Monaco-Matin

Aux assises, le dérapage criminel d’un tireur amnésique

Jugé depuis hier à Nice, pour avoir tiré sur le premier automobili­ste venu, Denis Chevalley, 53 ans, accusé de meurtre, n’aide pas beaucoup la cour d’assises à comprendre un crime aussi absurde

- CHRISTOPHE PERRIN chperrin@nicematin.fr

Il voulait « s’aérer l’esprit », selon son expression, dans le hautpays. Denis Chevalley, 53 ans, passionné par les armes, amateur de tir, licencié dans un club de Saint-Laurent-du-Var, cherchait à faire un carton en extérieur ce samedi 27 décembre 2014. Les conditions météos étaient mauvaises, la route verglacée. Il a raté un virage peu après le col de Saint-Raphaël, non loin de La Penne. Sa Ford Focus s’est retrouvée à la verticale dans un ravin, six mètres en contrebas. Excédé qu’aucun automobili­ste ne s’arrête pour le secourir, il est redescendu plusieurs fois dans sa voiture qui abritait un véritable arsenal. Il est remonté avec un fusil à pompe Remington au moment où un paisible employé de supermarch­é, André Vidor, 50 ans, circulait au volant d’une Fiat Panda en direction de Nice. À la sortie d’une courbe, quatre coups de feu ont été tirés selon les enquêteurs de la gendarmeri­e de Puget-Theniers.

Quatre tirs

Un impact sur le montant avant du pare-brise, un dans le radiateur, une gerbe de plombs sur le flanc de la voiture, un tir qui pulvérise la lunette arrière. La Fiat Panda finit sur le toit. Le conducteur est quasiment mort sur le coup. Les photos prisent par les enquêteurs défilent en même temps sur l’écran de la salle d’audience. La gendarmeri­e pensait avoir affaire à un accident de la route. C’était en réalité un homicide volontaire par arme à feu. « Ces photos ravivent-elles quelques souvenirs ? », interroge le président Benoît Delaunay en fronçant les sourcils à l’adresse de l’accusé. Mal à l’aise, Denis Chevalley, crâne rasé, teint mat, voix claire « Je cherche à comprendre. » Le magistrat insiste. L’accusé, brouillon : « J’étais sous un choc traumatiqu­e constaté par SOS Médecin en garde à vue. Les gendarmes ne savent pas ce qui s’est passé. Moi, je ne sais pas ce qui s’est passé. Et je suis accablé, anéanti. Quand je suis avec les gendarmes, je ne suis pas dans mon état normal. [...]La garde à vue a été filmée d’ailleurs. » L’huissier d’audience exhibe l’impression­nant fusil à pompe utilisé par l’accusé. Trois autres armes (dont un pistolet) trônent sur la table des pièces à conviction.

Sociétés liquidées

Denis Chevalley tiendrait cette passion d’un père, ancien militaire devenu chef de chantier. Sa mère était vendeuse. Il tente d’être maître d’hôtel mais finit par travailler dans le bâtiment. Ses sociétés seront liquidées. Sa vie sentimenta­le n’est guère plus réussie. En 2014, c’est un homme seul, désoeuvré, qui se bourre de médicament­s. Roger Nahon, l’enquêteur de personnali­té, n’a rien trouvé de saillant dans l’enfance « en demi-teinte » de l’accusé. Une mère aimante, un père devenu alcoolique après le décès de son premier fils de 6 ans. L’avocat général Fabrice Karcenty lui, exhume du passé « des appels malveillan­ts en 2007, des coups portés à sa compagne de l’époque, en 2008, une blessure par balle (accidentel­le) le même jour.» Rien, néanmoins qui pouvait annoncer l’incroyable crime de La Penne. Me Eric Scalabrin, en défense, se raccroche à une alcoolémie (1,74 g dans le sang), relevée quatre heures après le drame. Et à un taux très élevé d’anxiolytiq­ue de 786 par ml. Le toxicologu­e appelé à la barre confirme que « des troubles de la vigilance, une confusion, une agitation peuvent être exacerbées avec une telle dose ingérée. » « Quand j’ai tiré, j’étais clair et net », avait affirmé l’accusé lors de sa garde à vue, brouillant encore un peu plus la compréhens­ion de cette tragédie. A-t-il bu de l’alcool et ingéré des médicament­s avant ou après les tirs mortels ? Les experts ne tranchent pas. Le mystère Chevalley reste entier.

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