Dame de coeur
En qualité de présidente de l’Amade Mondiale, la princesse de Hanovre a passé fin septembre plusieurs jours en République Démocratique du Congo. Une expérience forte qu’elle raconte
De retour de République Démocratique du Congo où, en tant que présidente de l’Amade Mondiale elle soutient les femmes et enfants en détresse, la princesse Caroline se confie en exclusivité sur cet engagement viscéral.
Pour la quatrième fois en dix ans, la princesse Caroline s’est envolée fin septembre pour une visite privée de plusieurs jours en République Démocratique du Congo (RDC). Un pays où la présidente de l’Association mondiale des amis de l’enfance (Amade) a choisi de s’investir particulièrement, en soutenant les enfants et les femmes dans des situations de détresse. Et ce sont ces enfants et ces femmes, que l’association accompagne au quotidien, que la princesse de Hanovre est allée rencontrer sur place, pour suivre l’avancement des projets engagés depuis une décennie. Des séquences qui ont marqué la princesse Caroline, dont la parole est rare, et qui a accepté pour Monaco-Matin de revenir sur ce déplacement et ses rencontres. Dont celle, à Kinshasa, de jeunes filles recueillies après avoir été jetées à la rue, suspectées par leur famille ou la société d’être des enfants sorcières.
Vous avez rencontré des jeunes filles accusées de sorcellerie, reniées par leurs familles et recueillies dans un centre dont l’Amade Mondiale a permis la rénovation. Quels échanges avezvous eus avec elles et comment ces jeunes femmes réapprennent à vivre? J’ai visité pour la première fois le centre VTA de Kinshasa en . Comme vous pouvez l’imaginer, j’ai été déroutée par l’histoire de ces enfants accusés de « sorcellerie ». C’est pourtant le triste sort réservé à de nombreuses jeunes filles par les églises de réveil qui y pullulent. Depuis, il est vrai, une relation étroite et suivie s’est tissée entre nous. L’Amade a pris en charge la rénovation du centre qui se trouve dans un quartier très populaire et assure son fonctionnement. Nous sommes également heureux d’avoir pu participer à la réinsertion d’une vingtaine de jeunes filles au sein de leur famille, et je pense avoir permis de contribuer à faire évoluer les mentalités. Il reste cependant beaucoup à faire et nous avons initié avec la direction du centre une réflexion sur la mise en place d’une approche plus intégrée de la
prise en charge de ces jeunes filles, en favorisant notamment l’échange d’expertise avec un de nos partenaires, l’association ACAY que nous appuyons aux Philippines et en France.
À Gbadolite, vous avez présidé l’inauguration de la première usine de fabrication de protections intimes en RDC. Cette usine est une réponse à une demande que vous aviez formulée l’an dernier. Comment fonctionne-t-elle? Lors de mon précédent séjour en RDC, j’avais été interpellée par les femmes vivant dans le camp de déplacés internes de Mungote, dans la province du Nord-Kivu, sur leur situation sanitaire, l’absence totale d’accès à l’hygiène intime. Face à ce constat, j’avais pris l’engagement de trouver une solution pérenne pour ces femmes, ce qui n’était pas forcément évident. Cela a cependant été possible grâce à la mobilisation du Haut-commissariat pour les Réfugiés (HCR) qui a identifié une ONG ougandaise ayant développé une technique
permettant de produire localement des protections intimes, à base de matériaux naturels (papyrus et papier), biodégradables à %. La première unité de fabrication vient d’être mise en place au sein du camp de réfugiés de Gbadolite, à la frontière centrafricaine. Cette usine fonctionne comme une activité génératrice de revenus au bénéfice d’une centaine de femmes réfugiées – elles emploient également des hommes ! Elle devrait pouvoir produire près d’un million de serviettes hygiéniques en une année, permettant de subvenir aux besoins de l’ensemble des femmes et jeunes filles du camp, mais également des communautés voisines.
Comment s’est déroulée la distribution d’une partie de la production et l’accueil de ces produits auprès des femmes ? Ce fut une grande satisfaction pour ces femmes, mais aussi pour moi, de revenir sur place à Mungote un an plus tard, jour pour jour, et être en mesure de leur remettre les kits d’hygiène dont elles étaient privées depuis si longtemps. C’est un premier pas qui a le mérite de lever un tabou, de replacer la femme au sein de la communauté et ainsi de mener des actions de sensibilisation dans les domaines de la santé, de la reproduction, la prévention des abus sexuels ou encore l’accès des jeunes filles à l’éducation. Le représentant du secrétaire général des Nations Unies pour la RDC a souhaité s’associer à cette visite et s’est dit impressionné par l’impact de ce type d’initiative auprès des populations vulnérables. Nous avons ainsi bon espoir avec Ann Encontre, représentante du HCR en RDC, et Awa Seck, représentante de ONU Femmes en RDC, de mobiliser autour de nous de bonnes volontés qui, comme nous, en tant que femme et mère, trouvent cette situation intolérable. L’intervention auprès des enfants que nous ciblons nécessite une expertise, l’identification de partenaires locaux, la mise en place d’une relation de confiance, tout cela nécessite du temps. La RDC est un pays singulier ou le meilleur côtoie le pire. Nous avons pris le parti de nous attacher au meilleur et de faire germer les pépites que nous y trouvons, comme le centre VTA, Heal Africa ou la Fondation Panzi, les femmes du camp de Mungote… Mais l’intervention de l’Amade ne s’arrête pas à la RDC, nous sommes également présents au Burundi, au Mali, au Niger ou encore en Asie, aux Philippines ou au Cambodge. J’aimerais vous répondre par l’affirmative, mais j’ai touché du doigt dans ce pays ce que peut être un monde hostile aux femmes. Le récit de ces femmes me confiant dans l’intimité de leurs cases leur quotidien, me réconforte dans mon engagement envers elles. Et je crois avant tout, au-delà des grands discours, au cercle vertueux que peuvent insuffler certaines initiatives très concrètes, comme le programme « Dignité pour les femmes ». Je formule l’espoir que ce message puisse être entendu ici par d’autres femmes qui souhaiteront s’associer à cette initiative.
J’ai touché du doigt ce que peut être un monde hostile aux femmes ”