Roya : la grande fracture
La question des migrants fait basculer la vallée dans une guerre de clans. La tension est de plus en plus forte, alors que s’immiscent mouvements d’extrême droite et agitateurs de tous horizons
Vous n’êtes pas invité ? Alors, vous allez partir et maintenant! Vous n’avez rien à faire là ! » De mémoire de journaliste, on aura connu accueil plus chaleureux pour un reportage dans la vallée de la Roya. Ce barbecue en plein air, hier, sur une esplanade au pied des montagnes du village de Fontan, semblait détendu. Moins que celui qui nous interpelle, Rodolphe Crevelle, un « journaliste » anarcho-royaliste débarqué il y a quatre mois dans la vallée (lire par ailleurs). Ce raout, autorisé par la mairie de Fontan se voulait en soutien aux commerçants ayant diffusé « A Vugi d’la Roya» («La Voix de la Roya »), publication anti migrants subitement apparue le 24 juillet dernier. Le procureur de la République de Nice a ouvert une enquête contre elle, et poursuit les auteurs et quelques commerçants qui l’ont diffusé. En réponse, «A Vugi» attaque dans son dernier numéro le procureur JeanMichel Prêtre, fustigeant ses propos « délirants et engagés » et la « bande de gauchistes locaux ». Ce journal est le dernier avatar en date de la guerre de clans qui déchire la vallée. Le schisme est total autour de la problématique des migrants. D’un côté, les soutiens de Cédric Herrou, La vallée de la Roya hier : entre paysages bucoliques, réunion du nouveau bloc «anti Herrou» à Fontan, contrôles de police et migrants croisés dans le bas de la vallée.
l’agriculteur militant, épaulé par l’association Roya citoyenne. De l’autre, un nouveau bloc qui se constitue actuellement. Il est porté par « Défendre la Roya». Un mouvement encouragé par le conseiller régional apparenté FN, Olivier Bettati. La guerre entre ces deux clans et deux associations a clairement éclaté vendredi, au tribunal correctionnel de Nice. En référé, «Défendre la Roya » a demandé la dissolution de «Roya citoyenne», qui soutient Cédric Herrou. Ainsi va (mal) la vallée de la Roya en ce moment. Nous l’avons ressenti hier. Monter, « Nous nous retirons de la procédure
c’est déjà se trouver confronté aux multiples contrôles de gendarmerie et de police aux frontières, avec ouverture des coffres pour dénicher d’éventuels migrants. À Breil, nous croisons au bar une quinquagénaire de Fontan. « Maintenant, tout le monde se déchire ici vous savez. Chacun se place pour ou contre les migrants. Un de ces jours, ils tireront sur un migrant, il y aura un drame. » La vallée a perdu plus que l’insouciance. Elle y laisse son âme. Restent parfois des moments de détente, comme la Fête de la brebis à la Brigue qui a attiré hier pour pouvoir joindre le dernier exemplaire à la plainte et citer le directeur de la publication »,
des milliers de personnes. Une réussite. On y a d’ailleurs croisé Cédric Herrou, discutant entre amis. Plus bas, à Fontan, au piquenique où nous avions décidé de nous rendre, autre ambiance donc, dans ce bloc qui se constitue contre les pro-Herrou. Ils étaient
une cinquantaine. « Bloc », c’est d’ailleurs vite dit. Assez curieusement, l’affiche annonçant le piquenique se réclamait du soutien de l’association « Défendre la Roya ». Logique. Nous l’avons écrit plus haut : elle est portée par le conseiller régional apparenté FN, Olivier Bettati. Sauf que celuici nous a clairement indiqué hier se désolidariser totalement de ce rendez-vous de soutien à un journal peut-être jugé trop sulfureux. Mieux encore, le président de « Défendre la Roya » luimême, Eric Payet-Maugeron, nous a indiqué que le « monarchiste, nationaliste et avant tout catholique », «A Vugi », « La radicalité est le passage obligé avant le dialogue. Une sensibilité anarcho-droitière peut rencontrer une sensibilité anarcho-libertaire »,
« Son réseau attire chez nous des gens qui sont dans un parcours de misère, Il les fait venir alors qu’ils ne seraient jamais ici sans lui. »
», nom de son association a été usurpé sur l’affiche, et être prêt à débarquer « dès cette semaine » les membres de son bureau qui s’y trouvaient hier. Il aura du pain sur la planche. Passons. Si les opposants aux «pro-Herrou» s’opposent entre eux, il va être difficile de s’y retrouver. Ce qui apparaît au grand jour, c’est surtout une vallée fragilisée par la problématique migratoire, tiraillée entre la politique de fermeté de l’État, la volonté d’aide aux migrants pour les uns, le refus de l’étranger pour les autres. Dans un contexte de forte poussée de l’extrême droite dans la Roya lors de la dernière présidentielle, le terrain est friable, la population déstabilisée, méfiante. Ce sont dans ses interstices que s’immiscent extrême droite, anarchistes, no borders, journaliste arnarcho-royaliste, et même « La meute France », association anti-migrants « qui veut sauver la civilisation européenne », dénonce «l’immigration massive» et qui était très représentée hier au pique-nique de Fontan. Nombre d’habitants, eux, ne se mêlant ni des uns, ni des autres, n’en peuvent plus. Ils n’aspirent qu’à retrouver la quiétude de leur vallée. Le maire de Fontan n’a pas répondu hier à nos sollicitations. « facteur à risques « abreuvé de porno en streaming depuis le fin fond de l’Afrique subsaharienne ». « onirique » ». « économique