« On a tout intérêt à recréer des liens entre la ville et la campagne »
Les territoires ruraux sont-ils, selon vous, laissés à l’abandon ? Le problème, c’est qu’on assiste à un éloignement physique des populations et des services. Nous sommes dans une société qui se privatise et qui est à la recherche du profit. Or, quand il n’y a pas de consommateurs sur un territoire très large, il n’y a pas de rentabilité à attendre. C’est pour cela que certains pans du territoire sont laissés pour compte. Tant qu’on sera dans cette logique libérale et capitaliste, ce sera toujours plus compliqué pour les territoires ruraux qui voient leurs services publics disparaître. Mais il n’y a pas de fatalité. Tout est une histoire d’organisation et d’attractivité.
Pour vous, il y a donc de l’espoir ? Bien sûr. Il existe de nombreux territoires qui ont un solde migratoire positif et qui sortent la tête de l’eau en expérimentant de nouveaux modèles économiques portés par des acteurs locaux. C’est du développement local. La vie appelle l’économie et non pas l’inverse. En redonnant une santé démographique à un territoire, on fait émerger des besoins, des ouvertures de commerces…
Mais comment impulser ces changements ? Il y a de nouvelles manières de faire du commerce, de nouvelles organisations sociales et professionnelles à inventer. Aujourd’hui, le numérique permet d’atteindre les masses critiques dans tous les territoires et peut donc rapprocher l’offre et la demande. Cela développe la petite entreprise.
La campagne n’est donc pas vouée à s’éteindre à petit feu ? L’avenir est sans doute plus prometteur dans les territoires ruraux et denses que dans les villes saturées dont certains quartiers n’ont plus de commerce ni de médecin. La campagne offre une autre qualité de vie, quitte à faire des sacrifices. Les problèmes de pollution notamment incitent les gens à trouver des endroits plus agréables. C’est une tendance lourde depuis des années. On peut donc imaginer que l’avenir de Nice ou de Toulon se situe dans les Alpes-de-Haute-Provence, à la fois au niveau énergétique, social ou commercial…
Les grandes villes ont-elles un rôle à jouer à ce niveau ? On a tout intérêt à tisser ou recréer des liens entre la ville et la campagne, notamment sur ces aspects de production et de consommation. Les circuits courts ne doivent pas se limiter seulement à l’alimentation. C’est pourquoi il faut réfléchir à la mise en cohérence de ces territoires qui doivent profiter aux deux. La campagne a besoin des villes, des métropoles, et vice-versa.
C’est aussi un choix politique… On a effectivement besoin d’un cadre juridique et politique pour organiser ce grand territoire. C’est le rôle des Départements et des Régions de construire un lien fort et solide entre les métropoles et les territoires ruraux, en explorant de nouveaux liens de mobilité et de développement plutôt que des liens d‘administration et de gestion. Et c’est aux métropoles d’investir de l’argent dans les territoires ruraux, en prenant soin aussi des ressources naturelles. Comment créer cette attractivité qui fait défaut à la ruralité ? Il faut donner de l’envie. On doit pouvoir s’épanouir, vivre avec sa famille sans se sentir déplacé, ni assigné. Cela passe d’abord par la culture. L’idée est de rendre le territoire intéressant et donc attractif. Cela permet d’enclencher un cercle vertueux. Et l’économie suit derrière. Il faut développer ces capteurs de richesse pour brasser du monde, du tourisme. Ensuite, cette richesse peut être injectée pour dynamiser le territoire.
Comment faire revenir les jeunes qui partent étudier à la ville ? Il ne faut surtout pas les empêcher de partir. Les territoires ruraux devraient avoir une caisse pour payer des voyages à tout le monde ! C’est un facteur d’enrichissement considérable qui permet de faire bouger les lignes. En général, les jeunes qui s’installent à la campagne, comme à Correns par exemple, ne sont pas de la région. Il faut bouger pour comprendre les mécanismes du monde. Et c’est cette richesse extraordinaire qui permet le développement d’un territoire.