Patrick Pelloux: «Trouver du beau dans l’horreur»
La vie de ce médecin urgentiste a basculé avec Charlie. Dans L’Instinct de survie, Patrick Pelloux fait le point sur sa reconstruction et se demande comment guérir de l’innommable
L’actualité donne un écho particulier au dernier livre de Patrick Pelloux. Ce diagnostic sera d’un certain réconfort.
Étonnant de vous voir dédicacer comme s’il s’agissait d’un livre léger. Il faut trouver du beau dans l’horreur. On est obligé de tenir. Deux cousines assassinées à Marseille : on y pense tout le temps, et pourtant nous sommes vivants, le soleil est là, nous sommes ensemble. L’idée initiale de ce livre, c’est de raconter l’expérience d’un médecin frappé par un psychotraumatisme, mais qui garde un regard critique sur la prise en charge, les préceptes. Opération réussie : déjà près de exemplaires et un courrier colossal. Ça aide les gens.
Ne céder ni à la peur ni à la haine, dites-vous. Comment faire? C’est très compliqué. Mais nous avons en commun de vivre dans la République, avec ses valeurs dont la laïcité. Le vivre ensemble. La tolérance. L’acceptation des autres. Ils rêvent d’une guerre de religion? Ils ne l’auront jamais. On reste la France, on continue mais on n’oubliera pas. Ne jamais rien céder. Il faut encore plus de laïcité, notamment dans les universités.
Et la laïcité à l’hôpital ? C’est un débat qui se pose. Des déviances ont été
auteur du spectacle Frères migrants présenté vendredi en ouverture, par ailleurs prix Goncourt en 1992 pour Texaco, s’est fait attendre. On l’espérait depuis vendredi sur un stand, il ne s’y était toujours pas montré hier en milieu d’après-midi. Au désespoir de son libraire. Ce dernier, désabusé : « Le thème de cette 30e édition? Aller à l’idéal. Manifestement, le sien n’est pas ici… » En revanche, on peut toujours compter sur
(photo de gauche) pour satisfaire ses fans. Massive Une lectrice : « Votre livre m’a bouleversée, il m’a fallu une semaine pour m’en remettre. »
constatées, Martin Hirsch les a combattues. L’hôpital est le premier terrain, avec l’éducation, où la laïcité doit s’exercer.
Vous sentez-vous guéri ? La sidération qui suit le choc est une bombe à fragmentation. N’importe quel signe – bruit, odeur – peut réactiver la mémoire. Le rôle des thérapeutes est de nous apprendre à vivre avec. C’est comme un handicap : on vit, mais différemment. L’amour au présence de la gent féminine devant l’étal où se bousculent des titres généreux dont Contes à guérir, contes à grandir, Du meilleur de soi au meilleur de l’autre ou encore Pourquoi est-il si difficile d’être heureux ? Depuis que l’apôtre du vivre mieux a perdu l’usage de la parole et de l’écriture, son épouse Valeria se charge des dédicaces. Sans préjudice pour le lectorat dont la
sens large est un précieux appui. Et cet instinct de survie qui permet de continuer.
La blouse blanche n’est pas un gilet pare-balles ? Non, et notre malheur est grand puisque nous risquons d’avoir de nouveaux attentats.
Toujours critique sur le rôle des journalistes ? Je le suis quand des journalistes essaient d’interviewer Coulibaly au mobilisation ne faiblit pas. Mobilisés aussi, les éditeurs de la région. Dont
qui publie sous sa propre signature une anthologie de textes, proverbes et dictons autour des arbres. Sur papier que l’on suppose issu de forêts à gestion durable. Ce fils de berger a su convaincre Pierre Rabhi d’en écrire la préface. Où le fondateur du mouvement Colibris se félicite de ce moment de pureté «que la brutalité humaine rend chaque jour plus essentielle». Bouleversant, (photo de droite) qui consacre un livre
téléphone alors qu’il est en train de commettre ses meurtres. Ou quand on fait vibrer le portable d’un jeune homme caché sous un lavabo quand la police essaie de neutraliser les frères Kouachi. On a besoin d’un journalisme fort, libre, indépendant, mais qui respecte une charte de déontologie. L’immédiateté n’est pas un gage de bonne information. L’analyse est nécessaire. à son père : « Il s’est jeté d’un train en 1970 en me laissant une lettre par laquelle il m’enjoignait à être raisonnable et humain. J’ai dû reconnaître son corps, il était en pièces. Ici, j’ai voulu reconstituer l’unité d’un être. Et lui rendre la vie qu’il m’a transmise. Le lecteur me dira si j’y suis parvenu. »
Asselin, Monsanto, enquête photographique.