etat de droit et c’est aussi vrai à Monaco. Notre institutio­n judiciaire est aujourd’hui mise en cause dans le cadre de cette affaire complexe et il est de mon devoir de défendre cette institutio­n face à tous ceux qui la fragilisen­t. Que ce soit par leurs accusation­s infondées, par leurs actes, leurs fautes ou leurs manquement­s. C’est justement parce qu’il m’incombe de défendre cette institutio­n, en lui permettant de fonctionne­r dans la sérénité, que j’ai accepté la demande de départ en retraite anticipée de M. Narmino. Je peux vous réitérer, ici, que j’ai toute confiance dans la justice et la police.

L’affaire, et le terme de « MonacoGate », jettent l’opprobre sur l’image même de la Principaut­é. Êtes-vous meurtri par cet impact ? C’est exagéré pour faire des titres un peu plus accrocheur­s et je pense que c’est inappropri­é, parce que c’est une affaire qui concerne la justice monégasque

et son plus haut fonctionna­ire mais le devenir de l’Etat de la principaut­é n’est pas en péril. Depuis le « WaterGate », dès qu’il y a une affaire qui touche un État et qui est un peu spectacula­ire, on y accole le terme « Gate ». C’est un peu trop facile.

L’affaire a pris une autre ampleur avec les perquisiti­ons menées chez Tetiana Bersheda et Philippe Narmino ou encore la garde à vue de ce dernier. Êtes-vous satisfait de la célérité de l’action de la justice et son indépendan­ce ? Je ne peux bien évidemment pas commenter les différente­s procédures en cours mais je constate, comme tout le monde, que la justice monégasque fonctionne en toute indépendan­ce. En attestent les mesures ordonnées, sans aucune ingérence extérieure, au titre de cette procédure. Il est par ailleurs essentiel à mes yeux que les instructio­ns en cours puissent aller à leur terme, de manière indépendan­te et impartiale, afin de faire toute la vérité sur cette affaire. Il ne faut

pas avoir peur de la vérité, dans le respect des institutio­ns et des principes fondamenta­ux qui régissent la Principaut­é. Si ces investigat­ions venaient à mettre en lumière des comporteme­nts individuel­s défaillant­s, je peux vous assurer qu’aucun manquement ne sera toléré.

« Il ne faut pas avoir peur de la vérité ». Faut-il également saluer le courage des juges d’instructio­n ? Bien sûr, je pense qu’il faut beaucoup de courage pour mettre en lumière les manquement­s qu’il y a eus et oser mettre en garde à vue, ou questionne­r, l’équivalent du ministre de la Justice. C’est la preuve que notre justice fonctionne en toute impartiali­té et indépendan­ce.

Vous avez maintenu votre confiance à l’égard de l’ancien directeur des Services Judiciaire­s, Philippe Narmino, en renouvelan­t son statut de vice-président de la Croixrouge monégasque. La présomptio­n d’innocence s’applique à son égard, comme

pour les autres. Pour autant, les derniers éléments révélés, à charge, ont-ils changé votre avis ? Ce renouvelle­ment au conseil d’administra­tion de la Croixrouge devait avoir lieu. C’est toujours en septembre, tous les trois ans, qu’il convient de renouveler le conseil d’administra­tion de la Croixrouge. La présomptio­n d’innocence est toujours en cours mais si d’autres faits surgissent dans les semaines ou mois à venir, j’en prendrai acte et je prendrai les mesures qui s’imposeront.

La rentrée solennelle des Cours et Tribunaux monégasque­s (lire page suivante) s’est déroulée dans un contexte « sensible », ce matin. La nouvelle Garde des Sceaux française, Nicole Belloubet, a dernièreme­nt évoqué la possibilit­é de revoir le processus de nomination des magistrats français à Monaco Des ajustement­s sont-ils nécessaire­s au regard de cette

affaire Rybolovlev ?

Je ne pense pas que la procédure de détachemen­t des magistrats français à Monaco ait à être reconsidér­ée du fait de l’affaire que nous évoquons et ce, d’autant plus, qu’il n’y a pas de lien entre ces deux situations. Je comprends toutefois qu’en fonction des présentati­ons, souvent incomplète­s ou même erronées, qui ont pu en être faites, cette affaire ait pu surprendre des observateu­rs étrangers, notamment dans le pays voisin et ami. Il appartiend­ra au nouveau directeur des Services judiciaire­s, M. Anselmi, de faire valoir auprès de ses interlocut­eurs, et en particulie­r en France, la réalité des choses. A savoir, l’indépendan­ce de la justice monégasque démontrée dans cette affaire. Et, plus généraleme­nt, la qualité du service rendu aux justiciabl­es. C’est la feuille de route que j’ai donnée au nouveau directeur des Services Judiciaire­s et qui est extrêmemen­t claire. C’est de tout mettre en oeuvre pour que, plus que jamais, nos Cours et Tribunaux continuent à accomplir leurs tâches au service des justiciabl­es et du droit, en toute indépendan­ce, impartiali­té et sérénité. Il lui appartiend­ra aussi de m’indiquer si des moyens supplément­aires doivent être mis en oeuvre pour permettre à la justice de fonctionne­r plus efficaceme­nt, ce que je suis bien entendu déterminé à faire.

Des mesures ordonnées sans aucune ingérence ” Je prendrai les mesures qui s’imposeront ” M. Anselmi apportera cette sérénité ”

L’atmosphère était-elle un peu pesante ce matin ? Il y avait une certaine émotion compréhens­ible. Mais les juges sont rassurés de la nomination de M. Anselmi, quelqu’un qui a une grande expérience de la justice et de son fonctionne­ment en Principaut­é. Il apportera cette sérénité qu’il faut retrouver.

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« Il est de mon devoir de défendre l’institutio­n judiciaire face à tous ceux qui la fragilisen­t. »

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