Monaco-Matin

La ministre de la Culture pour célébrer Peter Brook

Peter Brook n’aime pas les hommages. Françoise Nyssen, ministre de la Culture, s’est donc effacée hier derrière un complice de longue date, Jean-Claude Carrière, qui a su trouver les mots justes

- FRANCK LECLERC

Il n’est pas seulement un grand homme de théâtre mais encore « le meilleur père qui puisse être » ,asouligné hier sa fille Irina, directrice du Théâtre national de Nice. Si Peter Brook, 92 ans, s’est prêté en souriant à l’hommage que Mouans-Sartoux tenait à lui rendre, c’est sans doute parce que MarieLouis­e Gourdon l’avait rassuré : « Ici, on n’aime pas les grandes cérémonies… cérémonieu­ses.» La commissair­e du Festival du livre a donc fait assez court. Moins toutefois que le maire Pierre Aschieri, lui-même battu au chrono par la ministre de la Culture. Françoise Nyssen, qui auparavant avait promis des moyens accrus pour les pratiques artistique­s, s’est prudemment effacée derrière le duo formé par Peter Brook et Jean-Claude Carrière. Soit un demi-siècle d’une collaborat­ion fructueuse dont le Mahabharat­a aura marqué l’apogée.

« La culture, ce qui nous réunit »

« Quelles que soient les difficulté­s qui nous entourent, à chaque instant, partager un moment de célébratio­n» ,a proposé Peter Brook. Son invitation à «participer à la vie » en saisissant « chaque moment de grâce» a fait mouche. Jean-Claude Carrière a rappelé comment, dès 1974, Peter Brook était résolu à monter cette adaptation de l’épopée indienne dont la version initiale s’étendait sur neuf heures. «Peter m’avait dit: On le fera quand on le fera. Et ce sera aussi long qu’il le faudra. » Et ce compliment à l’adresse de son maître: «Jamais Peter n’a songé à bâtir ce qu’on appelle d’un mot qui m’est familier: une car rière. » En marge de la cérémonie, Peter Brook a pris le temps d’une interview pour préciser sa pensée. Revenant notamment sur la fragilité de notre condition. «De plus en plus, le monde est une planète qui dégringole, dont les fragments se dispersent. Quand quelque chose nous réunit, comme la culture, c’est la plus grande satisfacti­on, la joie la plus profonde. On peut dire que l’on cherche désespérém­ent. Mais on peut aussi chercher avec espoir. » Pas de solennité ni d’académisme, martèle Peter Brook puisque « la vie n’est pas là ». Après avoir débarrassé le théâtre de toutes les fioritures qui pouvaient nous distraire de l’essentiel, il veut voir dans cet art le reflet de la vie. «On doit y ressentir quelque chose qui fait qu’aujourd’hui n’est pas exactement la même chose qu’hier ou demain. Nous devons être à l’écoute. Mais notre travail n’est pas de montrer ou d’analyser. Cela, c’est pour les journaux. » Peter Brook a joué partout, y compris dans la brousse. Avec sa fille Irina, le TNN se déplace jusque chez Emmaüs. Même philosophi­e ? Prolongeme­nt ? « J’espère que ce n’est ni un prolongeme­nt

ni une philosophi­e » ,rétorque-t-il. « Simplement, j’ai cherché tous les moyens pour que ce que nous proposons soit reçu comme une chose vivante. Heureuseme­nt, Irina, à sa manière et tout à fait autrement, fait en sorte également que rien ne soit figé. J’apprécie son travail dans des formes qui ne sont pas les miennes, et lui appartienn­ent. »

 ?? (Photo Franz Chavaroche) ?? Jean-Claude Carrière, Irina Brook, Marie-Louise Gourdon, Peter Brook et Françoise Nyssen, ministre de la Culture, avant l’hommage rendu hier après-midi au créateur des Bouffes du Nord.
(Photo Franz Chavaroche) Jean-Claude Carrière, Irina Brook, Marie-Louise Gourdon, Peter Brook et Françoise Nyssen, ministre de la Culture, avant l’hommage rendu hier après-midi au créateur des Bouffes du Nord.

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